D E U X I È M E A N N É E .
14.
Le N u m é r o : F r anc e , 4 0 cent.
E t r a ng e r : 5 0 cent.
25
J U I N
1902.
Pro Armenia
R é d a c t e u r en Chef :
P i e r r e Q T J I L L A R D
Adresser tout
ce qui concerne la Direction
à M. Pierre QU I L LARD
ÎO,
R u e N o l l o t , P a r i s .
A B O N N E M E N T S :
France
8 »
Etranger
Î O »
Paraissant
le io et le 25 de chaque mois
COMITÉ D E RÉDACTION :
G. Clemenceau, Anatole France, Jean Jaurès
Francis de Pressensé, E. de Roberty
Secrétaire de rédaction •
J e a n
L O N G U E T
A D M I N I S T R A T I O N :
Rue Monsieur-le-Prince, 10
R A J R T S (6=)
Le samedi, de 11 heures à midi.
A B O N N E M E N T S :
France
8 »
Etranger
Î O »
MIO
ARME1NTIA,
est en vente.
A l'Administration, 10, r. Monsieur-le-Prince;
Chez Brasseur, Galeries de l'Odéon ;
Bo u l i n i e r , 19, boulevard Saint-Michel ;
A la Société Nouvelle de Librairie, 17, rue Cujas;
Au Ki o s qu e 23, boulevard des Italiens;
117,
boulevard des Capucines;
27,
boulevard Montmartre;
Chez B l a n c a r d , à Marseille;
Co h e n , à Montpellier;
Eg g ima n n , à Genève.
S O M M A I R E :
Démarches officielles. — L a situation au Sassoun;
Lettres de Sassoun et de Moush. — L a Quinzaine :
Ouvriers et artisans A r m é n i e n s (PIERRE QCILLARD).
L'espionnage turc à Genève. — L e Congrès de
Bruxelles (première liste d'adhésions). — Nouvelles
d'Orient: E n M a c ' d o i n e ; E n A l b a n i e ; L a terreur
policière ; L a condamnation de Fuad Pacha ; Pour–
suites et condamnations (P. 0.).
Démarches Officielles
On Ht dans le
Temps
du 16 J u i n :
M. Delcassé, ministre des affaires étran–
gères, a reçu hier MM. Dengs Cochin,
député de la Seine, le comte Albert deMun,
député du Morbihan, Francis de Pressensé,
député du Rhône, et Raiberti, député des
Alpes-Maritimes, qui étaient venus l'entre–
tenir des graves inquiétudes causées
aux
Arméniens de Moush et ses environs par
l'importation en masse de troupes régulières
et de Tcherkesses dans leur district.
Le ministre a pris connaissance des faits
qui lui étaient signalés, et il a promis à
ses visiteurs que non seulement il aviserait
le plu; tôt possible aux mesures que la
situation pourraient rendre
nécessaires,
mais encore que, conformément
au vœu
exprimé par les Arméniens,
alarmés
du
départ de l'agent consulaire de Russie,
M. Toumanskij, il enverrait dans le plus
bref délai un agent français, permanent ou
temporaire, sur les lieux.
On l i t d a n s
YEuropéen
d u 21 j u i n :
On mande de La liage que le Docteur
Kugper, président du Conseil des ministres
des Pays-Bas, a reçu, le mercredi 18 juin,
M. Pierre Quillard, rédacteur en chef du
Pro A r me n i a .
LÀ SITUATION AU SASSOUN
L E T T R E S D E S A S S O U N E T D E MOUSII
La rédaction de
Droschak
nous commu–
nique des lettres de Sassoun et de Moush
qui donnent des détails précis sur la situa–
tion au commencement du printemps. L a
lettre de Tiflis (26 Mai) que nous avons
publiée dans le dernier n umé r o indique que
les a p p r é h e n s i o n s légitimes des A r mé n i e n s
se sont encore aggravées.
14
Mars
igo2.
