un chef spirituel, et non pas un « aratch-
norte », membre du Conseil administratif
et y ayant sa voix.
E X T R A I T D E L A L E T T R E
D U 19
J U I L L E T
J'ai reçu la lettre de Votre Béatitude en
date du 30 juin, par laquelle vous nous
recommandiez : « de faire tout notre pos–
sible pour conserver les établissements
nationaux, au moins dans leur état actuel. »
En vous répétant humblement que jus–
qu'ici rien n'ayant été épargné de notre
part dans ce but, je me trouve obligé de
déclarer avec regret, à Votre Béatitude,
que nous pouvons conserver les couvents,
les églises et les écoles dans leur état
actuel (c'est-à-dire seulement comme édi–
fices et cela en ruines ou à demi ruinés) ;
mais le peuple ?
À quoi peuvent-ils servir ces édifices
sacrés, quand ils demeurent simplement
des édifices, vides de fidèles et abandon–
nés par eux, et un jouet dans les griffes
des Kurdes et des musulmans ; c'est le cas
du couvent de S. D. . . dans notre diocèse,
et celui de centaines d'autres couvents.
E X T R A I T D E L A L E T T R E
D U 10
A O U T
J'ai reçu votre lettre en date du 18 juillet,
dans laquelle, en réponse de notre lettre
du 5 mai (écrite au sujet des arriérés des
impôts, ainsi que des impôts actuels) vous
nous déclariez que : « Vous avez présenté
l'état des choses par rapport spécial au
ministère de la justice (?), etc., etc. Tout
en vous exprimant toute ma reconnais–
sance pour vos rapports et les mesures
prises jusqu'ici par Votre Béatitude, je
déclare humblement que ces rapports
n'ont aucune force et ne produisent aucun
résultat (du moins l'ai-je constaté depuis
deux ans), car ces rapports sont condam–
nés à l'oubli par la Sublime Porte, et ce sont
d'autres instructions qui inondent notre
endroit, instructions qu'exigent la diplo–
matie actuelle et le fanatisme musulman.
Et soyez sûr que ne cesseront point i c i ni
les sévérités, ni les vexations, ni les apos–
tasies. Le malheureux peuple est privé
depuis longtemps de tous les moyens de
self-défense ; de la plume, de l'école, de la
croix, de l'église, de son dernier abri, de
sa terre et de sa pioche. Voilà toute la
réalité et la politique actuelle
Aussi, si vous le pouvez, concevez
d'autres rapports, d'autres projets et
mettez les en exécution avant que la
nation soit anéantie.
E X T R A I T
D ' U N E A U T R E
L E T T R E D U 10
A O U T
11
y a à peine un mois que je suis à R . . .
pour visiter et consoler notre malheureux
peuple. Depuis mon arrivée, ayant été
^moin oculaire des souffrances infernales
des habitants, mon cœur en est fortement
brisé.
C'est la troisième fois que je visite B . ..
et i l m'a été impossible de réparer l'école
par les moyens locaux. Cette année, j'ai
présenté l'affaire au mutessariff comme
une réparation de grenier, d'hospice ; i l
envoya un ordre élastique au Kaïmakamat;
celui-ci médita longtemps, fît de longues
et de nombreuses recherches et écrivit
enfin un rapport au mutessariff pour
donner un arrêt définitif
Nous atten–
dons avec patience
La caserne qui, i l y a trois ou quatre
ans, a été construite avec l'argent et la
sueur des habitants de B . . . et a été en–
suite démolie par les fonctionnaires et le
prix des matériaux de démolition retenu
par eux ; commence à être reconstruite
sous les mômes conditions, c'est-à-dire
avec l'argent et le travail des habitants de
R . . . , près des trois fontaines d'où toutes
les femmes du village puisent l'eau.
E X T R A I T
D E L A L E T T R E D U 17
A O U T
Nous demandons à Votre Béatitude
d'intervenir auprès de Sa Majesté le sultan,
au sujet de l'insécurité et de la triste
situation de notre diocèse. Notre pauvre et
malheureux peuple périt par deux épées,
c'est-à-dire par les assassinats et les atro–
cités des tribus et par les abus et les
machinations des fonctionnaires du gou–
vernement. Pour l'amour de Dieu, un
remède décisif ; notre nation va être
anéantie i c i .
