laide, ils considèrent qu'en agissant de la
sorte ils lui accordent une grande faveur.
Voici quelques exemples de ces vio–
lences :
Pérène, un des hommes de Gharaff Khan,
a perçu, comme impôt du village de Hu -
ghante, d'après son habitude ancienne,
3
charges de blé, 2 pièces de châles, 8 pai–
res de chaussettes et à chaque mariage il
prélève une taxe de 1 médjidié.
Guicha Kharzor perçoit annuellement
du village de Vérine Hourouk 7 charges
de blé, 1 habillement complet, 1 yaire de
souliers, 10 paires de chaussettes ; l'au–
tomne passé, i l prit aux habitants 150 mou–
tons et 1 bœuf.
Gharaff Khan bey perçoit annuellement
du village de Vérine Godentz 9 mesures de
blé, des chaussures, des vivres divers et
touche une livre de ceux qui vont travail–
ler ailleurs et qui reviennent chez eux.
Kérim Khan bey perçoit annuellement
du village de Djajvan 12 mesures de blé,
une somme de 100 piastres, des chaus–
sures et de l'habillement, et ceux qui re–
viennent chez eux ayant travaillé ailleurs
doivent lui payer également une livre.
11
enleva en 1901, Péro, femme de Mardo.
Témour bey et Kérim bey ont perçu du
village de Sév-Kar 6 mesures de blé, ils
onl enlevé 110 moutons et ont tué le ber–
ger; puis ils ont brûlé 20 mesures de blé
dans le champ.
Khourchid bey s'est emparé des champs
immenses et des immeubles des émigrés
du village de Paghitzitz.
A Nerkine Gadentz, i l n'y a plus que
trois familles arméniennes, dans l'extrême
misère. Charail' Khan leur prend annuelle–
ment 4 mesures de blé, 00 piastres, des
habits et des chaussures.
A Merpane, i l ne reste plus qu'une fa–
mille ; CharafT Khan bey et Guicha Abdo
perçoivent annuellement trois mesures de
blé, vingt piastres, des chaussures, etc.
A Dalarse, Gaïsso de Guh;hé fit renier
sa religion à une femme arménienne et
s'empara de ses immeubles ; il fd incendier
une maison en automne ; i l persécuta deux
autres familles qui ont maintenant émigré.
Dans le village de Harguine, Kérine bey et
Charaff Khan bey, lors de la perception de
l'impôt gouvernemental, se sont fait don–
ner comme présents par les villages de
Dosson el Dalarse cinq medjidiés chacun,
et autant par les autres villages, en tout
trente-deux livres, en leur promettant de
leur faire subir moins de vexations. Les
oppressions commises dans les autres vil–
lages sont pareilles ; i l serait trop long de
Vous les énumérer une à une.
Voilà, Saint Père, pourquoi ne pouvant
tolérera cette situation terrible, deux cents
personnes du district se trouvent à Ga -
vache et à Mokse où ils errent ; tous récla–
ment avoir un mudir ottoman intelligent
et civilisé, pour pouvoir échapper à l'in–
fluence intolérable des Kurdes et jouir de
la protection de Sa Majesté ; de nom–
breuses démarches onl été déjà faites à
ce sujet auprès des valis, mais toujours
sans résultats ; celte fois-ci des démarches
furent faites auprès de la Sublime Porte
et auprès de Votre Béatitude, afin que,
pour l'amour de Dieu, un remède fût porté
à la situation de ce malheureux peuple qui
veut subsister sur ses propres terres pour
prier pour la vie de l'auguste Souverain et
celle de Votre Béatitude.
Le Vicaire.du Catholicos à Agihamar,
ARSÈNE,
Varlabed.
L I R E
Le Mouvement Socialiste
10,
rue Monsieur-le-Prince, Paris
(
VI
1
)
Revue hebdomadaire Internationa le
Directeur : Hubert
L A G A R D E L L E .
Secrétaire : Emile B U R E .
Direction litléréraire : Lucien B E S N A R D .
LETTRES
L E T T R E D E V A N
18
février
igo2.
Dans nos précédentes corespondances,
nous avions montré suffisamment que Fôrik
Ilussni pacha était un terrible arméno-
phobe. Cette bête féroce et son fils, le colo–
nel Servet bey sont des ennemis jurés des
Arméniens ; leur unique occupation consiste
à exciter, par tous les moyens, le gouverne–
ment, les soldats et le vulgaire Turc contre
les Arméniens.
