blée de Be r l i n , venant a p r è s l ' é l oqu e n t
discours du citoyen Gradnauer, au
Beichstag, lors de la discussion du
budget des affaires é t r a n g è r e s , montrait
qu'en Al l emagne comme en France et
partout en Europe , les meilleurs esprits
sont d'accord sur ces quatre points :
1"
Le s puissances signataires du
traité de Be r l i n sont solidairement et
individuellement ob l i gé e s par ce traité
à p r o t é g e r les a r mé n i e n s ;
2
° E l l e s sont responsables au même
titre que le gouvernement du Sultan,
des a t r o c i t é s qu'elles laissent c om–
mettre;
3
° Elles peuvent intervenir avec
succès, si elles ont la vo l on t é ferme
d'aboutir;
4
° L e u r intervention sera bienfai–
sante non seulement pour les A r mé –
niens, mais aussi pour toutes les autres
populations de la Turqu i e .
Jamais nous n'avons c e s s é i c i de
nous en tenir é t r o i t eme n t à ces p r i n –
cipes fondamentaux ; ce nous est un
grand honneur que le citoyen E . Berns-
tein les ait e x p o s é s avec toute la force
de son é l o q u e n c e g é n é r e u s e et de sa
dialectique savante.
R.
Une lettre de M.Joseph Denais
M. Joseph Denais, secrétaire de l'Associa–
tion des Journalistes parisiens, qui a tou–
jours défendu dans la presse catholique la
cause des populations o p p r i mé e s de Turquie,
nous adresse en même temps que son a d h é –
sion au Congrès, la lettre suivante :
Paris, le 29 Juin 1002.
Mon s i e u r le Di r e c t eu r ,
Dé l é g u é par l'Association des Journa–
listes parisiens, au C o n g r è s International
des As s oc i a t i on s d e l à Presse, q u i a u r a lieu
à Berne en m ê m e temps que le C o n g r è s
des A r m é n o p h i l e s , p r o j e t é à Bruxelles, i l
me serait tout à fait impossible de prendre
part à l a r é u n i o n à laquelle vous voulez
bien m' i nv i t e r .
Je ne voudrais pas cependant que cette
abstention bien involontaire p a r û t une sorte
d'indifférence (elle serait v é r i t a b l eme n t
inexcusable) pou r les A r m é n i e n s si terrible–
ment d é c i m é s , s i cruellement p e r s é c u t é s ,
comme le sont, d'ailleurs, tous les sujets
c h r é t i e n s ou non du Su l t a n Ro u g e ; faut-il
rappeler que depuis u n quart de siècle,
sous le G r a n d As s a s s i n (je crois ê t r e s û r de
mes chiffres), i l n'a pas d i s pa r u moins de
450
à 500.000 hommes, c h r é t i e n s ou mu s u l –
mans, sans compter les exilés, dont le d é –
nombrement serait tout à fait impossible ?
Comme catholique, la Ch a r i t é et la J u s –
tice m'enseignent de ne point faire de diffé–
rence entre les o p p r i m é s , c o r r é l i g i o n n a i r e s
ou non ; ce sont tous des hommes comme
nous, tous des frères plus malheureux qu ' on
ne le pou r r a jamais dire, victimes du plus
effroyable et du plus sanglant despotisme
que l'hisfoire ait eu à enregistrer, sans en
excepter le r è g n e de N é r o n .
Comme F r a n ç a i s , pourrais-je oublier que,
comme l'a si bien dit S u l l y - P r u d h ommc :
Je tiens de ma patrie un c œ u r qui la d:'borde
Et plus je suis Français, plus je me sens humain...
J ' app l aud i r a i donc de grand c œ u r à tout
ce q u i con t r i bue r a à a r r a c h e r a tant d'hor–
reurs v é r i t a b l e m e n t i n t o l é r a b l e s , tous les
peuples orientaux, sans distinction de race
ni de r e l i g i o n , d'autanl p l u s qu e j ' a i entendu
les A r m é n i e n s , p a rmi les plus a u t o r i s é s ,
d é c l a r e r qu'ils n'ont pas en vue, comme l a
perfidie le l eu r a a t t r i b u é , le morcellement
du territoire de l ' Emp i r e ottoman, mo r c e l –
lement q u i serait pou r tous, et plus s p é c i a –
lement pou r la F r anc e , le p r é t e x t e des plus
redoutables complications, e t p e u t - ê l r e des
plus é p o u v a n t a b l e s c a l am i t é s .
Si j ' a v a i s à exprimer mo n a v i s , t r è s
h umb l e , mais t r è s réfléchi au C o n g r è s de
Bruxelles, je dirais aux A r m é n i e n s , comme
à tous leurs compatriotes, dont nous s u i –
vons avec tant d'angoisses l'effroyable mar–
tyre : — Cou r a g e ! Vo u s n'ignorez pas
qu'ils sont nomb r eux les Tu r c s q u i aspirent
aussi ardemment que vous pouvez y aspirer
v o u s - m ê m e s , à l a pacification et à l ' u n i o n
s i n c è r e , cordiale, fraternelle de tous les
Ottomans, sous un r é g i m e de P r o b i t é , de
Justice et d ' H u m a n i t é , depuis trop l o n g –
temps i n c o n n u à Y i l d i z - K i o s q u e . Ne d é s e s –
p é r e z donc point. Qu o i q u ' o n fasse, l'heure
de l a Justice ne peut tarder à sonner!...
