soit aux A r mé n i e n s soit aux Turcs, mais sur–
tout aux A rmé n i e n s , de voyager sur un
navire é t r a n g e r . Il n'est même pas permis de
partir pour des villes voisines, à T r é b i z o n d e ,
à Ortou. 11 n'y a même pas moyen de se
procurer un passeport à cause des frais et
des difficultés sans nombre., L a vie devient
de jour en jour intolérable.
Le plus petit fonctionnaire turc, pour une
simple signature ou un simple visa, vous
fait attendre pendant des heures selon son
bon plaisir. Tout en ayant un passeport pro–
curé par tant de difficultés, l'Arménien qui
arrive d'un port turc à l'autre, est soumis
pendant des jours à de nombreuses vexations.
Babayan Eznik Vartabed, vicaire à T r é b i –
zonde, est un homme mesquin et un v i l
instrument dans les mains du gouvernement.
Outre les ennemis de dehors, nous avons
ainsi des ennemis internes qui occasionnent
des malheurs sans nombre.
P. S. — Hier, le 22 avril, le malheureux
jeune homme Holanian, fut envoyé à Trébi–
zonde sous surveillance sur un navire russe,
nous ignorons le sort qui l'attend.
L E T T R E D E
T R É B I Z O N D E
2
Juin
1902.
Pour percevoir les arriérés des i mp ô t s de
plusieurs a n n é e s , le gouvernement a vendu
le bétail des paysans, les vaches, les boeufs,
les moutons et leur dernier refuge, leur ter–
rain. Quiconque se plaint ou déplore sa
misère est soumis à des tortures inouïes.
Nous vous parlerons des villages de Nokhat-
zana, Hé, Vé r a n a .
Vérana, qui renferme vingt maisons, est
un village pauvre, n'ayant aucun produit.
Les produits de labour suffisent à peine
six mois. De r n i è r eme n t , les percepteurs sont
arrivés et ont réclamé tous les arriérés des
i mp ô t s soit avant soit après l'événement, si
on ne leur donne pas satisfaction, ils me–
nacent de vendre, comme dans les autres
villages, tout ce qu'ils trouveront. Les
pauvres paysans emb a r r a s s é s ne savent que
faire et préfèrent de vendre eux-mêmes les
choses indispensables qui procurent leur
gagne-pain journalier. S'ils ne les vendent
pas et s'ils ne contentent pas les percep–
teurs, c'est le percepteur qui les vendra.
lié est un village de quinze maisons. 11 y a
un ou deux mois, les habitants de ce village
furent battus atrocement et soumis à des
tortures cruelles par les percepteurs et les
soldats.
On é t e n d les deux bras de Gagossian Ho -
vagime et après avoir passé le manche d'une
pioche entre ses deux bras, on le bat i mp i –
toyablement et on le maintient dans cette
posture pendant des heures. De même , après
avoir tendu les bras de Harautioun Gagos–
sian, on le cloue par ses habits sur une
planche et on le garde ainsi pendant cinq
heures. Beaucoup d'antres sont soumis à de
pareilles tortures.
L E T T R E DE S I GHE R T E
12/25
Avril
1902.
Mon b i e n - a i mé ,
Voyant que les dangers qui menacent
ma vie augmentent de plus en plus, j ' a i pris
la décision de m ' e n f u i r à S i g h e r t e , i l y a vingt
jours pour é c h a p p e r ainsi à une mort inévi–
table. Je n'ai pu transporter avec moi mon
mobilier; j ' a i voulu faire venir, pendant ces
vingt jours, ma famille i c i , ainsi que mon
mobilier ; tous mes efforts furent inutiles. Ce
matin mon neveu Bé d o , é t a n t arrivé i c i du
village d'Aïndour, m'a d o n n é la triste nou–
velle du pillage de notre maison. Le 5 avril,
dans la nuit, Hassan, fils d ' Eumé r é - I s k a n , et
son frère Derviche, avec d'autres malfaiteurs,
attaquent notre maison ; on bat ma femme
ainsi que celle de Mahdéssi Bedrosse ; mon
fils reste évanoui toute une j o u r n é e ; on
blesse g r i è v eme n t S a r mé à la tête ; son état
est alarmant. On pille les boucles et les man–
tilles des femmes ; on enlève nos 18 moutons,
et les 8 agneaux. E n un mot, on nous a fait
subir tout le préjudice et le d é g â t possibles.
Aujourd'hui, nous allons adresser un écrit
de protestation
au gouvernement avec
l'aratchnorte du lieu, et nous demanderons
que nos familles soient envoyées à Sigherte
sous la surveillance des agents. Le susdit
E umé r é - I s k a n et ses fils ont me n a c é de
s'emparer aussi de nos immeubles.
Voilà, qu'elle est notre situation ; les soins
et les souffrances m'ont miné, à cet â g e j ' a i
déjà les cheveux blanchis. Je suis tout em–
b a r r a s s é et désespéré. Je ne sais de quel
côté me tourner, où s'enfuir. Pour l'amour
de Dieu, donnez-moi un conseil.
