côté, que nous quitterions le couvent
seulement, quand la réponse à nos
protestations nous serait parvenue
sous le sceau du Su l t an , des ambassa–
deurs à Constantinople et du Patriarche.
L a réponse ainsi parvenue, ferait pré–
sumer que notre voix a été écoutée, et
sera ratifiée par nous ; nous quitterons
alors seulement le couvent.
On accepta toutes nos propositions
et on partit. Hu i t jours après, une dé–
pêche, ratifiée par le grand-vizir, nous
fut adressée par le Pa t r i ar che , nous
faisant savoir que notre soumission au
Sultan nous profiterait et que nos
demandes seraient réalisées.
Voyant qu'une telle demande ne cor–
respondait pas à nos
réclamations,
nous cherchâmes le moyen de sortir.
Déjà depuis deux jours les soldats
étaient réunis ; nous en tuâmes deux.
Nous fîmes savoir (pue la dépèche
n'était point satisfaisante et que les
mêmes délégués du gouvernement
devaient revenir. Nous quittâmes le
couvent la même nuit, à trois heures;
à peine avions-nous fait quelques pas
que neus rencontrâmes les gardes avec
qui nous eûmes un entretien; ils n'osè–
rent avertir les autres par crainte, et
quand notre troupe passa, ils firent
feu sur nous, mais sans résultat ; nous
arrivâmes à Sassoun sains et saufs.
Vo i c i un incident qu i eut lieu en
hiver, le 22 décembre, dans le village
de No r chen . J'avais envoyé huit s o l –
dats qui furent surpris par trahison,
par deux capitaines e l quelques s o l –
dats; ils tuèrent deux ou trois soldats
ainsi que quelques chevaux et retour–
nèrent sains et saufs.
A N D R A N I K .
L e t t r e de M o u s h
Mouch, 31 janvier.
La bravoure fie nos fédaïs a causé même
l'admiration de nos ennemis; les Européens
admirent la bravoure et la tactique du gé–
néral Dewet, mais si Andranik et Kévork
possédaient un centième des forces dont dis"
pose Dewet, nous serions déjà sauvés depuis
longtemps. En effet, il faut considérer
comme des héros Kévork et ses cinq cama–
rades dans l'incident dePirtak, le printemps
passé; ceux-ci ont lutté deptiis le matin jus–
qu'au soir contre 2.000 Turcs et Kurdes, et
après avoir tué trois de leurs ennemis ils
restèrent sains et saufs.
De même, après l'héroïque résistance dans
le couvent Sourp-Arakélotz, Kévork, avec ses
cinq camarades, était assiégé par les soldats
envoyés de Moush; après une lutte de deux
heures, ils tuèrent Husséïn-agha, chef des
gendarmes, et s'étotgnôrent sains et saufs.
Oui, de tels héros doivent être conservés; ils
serviront, dans l'avenir, pour le succès de la
cause sacrée et sanglante de la patrie.
E x t r a i t «le l a l e t t r e «l'un no t a b l e d u
d i s t r i c t de M o u s h .
24
décembre 1901.
Au commencement du mois de novembre,
nos fédaïs, au nombre de 50 à 60, ayant à
leur tête Andranik et Kévork, sont entrés
dans le couvent d'Arakélotz. Férik pacha, en
l'apprenant, envoya des soldats sur la mon–
tagne, et avertit en même temps le consul
russe qu'il bombarderait le couvent. « Puis-
qu'ii y a là des orphelins, et que c'est un
couvent, tu n'as pas le droit de bombarder »,
lui a répondu le consul. Aussi le couvent
resta-t-ilen état de siège pendant vingt jours
et par ce temps humide, brumeux et froid,
tes soldats ne faisaient que monter et des–
cendre de la monlagne; plusieurs tombèrent
matades et quatre furent victimes des balles
de nos fédaïs. Les négociations commencè–
rent avec le gouvernement ; te Patriarcat
envoya dépêche sur dépêche en invitant nos
fédaïs à se soumettre. A fa lin, dix-neuf
jours après, tes dépêches envoyées par le
grand vizir nouvellement élu et par le Pa–
triarcat (j'ignore ce qu'elles contenaient)
furent remises à nos fédaïs, qui demandèrent,
à s'entretenir avec tes vartabeds, Khossrov
et Hovhannès, et avec deux personnages
nommés par fe gouvernement. Aussi les
susdits vartabeds et Manghtad effendi et
Mehmed effendi, par l'ordre du vali, s'en
vont au couvent d'Arakélolz et veulent causer
aux fédaïs par la porte ; mais ces derniers
leur donnent l'ordre d'entrer en les menaçant
etils entrentsaisis de frayeuret d'épouvante.
Pourquoi nous as-tu fait appeler? de–
mande Khossrov vartabed à Andranick.
Vous resterez i c i ; il est facile de boire
votre thé dans « f'aratchnortaran », dit-il, et
il sort. Les vartabeds et tes commissaires
sont saisis de frayeur.
