lendemain Glavintcheff retournait de Resné
avec une vingtaine de c h r é t i e n s et deux gen–
darmes, quelques coups de fusils se firent
entendre et les gendarmes disparurent. G l a –
vintcheff était tué. Les autres voyageurs
virent la bande s'éloigner et purent recon–
naître les deux chefs. Ils t r a n s p o r t è r e n t le
corps du jeune homme à Okhrida où ils aver–
tirent les autorités quels étaient les assas–
sins. Le gouvernement ne poursuivit pas les
bandes, naturellement. Quand Haidar et
le beau-frère de Mefaïl-Agha viendront à
Okhrida, i l les arrêtera peut-être pour deux
jours, comme i l fut fait à la suite de l'assas–
sinat de Chengheloff.
Dibré.
L a terreur est grande i c i . Des
assassinats sont commis chaque jour par les
Turcs pour des motifs insignifiants : l'un fut
tué parce qu'il n'avait pas cédé le pas à un
Turc qui passait, l'autre parce qu'il n'avait
pas d o n n é à crédit perpétuel, 100 grammes
d'huile, un troisième parce qu'il ne s'était
pas fait accompagner par un Turc, contre
une r é t r i b u t i o n . Tous les magasins c h r é –
tiens ferment à 4 heures du soir, heure
après laquelle pas un chrétien ne peut se
montrer dans les rues. Pour rentrer chez
eux, les boutiquiers sont obligés d'aller
chaque soir tous ensemble au commissariat
de police afin d'obtenir que quelques gen–
darmes les accompagnent j u s q u ' à leur ma i –
son, contre paiement d'un franc par gen–
darme. Voilà la situation des c h r é t i e n s à
Dibré même . Dans les villages c'est encore
pis. Mais passons aux faits. Je ne vous en
citerai que deux :
Velu Coleff Ochakovsky, la personne la
plus estimée par les chrétiens, fut tuée i l y a
trois jours par Malitch Krosse Potera, à
4
heures du soir dans la rue principale de
Dibré. Le motif de l'assassinat était que
Ochakovsky n'avait pas trouvé un emploi
pour l'assassin quoiqu'il fût percepteur d'im–
pôts pour les chrétiens.
Dans le village
Nerezi
fut tué pour le
môme motif le kodjabachi Pavlé Martinoff.
V I L A Y E T DE Co s s ovo . — L ' é v é n e m e n t le
plus important dans le V i l a y e t de Cossovo
est certes l'assassinat de De r v i c h e Eftendi.
Nos lecteurs trouveront plus bas les d é t a i l s
de cet assassinat; ils pourront j u g e r de
son importance en apprenant qu e l fut Der–
viche E i l e n d i . Qu a n t à la situation g é n é –
rale d u vilayet, elle n'a pas c h a n g é pen –
dant celte quinzaine : elle est l a m ê m e ,
aussi affreuse, aussi i n t o l é r a b l e . Le s souf–
frances des Ma c é d o n i e n s ne cesseront
qu'avec le r é g i m e turc. V o i c i l a seule
lettre que nous pouvons i n s é r e r :
Uskub.
Le bourreau de
Vinitza,
le
fameux chef de police Derviche Effendi, fut
tué le 21 j u i n par un gendarme, dans les
circonstances suivantes :
Derviche Effendi, avant de partir pour sa
t o u r n é e vers la frontière serbe, avait r é v o –
q u é un gendarme, je ne sais pour quelle
cause. Celui-ci alla prier le consul de Russie,
M . Machkoff, d'intervenir a u p r è s du chef de
police pour que sa place lui fût rendue.
M . Machkoff, qui se mêle dans toutes les
affaires de la province, bonnes ou mauvaises,
n'hésita pas et envoya son kavas à la ren–
contre de Derviche Effendi lorsque celui-ci
rentrait à Uskub et le fit prier de passer au
Consulat de Russie. Il y alla. Le Consul de
Russie lui expliqua alors pourquoi i l l'avait
appelé et le laissa en tête à tête avec le gen–
darme r é v o q u é . Que se passa-t-il entre eux?
Je l'ignore, ne voulant pas donner foi aux
racontars bizarres que chacun cherche à
r é p a n d r e . Le fait est que quelques nfoments
a p r è s l'éloignement de M . Machkoff, trois
coups de revolver se firent entendre, et
lorsque le Consul et ses gens e n t r è r e n t au
salon, Derviche Effendi se mourait, blessé
g r i è v eme n t . L'assassin avait pris la fuite,
mais i l fut a r r ê t é a p r è s quelques heures. On
transporta le blessé à sa maison, mais en
route i l expira.
Avec l'assassinat de Derviche Effendi dis–
p a r a î t un bourreau inhumain, et le chef de
police turc le plus capable et le plus dévoué
à son ma î t r e . Il aura certainement ses pages
dans la triste histoire de la Macédoine g émi s –
sant sous le j oug turc, é t a n t un de ces fonc–
tionnaires turcs qui fit ajouter des centaines
de victimes à la longue chaîne des martyrs
du r é g i me actuel. .Dans l'affaire de
Vinitza
Derviche Effendi joua le premier rôle. C'est
lui qui commandait les supplices auxquels
plusieurs personnes ont s u c c omb é , et c'est
lui qui fit condamner une quarantaine de
c h r é t i e n s à la réclusion perpétuelle. Dans
toutes les autres affaires, ce fut toujours l u i
qui se distinguait par sa c r u a u t é et par sa
p é n é t r a t i o n dans la politique du Sultan.
