CONSPIRATIONS A CONSTANTINOPLE ET A
ADANA .
Par crainte d'une conspiration
militaire, S. M. I. a l'ail interdire à tous
officiers des années de terre et dé mer
d'entrer dans les restaurants et cafés
européens de Constantinople et de fré–
quenter des Européens. L'ordre des m i –
nistres de la guerre et de la marine porte
même qu'aucun officier turc ne doit se
trouver dans les quartiers de Përa et de
Calala, passé 12 heures à la turque, c'est
à dire, à la date du 10 mai, passé 7 heures
3
minutes du soir, selon l'heure d'Europe.
A Adana, complot 1res grave, vu la
proximité de Zeîtoun ; un maître de danse
italien débarque à Mersrine pour y ensei–
gner son art ; la place était prise ; il poussa
jusqu'à Adana. Là tout alla bien jusqu'au
jour où les espions s'avisèrent que cet
homme était un très dangereux conspira–
teur qui faisait faire à ses élèves des exer–
cices militaires au commandement de :
«
Un , deux, trois. » Aussitôt, défense fui
laile à tous sujets ottomans de fréquenter
son cours ; puis la maison suspecte fut
bombardée, de nuit, à coup de pierres, si
bien que le vice-consul d'Italie dut l'aire
garder par un cawass le domicile de son
compatriote. Il a aussi demandé une forte
indemnité. Mais voilà que la danse est
devenue séditieuse.
CONDAMNATION ET DÉCORATIONS.
On
lit dans les journaux turcs :
Tahir d'Arnaonle Keny, aide de camp impérial et
Lieutenant pavai, qui se trouvait à bord d'un cuirasse, à
Tripoli d'Afrique, s'est, enfui à Malte. Le capitaine
naval de Tripoli d'Afrique en a informé le ministère de
la marine, et le consul ottoman à Malte en a informé
le ministère des affaires étrangères. Le susdit individu
est condamné à la radiation, à un emprisonnement de
six mois, à la perte de ses décorations et ses médailles,
conformément aux dispositions de l'article 32 de la loi
pénale militaire; il sera arrêté par la police lors de sa
rentrée en Turquie. L'arrêt est confirmé par iradé
impérial*.
On lit dans les mêmes journaux :
Sa Majesté le Sultan a bien voulu décerner
des promotions et des décorations à quelques
«
aratchnortes », à des membres du conseil
civil el à quelques préposés du Patriarcat.
En voici la liste complète :
Est promu au grade de l i a U
1
'
ordre, Der
Mersésian Dikran effendi, chargé d'affaires
du Patriarcat.
Sont promus tut grade de Mutémaïz,
Thélian Partogh effendi, chef du bureau
administratif du Patriarcat, et Khatchadou-
rian Garabed effendi, chef du bureau des
correspondances turques.
Est décernée la décoration de Médjidié,
ordre, à l'évêque Der Kapriel Djévahird-
jian, vicaire du Patriarche.
Es) décernée la décoration de .Médjidié.
ii'' ordre, à l'évêque Der Hagop Achod,
aratchnorte de Samssoun ; à Arsène varta–
bed, vicaire du catholieos à Aghthamar; à
Cornue vartabed, aratchnorte de Tchars-
sandjak ; à Eghiché vartabed Kalfayan,
aratchnorte d'Angora, à Parène vartabed,
aratchnorte de Segherd, el, à Migirditch
vartabed Aghavnouni, vicaire-aratchttorte de
Kutahia.
Est décernée la décoration de Médjidié,
3"
ordre, à Mihran Séthian, Sébouk Démird-
jibachian, et Migirditch Asassian, membres
du Conseil civil.
Est décernée la décoration de Médjidié,
5
e ordre, à Mardik Khatchadourinn, chef-
huissier au Patriarcat, et à Garabed Sirabian,
huissier personnel du Patriarche.
P. Q.
Variétés
MON C OMME R C E DE LAINE
(
De la vie économique des Arméniens-Turcs)
(
Suite)
D
La chambre était assez obscure et il y avait
là un grossier banc de bois; mais moi j'étais
tellement lassé de mes fatigues de voyage et
de l'émotion que j'avais subie, qu'aussitôl
étendu sur ce banc, je fermai les yeux. J'eus
un sommeil très agité ; la ville d'Erzeroum,
mes impressions de voyage, l'émotion que je
venais de ressentir, les halles de laine à Djé–
zireh et l'image de la potence dont le com–
missaire m'avait menacé, tout cela, mélangé,
m'opprimait sous un cauchemar épouvan–
table. Je serais resté encore longtemps dans
cetélal somnolent, si quelqu'un ne m'avait
réveillé subitement. J'ouvris les yeux, un
vieux zaptié, des yeux auquel l'eau et, la
chassie coulaient, comme « la résine découle
des dattiers de l'Arabie ,, se tenait debout à
mon chevet, une chandelle à la main.
lié, lève-toi, je t'apporte une chandelle,
répétait l'homme enme secouant.