Une demi-heure après il arrive avec Kévork
et dit aux délégués : « Nous autres, nous ne
sommes pas des révoltés contre le gouver–
nement, nous protestons seulement contre
les injustices commises ».
Le vartabed commence à l'exhorter à se
soumettre et lui dit qu'il pourrait obtenir
l'amnistie. Nos fédaïs conseillent au vartabed
de rester à sa place et de ne point dire de
tetles folies.
Vers le soir, pendant le départ, le vartabed
leur fait savoir que Férik pacha a l'intention
de bombarder le couvent. Andranik dit en
riant : « Nous autres, nous connaissons la
force et la puissance de leurs canons et de
leurs fusils, et s'il nous plaît de partir, nous
partirons d'ici quand cela nous plaira », ce qui
fut fait aussi ; le soir ils partirent sains et
saufs au milieu d'utie armée de2.000 soldats...
Le jour de Noël, le colonel en appelant
Khossrov vartabed, lui dit qu'il fallait mettre
un terme à ces maux. — « Ces gens-là n'ont
ni dieu, ni lois, comment puis-je leur per–
suader de renoncer à leurs agissements »,
;
répond le vartabed.
Nous apprenons que sur la montagne a eu
lieu également une lutte; quelques zaptiés
et un capitaine sont, tués ; nous ne connais–
sons pas les détails.
L e t t r e d u d i s t r i c t île M o u s h
p
,
t
Février.
Les fédaïs arméniens, assiégés dans le
couvent d'Arakélotz, au nombre de 50 envi–
ron, après y être restés pendant 20 jours,
furent obligés de le quitter le 21
e
jour, à
cause du manque de provisions, car le nom–
bre des assiégés, y compris les religieux et
les orphelins, s'élevait à 150. Andranik, en
cette occasion, fit preuve d'une admirable
tactique militaire; tout d'abord il fit sortir
deux personnes, Kévork Tchaouch et Hadji
Ilagop de Moush, habillées en blanc, car la
neige couvrait tout le pays ; ceux-ci s'appro-
chant des soldats gardiens : «Eh! Moussla-
pha, disent-ils, veillez bien aujourd'hui, car
ordre est arrivé et on doit bombarder le cou–
vent dans la matinée; veillez bien pour que
les fédaïs ne se sauvetit pas cette nuit ».
Pendant qu'ils s'entretenaient ainsi, les
hommes d'Andranik, au nombre de 50, se
sauvent sans bruit. Soudain un autre soldat
gardien s'écrie: « A h ! voilà les fédaïs qui
se sauvent; aussitôt deux fédaïs arrivent sur
lui et lui ordonnent avec menace de ne pas
crier; le soldat étant mis au courant qu'il
avait affaire aux fédaïs eux-mêmes, reste
saisi de stupeur. Les fédaïs sans l'aire aucun
mal au soldat, continuent leur chemin ; seu–
lement Jahandi Parssegh de Derkévan esl
tué par ses camarades par méprise. Les
fédaïs, une fois disparus, les soldats turcs
s'approchent, du couvent, à 6 ou 7 heures du
matin; les portes étaient déjà ouvertes ; ils
commencent à fouiller le couvent; on prit
des mains d'un soldat l'aube de l'abbé du
couvent pendant qu'il la vendait.
Les Turcs étaient stupéfaits et attribuaient
la fuite des fédaïs à un miracle. Mais pour
justifier les soldais turcs, ils firent courir le
bruit que Férik pacha s'était laissé corrompre
pour quelques centaines de livres par les
fédaïs. L'événement ayant eu lieu pendant
le Ramazan, les Turcs demandent à' Saïd
effendi, qui est le prédicateur dans fa mos–
quée d'Outou à Moush. « Iladja, pourquoi
ne prêches-tu pas ? » Ce dernier, pendant la
prière du Vendredi ose dire : « la religion de
l'Islam est défaillante; Férik pacha et le Vali
pacha se sont l'ait graisser la patte, et lais–
sèrent tes fédaïs s'enfuir». Férik pacha, en
apprenant cela, jette le hodja en prison, où
il se trouve depuis un mois et demi.
La situation n'est pas si insupportable en
ville, mais dans les villages elle est tout à fait
intolérable.
Dix jours après la fuite' des fédaïs, on fil
courir le bruit que ceux-ci étaient arrêtés
dans le village de Kleïtz ; les Turcs, l'écume
à la bouche, coururent pour s'emparer d'eux et
les manger tout crus, mais ils retournèrent
avec honte.
Andranik qui se trouvait dans les pro–
vinces, avait cru que Arménak de Ghizla-
ghatch et Sarkiss, de Russie, étaient arrêtés;
aussi i l arriva avec 30 hommes armés dans
le village de Pithar, mais nous l'avertîmes
Fonds A.R.A.M