C'est ainsi qu'il devint le favori du comman–
deur de massacres et i l était au comble de la
grande faveur qui souille, quand la balle
me u r t r i è r e l'atteignit.
Il venait d'arriver de Constantinople où le
Sultan en personne l u i avait d o n n é des ins–
tructions. Nous n'avons pas à douter quelles
furent ces instructions et les Ma c é d o n i e n s
ne doivent pas se plaindre de la disparition
de leur porteur.
V I L A Y E T D ' A N D R I N O P L E .
Les soldais
tuent, les soldats violent, les soldats tor–
turent, disent nos lettres. D ' u n autre c ô t é
les bandes de b r i gand s rendent les che–
mi n s impraticables, tandis que les emp r i –
sonnements en masse ne permettent pas
aux villageois de moissonner les champs.
L e gouverneur A r i f pacha donne des ordres
de p l u s en plus s é v è r e s
à
p e r s é c u t e r l a
population c h r é t i e n n e , croyant que c'est là
le salut de l'empire. Il a u n bon moyen
pou r extirper les i d é e s r é v o l u t i o n n a i r e s —
la d é p o r t a t i o n des m a î t r e s d ' é c o l e dans les
forteresses de l ' As i e -Mi n e u r e . Ma i s , pou r
que ce moyen soit efficace, i l l u i faudra
d é p o r t e r toute l a popu l a t i on . E s p é r o n s
q u ' i l n'aura pas le temps de le faire. E n
attendant, donnons quelques lettres de ce
vilayet :
Andvinople.
Le village
Vélika,
arrondis–
sement de Malko Tyrnovo, a été souvent
é p r o u v é par les Turcs. L'année passée au
mois de juillet, sur la d é n o n c i a t i o n d'un
espion, fut emp r i s o n n é Vassil Popoff. Celui-ci
ayant pu s'échapper des mains des gen–
darmes, le p r ê t r e Jordan Cazacoff, le per–
cepteur Dimitre, le frère de l'évadé Dimitre
Popoff et tous ses hommes furent a r r ê t é s . Il
y a un ou deux mois, la cour martiale d ' An –
drinople condamna le p r ê t r e et le percep–
teur à la d é p o r t a t i o n dans les forteresses de
l'Asie-Mineure et libéra les autres d é t e n u s
après un an de prison préventive. Depuis
lors, le village Vélika est destiné à la ruine.
Tous les corps de poursuite passent par là
et terrorisent les villageois ; chaque mois
des perquisitions y sont o p é r é e s ; des bandes
de brigands y sont enyoyées par le gouver–
nement. De r n i è r eme n t plusieurs soldats allè–
rent au village pendant une fête, et d é s h o –
n o r è r e n t quelques jeunes filles.
Dans le village Tziknikhor, des soldats
e n t r è r e n t la nuit, forcèrent une maison et
violèrent la jeune veuve qu i y demeurait
d'une ma n i è r e si brutale que la pauvre femme
en mourut le lendemain.
Lozengrade.
Le cultivateur Mikhaël
Yvanoff, de
Bounar-Khissar,
ayant refusé de
l'eau-de-vie à deux soldats, ceux-ci se van–
t è r e n t que dans moins de vin gt-quatre heures
Mikhaël Yvanoff aurait payé cher son imper–
tinence. Yvanoff n'en voulut rien croire, les
menaces des soldats é t a n t très fréquentes
chez nous. Mais cette fois, i l s'était t r omp é .
Le lendemain, nous apprenions que Ivanoff
était assassiné. Une plainte fut d é p o s é e
devant le capitaine de Bounar-Khissar,
mais celui-ci chassa les d é p o s a n t s : « U n
c h r é t i e n de moins, la Turquie n'en p é r i r a
pas, loin de là », avait-il dit.
Les villageois de
Tchop-Keug
ayant
r e m a r q u é que le percepteur d'impôts, Daguff,
exigeait qu'on l u i versât plus que de droit,
s'ont allés à Ouzon-Keupru se plaindre de–
vant le sous-préfet. On accusa alors ces
villageois d'être des r é v o l u t i o n n a i r e s , on en
emprisonna un grand nombie et on alla
perquisitionner dans le village de Tc hop -
Keuy pour trouver des armes.
U n combat fut livré, i l y a une dizaine
de jours, p r è s du village
Gramaiicovo
entre
une bande révolutionnaire c omp o s é e de
huit personnes et trois r é g i me n t s turcs. Une
dizaine de soldats furent tués. L a bande
perdit seulement une personne, le n o mm é
Sotir et put se réfugier dans les montagnes
de Strandja.
E N V I E I L L E S E R B I E . —
Mitrovitza.
L e
fameux b r i g a n d Mo u k h a r em , q u i , pendant
de longues a n n é e s , terrorisait la p o p u l a –
tion c h r é t i e n n e par ses exploits depuis
Tétovo, Gostivar
j u s q u ' à
Mitrovitza
m ê m e ,
vient de faire acte de s oumi s s i on au g o u –
vernement turc. Qu o i q u e les assassinats
et les pillages q u ' i l a c ommi s j u s q u ' a u –
j o u r d ' h u i soient innombrables et que tout
le pays soit d é v a s t é par l u i et par ses
hommes, le gouvernement t u r c l u i par-
Fonds A.R.A.M