Je me dressai et je m'assis ; i l faisait déjà
nuit ; je sentais une grande faim et en même
temps un grand désir de fumer. Je donnai
un médjidié au vieux, lui demandant de
ni apporter un peu de pain, du fromage et,
un peu de tabac. Quand, à la lueur de ht
chandelle, le vieux vit l'éclat de l'argent, ses
yeux ruisselants brillèrent : « Avec grand
plaisir », me dit-il, et il sortit.
Peu de temps après, il revint avec tout ce
que je lui avais commandé, mais il est tnu
tile de dire qu'il oublia dans sa poche le res–
tant de l'argent.
Mon nom est Ossman tchavonch (tcha-
vouch signifie sergent), je suis le gardien
d'ici, me dit-il, quand lu auras besoin de
quelque chose, je suis à ta disposition.
Eh bien, Ossman tchavouch, merci pour
ta bonté; j'arrive aujourd'hui d'Erzeroum
avec la caravane : on m'arrêta à l'entrée de
la ville et on me conduisit ici ; je ne sais pas
ce qu'on a l'ail de mes effets; ne pourrais-tu
pas les retrouver et me les apporter ici.
Je verrai ça, répondit Ossman tchavouch,
en faisant de la tète un signe de doute, et il
sortit.
Une demi-heure après il revint, et s'appro-
chant tout doucement, craignant pour ainsi
dire d'être entendu :
- - '
l'es effets sont dans la chambre des
agents; il est impossible de les prendre,
mais ton matelas, je pourrai peut-être te l'ap–
porter si je jette un peu d'os devant les
chiens.
C'était le matelas, d'ailleurs, dont j'avais
le plus besoin ; aussi, sans insister' davan–
tage, je lui demandai :
Combien faut-il, Ossman tchavouch?
Je pense que quatre
blancs
(
quatre med–
jidiés, environ vingt francs) suffiront, me
répondit le bon tchavouch (sergent), de la
même voix modérée.
Je donnai les quatre blancs; i l m'apporta
mon matelas ; je l'étendis sur le banc en bois
et je m'installai; car je voyais que je ne pour–
rais pas quitter si vite ce foyer hospitalier.
Je passai ainsi deux journées ; le délai ac–
cordé par M. le commissaire venait d'expirer;
aussi me lit-il comparaître de nouveau devant
lui. Je subis le même interrogatoire que le
premier, exactement le même; le seul change–
ment apporté l'ut les soulllets et les coups de
bâton. Malgré tous ses efforts, l'habile chef
de police ne [tut me l'aire dire « quelque
chose de neuf el me renvoya à mon ermi–
tage, cette fois-ci sans délai.
Et en l'ait, désormais mon existence aussi
l'ut oubliée pour ainsi dir<- ; il faisait nuit, il
faisait jour et moi je ne voyais aucune autre
ligure que celle de mon Ossman tchavouch.
Quatre semaines entières se passèrent ainsi;
j'avais écrit plusieurs l'ois des lettres au
commissaire, et deux pétitions au gouver–
neur, mais sans résultat. La saison pour le
commerce de laine passait; mais qui songeait
désormais à la laine de Djézireh, du moment
qu'on mettait aux enchères même ma peau
avec la laine; des heures de fureur, de tris–
tesse et de désespoir se succédaient ; j'appe–
lais Sarkisse bienheureux qui ne put venir
avec moi, et je maudissais ma noire destinée
pour n'avoir pas voulu l'aire enregistrer
faussement la date de ma naissance ; j'aurais
mieux aimé qu'on me donnât non pas six
.
ans, mais même six mois, pour ne point
tomber dans cette situation.
A la fin, un beau jour, on ouvrit la porte
de ma chambrette et je vis entrer un nou–
veau type autre qu'Ossman tchavouch. C'é–
tait un homme grand, aux maniérés moitié
européennes, moitié turques, à la barbe
longue et, grisonnante, et aveugle d'un œil.
Le sourire sur les lèvres, il s'approcha de
moi :
Salut, est-ce bien toi le fils de Sahak
agha d'Erzeroum !
Oui, répondis-je, étonné de celte con–
naissance et un peu joyeux.
Et je viens de l'apprendre aujourd'hui :
et ton père, comment va-t-il'.'
(
A suivre.)
Le Sécréta ire-Géranl :
JEAN LONGUET.
L'Émancipatrice,
Rue de Pondichéry, 3, Paris.
A . M A U M E , administ.-délégué. .
Travail exécuté en commardite par des ouvriers syndiqué!
Fonds A.R.A.M