Nouvelles d'Orient
L E S
ÉMIGRÉS.
No u s avons s i g n a l é
maintes fois les é v i c t i o n s brutales o p é r é e s
par des é m i g r é s mu s u lma n s au d é t r i m e n t
des A r m é n i e n s ; i l suffit de se reporter aux
correspondances p u b l i é e s pou r rencontrer
de nomb r e ux faits de cet ordre. L e Conseil
d ' É t a t ottoman vient de confirmer toutes
ces i n f o rma t i on s ; i l a ém i s l'avis suivant :
Le Conseil d'État a décidé d'informer
toutes les - provinces que le gouvernement
devrait emp ê c h e r que des individus n'ayant
aucun titre de p r o p r i é t é , et sur leur simple
parole, pussent s'emparer des immeubles et
des p r o p r i é t é s d'autrui ; que si des violences
ont été commises par ces individus, ceux-ci
devraient être arrêtés et remis entre les
mains des autorités pour être soumis aux
dispositions de la l o i . Tout individu qui se
serait ainsi établi injustement 'sur les pro–
priétés d'autrui devrait être aussitôt expulsé,
pour que les vrais propriétaires pussent s'y
rétablir.
C'est fort b i e n ; et d é s o r m a i s la Su b l ime -
Porte pou r r a r é p o n d r e aux ambassadeurs
q u i l u i d é n o n c e r a i e n t des spoliations d ' im–
meubles qu'elle abomine de telles p r a –
tiques. Mais i l faudrait auparavant qu'elle
eut fait rendre gorge à tous les u s u r p a –
teurs q u i sont ses plus fidèles alliés dans
les provinces, et nous n'avons pas appris
j u s q u ' i c i que Mustafa-Pacha, n i les Tu r c s
de Na d j a r l i , n i l e sLa z e s , n i l e sTc h e r k c s s e s
q u i se sont e m p a r é s de terres a r m é n i e n n e s
aient rendu les biens o c c u p é s par eux à
leurs p r é c é d e n t s possesseurs.
E N
M A C É D O I N E .
On l i t d a n s le
Mouvement Macédonien
:
V I L A Y E T D E S A L O N I Q U E .
Nos lettres du
V i l a y e t de Sa l on i que contiennent des n o u –
velles t r è s i n q u i é t a n t e s sur l'état g é n é r a l
de la province. L e nombre des bandes
r é v o l u t i o n n a i r e s q u i parcourent cette pro–
vince n'a pas d i m i n u é , m a l g r é toutes les
mesures d u gouvernement.
C e l u i - c i se voyant impuissant à pou r –
suivre les r é v o l u t i o n n a i r e s , r é p a n d dans
les villages de nomb r e ux d é t a c h e m e n t s de
soldats avec ordre de terroriser l a p o p u l a –
tion afin de l a forcer ainsi à l i v r e r les
rebelles. Le s a u t o r i t é s n'obtiennent certai–
nement r i e n , parce que les rebelles c'est
toute la popu l a t i on c h r é t i e n n e q u i a assez
de ce gouvernement d ' é g o r g e u r s . Mais les
soldats, ils sont contents d ' ê t r e nou r r i s par
les r a ï a s , justement qu a nd les poulets et
les œ u f s se trouvent chez les c h r é t i e n s .
No u s donnons i c i quelques-unes des let–
tres que nous avons r e ç u e s :
Salonique.
Les prisons regorgent de
d é t e n u s politiques. Plus de 300 personnes y
attendent leur condamnation. Leur état est
é p o u v a n t a b l e , ils sont soumis chaque jour à
la torture, on ne leur donne rien à manger,
on les menace chaque jour de les massacrer
si on ne les d é p o r t e pas en Asie-Mineure. Il
y a quelques jours, le vice-consul d'Alle–
magne, M . Padel, obtint l'autorisation d'aller
visiter ces malheureux avec un pasteur. Ce
qu'il a pu y constater et qu'il raconte est
horrible à décrire. Les plus t o r t u r é s seraient
les d é t e n u s de
Rossovo, Tegnitza
et
Tikvesch;
la plupart d'eux ont les pieds c omp l è t eme n t
brûlés. L a femme de Kolé Dyrvaroff, battue
jusqu'au sang, ma l g r é son état i n t é r e s s a n t ,
est accouchée quelques jours après avoir été
d é p o s é e à la prison de Yédi-Koulé et y a
expiré dans des souffrances atroces.
Stroumitza.
Un combat sérieux fut livré
hier entre une, bande r é v o l u t i o n n a i r e et
lefe bachibozouks. L a bande, c omp o s é e de
250
personnes, fut a t t a q u é e par une bande
de bachibozouks de 150 personnes, à quel–
ques kilomètres de distance de notre ville.
L a bande révolutionnaire, o r g a n i s é e e t a rmé e
très bien, eut facilement raison de la bande
de bachibozouks et, au bout de quelques
heures, tous les bachibozouks gisaient par
terre, à l'exception d'une trentaine d'entre
eux qui surent s'échapper. L a peur des
comitas est grande i c i , dans la population
Fonds A.R.A.M