'
Hussni pacha a la plus grande aptitude
pour jmettre à exécution les plans et les ins–
tructions de Zéki pacha. Les chefs hamidiés
dans leur effronterie publique se fient abso–
lument à la protection de Hussni pacha, si,
par hasard, le gouvernement ose (?) prendre
des mesures sévères contre eux, sur la pro–
testation des Arméniens. Soit lui, soit ses
complices les hamidiés l'ont courir toujours
le bruit que les fédaïs ont passé les frontières
par centaines, qu'il y a une force considéra–
ble en Perse, et à Van, de nombreux réfu–
giés. 11 télégraphia plusieurs fois à la Sublime
Porte et demanda l'autorisation de faire des
perquisitions ; nous ne savons pas quelle
réponse i l a reçu ; les quelques perquisitions
qui ont été opérées n'ont donné aucun résul–
tat et lui ont causé de grandes déceptions.
Les fonctionnaires et les policiers armé–
niens sont également soumis à la haine et à
l'antipathie de Hussni parce qu'ils ne veulent
pas être ses auxiliaires par leur espionnage
et leur trahison. Hussni veut être un partisan
fidèle de Bahri pacha par ses cruautés, et i l
désire voir toujours l'Arménien dans la mi –
sère et l'indigence, comme Bahri pacha.
Celui-ci, à ce qu'on raconte, voit un jour un
Arménien tout en haillons, il s'adresse à ceux
qui l'entouraient et dit : « Voilà, c'est dans
cet état que devrait être toujours le raïa ; il
n'est pas juste qu'il ait plus ».
Pendant le Bamazan passé, Eghia effendi
Kaldjian, deuxième commissaire, fut victime
de sa haine. Dans la soirée du 12 décembre
de l'année passée, Eghia effendi, avec Mara-
thian Mardiros, s'en va rendre visite aux
missionnaires catholiques à l'occasion de la
fête de Noël ; ensuite, il se rend avec son
camarade au village de Chahbaz où son frère
Archak était occupé à percevoir les impôts.
Le soir, il se met en route pour retourner en
ville avec son camarade. Pendant que leurs
chevaux allaient au galop dans les rues d'Aï-
kesdan, ils rencontrent Hussni pacha devant
sa porte, avec son fils et quelques gendarmes.
Hussni ordonne aussitôt de les arrêter. Les
gendarmes les attaquent; ils arrêtent Eghia,
et Mardisos arrive à se sauver. Hussni or–
donne de tuer aussitôt ce ghiaour ; les gen–
darmes exécutent son ordre en donnant
quelques coups avec une barre de fer sur la
nuque et à la tempe. Ensuite ils chargent
le cadavre sur le cheval, et le conduisant jus–
qu'à la porte de Gtïalib pacha, ils le jettent à
bas du cheval et s'éloignent. L'aube n'avait
pas encore paru qu'un tchavouch et quelques
policiers voient le cadavre et le portent à la
municipalité. Le lendemain on lit courir le
bruit que Eghia effendi était tombé de son
cheval et était mort de cette chute, selon le
rapport des médecins du gouvernement.
Le vicaire-aratchnort, Sahak vartabed,
homme mou et ambitieux, est devenu un jouet
entre les mains du vali; i l ne l'ait pas un pas
sans que le vali le sache, et même il n'ose
écrire aucun rapport et faire aucune protes–
tation au sujet des milliers d'atrocités com–
mises dans la crainte de lui déplaire. 11 est
vrai que les protestations et les rapports
n'ont aucune influence ; mais ces impudents
doivent sentir qu'une grande responsabilité
pèse sur eux s'ils ne veulent pas au moins
être les interprètes des protestations d'un
peuple qui lutte et proteste. Déjà la plus
grande partie du peuple n'a plus la môme
foi ancienne envers le clergé qui ne pense
qu'à se remplir le ventre, et ses membres
sont classés au nombre des gens qui sont
considérés comme des teignes.
Dans les provinces les vexations continuent
toujours. Le 14 janvier, 130 habitants de
Spargherd, dont G des prêtres, ne pouvant
résister aux impôts et aux tyrannies ont émi–
gré à Gavache et se sont adressés à Arsène
vartabed, vicaire du catholicos, pour trouver
un remède à leurs souffrances. Ils dépensent
25
medjidiés pour envoyer 4 télégrammes à
Tahssin bey, premier secrétaire au palais, au
grand vizir, au ministère de l'intérieur et au
Patriarcat. Arsène vartabed envoie person–
nellement trois télégrammes, mais sans aucun
résultat. La population errante et sans asile
depuis plus d'un mois vit par les aumônes
de ses compatriotes, alors que ses frères et
ses parents sont dans les mains des bour–
reaux. Le vali de Bitlis, sur les instructions
de la Sublime Porte, semblc-t-il, a fait man–
der les mudirs-beys de Spargherd, mais
ceux-ci n'ont pas même bougé de leur place.
Spargherd est un district habité par des
Fonds A.R.A.M