P o u r ma part, je crois s i n c è r e m e n t au
réveil de l ' Ho n n ê t e t é à Constantinople ; je
crois fermement à la Renaissance d'une
Tu r q u i e pacifiée, o ù i l n'y aura b i e n t ô t n i
oppresseurs n i o p p r i m é s , mais seulement
des compatriotes fraternellement unis, dans
la jouissance des l i b e r t é s l é g i t i me s , et
ne formant plus qu ' un g r a nd peuple,
dont les vertus, mi e ux connue s , mi e ux
a p p r é c i é e s , imposeront à l ' Eu r op e , l'estime
et l a sympathie, dans sa marche en avant
dans l a voie de la C i v i l i s a t i o n et du P r o g r è s .
Croyez, Mon s i e u r le Di r e c t eu r , à mes
sentiments les plus d i s t i n g u é s .
Joseph
D E N A I S .
La réforme générale de la Turquie se
trouve en dehors des discussions du Congrès
de Bruxelles , strictement limitées à la
question A rmé n i e n n e ; mais à ceux qui
seraient tentés d'accuser les a i mé n o p h i l e s de
«
réveiller l'esprit de croisade », selon les
propres paroles de M . Gabriel Hanotaux, on
ne saurait r é p o n d r e plus nettement que ne
le fait ici M . Joseph Denais. C'est un catholi–
que
militant
qui s'exprime ainsi : Cela devrait
suffire à rassurer les gens qui nous repro–
chent de faire œu v r e de fanatisme religieux,
encore que Georges Clemenceau, par exemple,
soit peu suspect d'un tel sentiment.
— —
1
— •
LETTRE DE MERSINE
14
avril 1902.
Il est dit que la justice est la base de tout
gouvernement; i l semble que ce soit pour
ce motif que l'esprit de « justice » ait tout
à fait perdu son équilibre dans l'administra–
tion du gouvernement turc dont la base est
déjà détruite.
Malheur à l'Arménien qui, bon g r é mal
g r é met le pied dans les tribunaux turcs;
s'il comparait devant le juge instructeur
pour un simple délit, b i e n t ô t i l se voit devant
la cour criminelle ; s'il a un procès contre un
Turc, i l est sûr, sans aucun doute, de ne pas
obtenir gain de cause. Or, i l serait d'une
grande prudence pour l'Arménien de ne pas
essayer de faire valoir ses droits, et de ne
pas oublier surtout de continuer au moins
une am i t i é feinte avec le Tu r c qui violente
ses droits, s'il désire de ne pas devenir plus
tard une victime de ses fausses accusations.
Si tu t'acharnes à p r o t é g e r tes justes
droits contre un Turc, tu es perdu ; ce sont
des tiraillements, d'abord, de la part des
juges, des va-et-vient sans fin, ensuite c'est
la p r o c é d u r e des preuves que la conscience
d'un juge turc seul peut tolérer. L'Arménien
a beau montrer des documents officiellement
légalisés ou non ; cela no l u i sert à r i e n ; tout
ce qui est p r é s e n t é par un A rmé n i e n et doit
servir à défendre une cause a r mé n i e n n e est
faux; si tu as des t émo i n s à faire entendre,
ce sont encore des A rmé n i e n s , des ghiaours,
leur t émo i g n a g e par c o n s é q u e n t n'a aucune
valeur; d'un autre côté, i l est impossible
d'avoir un t émo i n turc, car aucun Turc n'est
disposé à t émo i g n e r en faveur d'un A r m é –
nien. Donc, aucun moyen d'obtenir justice
pour un A rmé n i e n .
Aussi, i l arrive très rarement que l'Armé–
nien intente un procès contre un Turc, et i l
est obligé de faire tout son possible pour ne
pas donner lieu à un procès, car i l est per–
s u a d é qu'un tel p r o c è s peut l u i c o û t e r cher
ainsi qu ' à sa famille. Les tristes résultats
d'un tel état de choses sont certains; c'est la
crise é c o n om i q u e , c'est la misère, c'est la
ruine, choses d'ailleurs, qui constituent le
seul et unique but du gouvernement turc,
toujours et en toute circonstance.
Toutes ces injustices et ces dénis du droit
commis envers les A rmé n i e n s , excitent quel–
quefois l'appétit des fonctionnaires turcs qu i ,
si l'occasion se p r é s e n t e , veulent servir de
ces fruits amers à des sujets é t r a n g e r s , bien
que leurs gouvernements respectifs envoient
des cuirassés pour défendre leurs intérêts
compromis.
Il y a deux mois, i l arrive à Ad o n a un pro–
fesseur de danse, un juif, sujet italien,
n o mm é Té d é c h i , avec sa famille. Celui-ci
demande l'autorisation au vali pour donner
des leçons de danse à ses quelques a b o n n é s
Le vali la l u i refuse, sur ce refus, i l s'adresse
Fonds A.R.A.M