Le gouvernement local a c o mm e n c é à
l'aire cuire des galettes; d è s l a fonte des
neiges, i l enverra de s ' s o l da l s sur les hau–
teurs de Sassoun, pour poursuivre d'un
côté les f é d a ï s , e t d e l'autre, c o n f o r m é m e n t
a un i r a d é i mp é r i a l , faire construire des
casernes à Gu é l i - Go u z a n , Ch é n i k , S émb i l ,
et faire descendre dans l a plaine de Sassoun
la population de Ka v a s s u r ; voilà le seul
but visé, et pour y parvenir, i l mettra tout
en œ u v r e .
No u s savons déjà q u ' i c i , c'est u n lieu de
rendez-vous des soldats; en automne,
nombre de soldats a r r i v è r e n t ici d ' E r z e r o um
et de Kharperse ; i l y a dix j ou r s 500 cava–
liers a r r i v è r e n t de nouveau.
En ville et dans les villages les percep–
tions ont lieu d'une m a n i è r e féroce et sans
pitié ; le lieutenant, Hadji A l l a h verdi eflendi
est parti dans les villages, avec mission de
rester u n ou deux j ou r s dans c h a c u n ; i l
exige 5 à 10,000 piastres de chaque village ;
a u s s i t ô t q u ' i l arrive dans un village i l fait
rassembler par les soldats, hommes et
femmes; i l les fait mettre tous à n u , les
fait placer l ' un à côté de l'autre, et puisant
de l'eau dans les abreuvoirs, i l les arrose
et, avec l'aide d'agents de police et de s o l –
dats, i l donne de 3 à 50 coups de b â t o n à
c h a c un q u i tombe i n a n i m é .
La perception recommence alors, et les
pauvres malheureux vendent, dans une
j o u r n é e , tout ce qu'ils p o s s è d e n t ; d'ailleurs
les percepteurs, partout où ils vont, e mm è –
nent avec eux des bouche r s ; on oblige
c h a c un à vendre sa vache ou son mou t on
s'il en p o s s è d e . Déjà on a c o mm e n c é à
vendre aussi le b é t a i l des l abou r eu r s ; c om–
ment ces pauvres malheureux pou r r on t -
ils faire l eu r labour au printemps.
En ville i l n'y a pas tant de s é v é r i t é pour
la perception, i l est vrai, mais celui q u i n'a
pas d'argent, on l u i prend par force son
mobilier, le l i t , le b l é , etc.,et on les v e n d ;
si leurs dettes ne sont pas s o l d é e s ainsi, on
les emprisonne ; plus de 100 personnes
g é m i s s e n t déjà en prison pou r les i mp ô t s .
Kh a n o , notable a r m é n i e n du village de
Ilardossk fut t u é par une balle de fusil à
12
heures d u soir, de l a part des domes–
tiques d ' un Ku r d e , Ha d j i b è y ; celui-ci
avait obtenu j u s q u e - l à soit de l'argent,
soit du b l é , soit des bestiaux, du susdit
A r m é n i e n ; mais, dans les derniers j ou r s ,
le pauvre d é b i t e u r dit q u ' i l ne pouvait plus
rien fournir pou r le momen t ; mais i l p r o –
mettait pou r plus t a r d ; l à - d e s s u s , par
l'ordre d u kurde Ha d j i bey l u i - m ê m e , son
domestique vient tuer Kh a n o et s ' é l o i g n e ;
les soldats q u i se trouvaient dans le village
ne le poursuivent m ê m e pas.
D'un
autre c ô t é , les bandes turques q u i ,
l'automne dernier, sous le n om de D j a n -
P i z a r , ont a t t a q u é les villages de Mo u s h et
ont c ommi s de 30 à 40 assassinais et ont
pillé des villages, recommencent mainte–
nant à aller partout et à exciter aussi les
Ku r d e s ; l eu r nomb r e v a toujours en a u g –
mentant en ville.
Fonds A.R.A.M