E X T R A I T D E L A L E T T R E D U 8
S E P T E M B R E
Comme les journaux l'annoncent, le
Patriarcat a pris de courtes vacances ; en
effet, toute administration, tout établisse–
ment a ses vacances ; i l fallait bien que le
Patriarcat eût aussi les siennes.
Mais dans notre diocèse, les tribus n'ont
aucun congé pour leurs pillages, leurs
attaques et leurs exploits sanglants ; les
fonctionnaires du gouvernement ne pren–
nent aucune vacance pour leurs percep–
tions barbares et sans fin et pour leurs
abus et machinations. Les aghas des
tribus de V . .. et de D . . . continuent leurs
luttes sanglantes et jettent l'épouvante et
la terreur dans le village de H . . .
J'ai reçu votre lettre du 3 juillet, dans
laquelle vous m'informiez que vous aviez
présenté un rapport pour avoir un siège
au Conseil administratif. Malgré tous les
efforts, votre rapport, comme les précé–
dents, n'eut aucun résultat. J'apprends
d'une source authentique que le Conseil
administratif de R . . . a envoyé un rapport
au vali en ce sens : « Le vicaire « aratch-
norle » des Arméniens est un prêtre auda–
cieux, sans résignation, et ne peut pas être
utile au gouvernement; par conséquent,
le prêtre svrien M . Jb. i . est plus apte »i
E X T R A I T D E L A L E T T R E
D U 22
S E P T E M B R E
Nous n'avons pas reçu encore cette
semaine une lettre de Votre Béatitude, les
courtes vacances du Patriarcat paraissent
continuer toujours.
Pour l'amour de Dieu, acceptez ma dé–
mission ; depuis une dizaine de mois j'ai
donné ma démission plusieurs fois ; je
vous ai écrit mes lamentations. Je ne puis
plus rester à R . . . ; je ne puis tolérer davan–
tage.
Le gouvernement local a pris une telle
attitude envers les Arméniens chrétiens et
leur chef spirituel, que dans les questions
les plus simples, les plus élémentaires et
les plus insignifiantes, i l fait soulever des
difficultés et montre de la mauvaise vo–
lonté", la moindre question tendant à l'uti–
lité de la nation est rejeté ; tout ce qu'il
était possible d'obtenir, même par une
simple demande ou entrevue, on ne peut
l'obtenir maintenant par plusieurs rapports.
Votre Béatitude connaît la question tou–
chant l'obtention d'un siège à l'adminis–
tration ; elle resta aussi sans résultat. Ici
les instructions des cheiks, des mollahs,
des hadjis, etc., sont exécutés avec plus de
respect et de facilité que toute autre ins–
truction, ordre ou même iradé.
Le peuple de notre diocèse est soumis à
l'esclavage, à la misère, aux vexations et
à l'insécurité (de vie, des biens et d'hon–
neur). Je ne puis porter remède à cette
situation, n'étant nutlement aidé de l'inter–
vention influente et immédiate du Patriar–
cat et des dispositions favorables du gou–
vernement. Je ne puis venir en aide tout
seul à ce pauvre peuple, ignorant,, esclave,
et dans la misère, ni moralement, car la
consolation ou l'encouragement moral est
bien faible aujourd'hui — ni matérielle–
ment car je suis absolument privé de
toutes ressources pour pouvoir secourir la
rrrisère de toute sorte — ni au point de
vue administratif, car l'attitude défavorable
du gouvernement et les vexations des t r i -
feus rendent toute intervention impossible.
Il y a quinze ans, une maison fut ache–
tée pour l'église de R..., en face de l'église
et tout près de l'école des garçons, dans
l'intention d'en faire une école pour les
filles. L a môme année, on veut démolir
cette vieille maison pour reconstruire un
édifice répondant au but et tout le bois de
construction est préparé ; mais quand on
se met à l'œuvre, le peuple musulman
fanatique l'en empêche et tout le bois est
pillé. Cela fut oublié ainsi.
A l'automne de 1895, on pense en faire
un « Aratchnortaran » ; à force de graisser
la patte, on réussit à recommencer la
construction, environ un mois avant l'évé–
nement. A peine l'édifice à trois étages
élail-il achevé, que le maudit événement
éclate; ha foule s'empare de l'édifice en
Fonds A.R.A.M