mencement de l'évolution, qu'envers ce qui
est hors du groupe, en droit affirmé aussi
en dedans du groupe, c'est-à-dire en droit in–
dividuel. Le point de départ reste néanmoins
le droit reconnu seulement entre les différents
groupements autonomes, et c'est pourquoi
on pouvait dire sans rien exagérer que l'an–
cien état romain et les anciennes cités grec–
ques n'étaient que des confédérations de
familles.
La suite de l'évolution sociale nous,
montre, d'une part, l'affranchissement de
l'individu des groupements primitifs, qui
lui reconnaissent enfin des droits indivi–
duels et, d'autre part, la croissance ininter–
rompue du sentiment de la solidarité qui
s'étend graduellement des individus appar–
tenant au même groupe social aux individus
faisant partie de tous les groupes sociaux
dont se compose l'humanité. L'expression
juridique de cette croissance de la solidarité
entre les groupes sociaux, qui sont des Etats
et des peuples modernes, c'est encore le droit
international, et si la sanction de ce droit
est même actuellement aussi imparfaite que
celle du droit international primitif, elle est
au moins capable de perfectionnement i n –
défini.
Aussi, bien que nous ayons passé du
droit collectif protégé par la seule force de
la poigne au droit individuel mis sous la
sauvegarde des tribunaux réguliers, de même
le droit international moderne passe de ses
formes grossières et mal déterminées aux
formes raffinées et beaucoup mieux définies
du droit interne qui régit les rapports des
individus appartenant au même peuple. C'est
la conséquence forcée de ce fait, que nous
reconnaissons maintenant en principe des
droits des peuples comme il existe des droits
des individus, et que nous croyons que tous
les peuples ont le même droit sinon au
bonheur, au moins à une place assurée sous
le soleil. Malheureusement cette reconnais–
sance du principe et cette croyance intime à
la justice finale ne se réalise pas encore de
point en point dans la vie. Et une des princi–
pales causes de cette malheureuse contradic–
tion gît dans le l'ait, que les gouvernements
des peuples se disant même civilisés n'en–
trent pas volontiers dans la voie indiquée
par la conscience publique ou y marchent
d'un pas différent et très inégal. A l'arrière-
ban de tous ces gouvernements, apparaît la
Russie, suivie de près par l'Allemagne, qui
n'a de sympathie que pour soi-même, et en–
core par l'Angleterre— non certes l'Angle–
terre de Gladstone et de Morley, mais
celle de Salisbury et de Chamberlain —
et aussi les tats-Unis, depuis que l'affreux
jingoïsme a envahi momentanément, espé–
rons-le, ces deux pays. La France, — je
ne parle pas naturellement de son gouverne–
ment, mais de ce qu'elle a de plus noble et
de plus fort au point de vue du sentiment et
de l'intelligence — tient le record dans ce
mouvement de l'humanité vers la solidarité
universelle, et en tant que la cause armé–
nienne est englobée dans cet ordre d'idées
et de faits, je ne peux pas taire ici le nom de
P. Quillard, le fondateur et le rédacteur en
chef de la vaillante
Pro Armenia.
qui sert la
cause de l'Arménie avec un dévouement
vraiment admirable, une science sûre et un
talent hors de ligne.
Je pourrais dire en finissant que, puisque
la cause arménienne reste liée étroitement
aux tendances de l'humanité vers la justice
et le droit individuel, étendu à tous les peu–
ples, cette cause n'est pas une cause perdue
ou que, si on la fait périr, elle entraînera
dans l'abîme le droit et la justice !
pour lesquelles je n'ai pas pu m'y rendre ou
vous répondre, l'enveloppe de votre lettre
vous en expliquera les raisons.
Je rentrerai sous peu à Bruxelles, et après
quelques jours, j'espère me rendre à Paris,
où je me ferai un plaisir de vous voir et de
vous serrer la main.
Rien à vous de cœur,
I S M A Ï L .
Charles Longuet qui, dans sa longue
carrière d'homme public et de journaliste
fut toujours l'ami dévoué de tous les peu*
pies opprimés, était venu apporter aux
Arméniens l'expression de sa vive sympa–
thie. Il a déclaré qu'il voyait avec satisfac–
tion le parti socialiste français trop sou–
vent indifférent aux plus graves questions
de politique internationale, intervenir avec
Sembat et Rouanet en faveur des opprimés
d'Arménie.
Après un échange de vues entre
MM . Sembat et Atkin, la proposition sui–
vante, appuyée par MM . Brandès et de
Roberty, est votée :
f*
«
Cette réunion internationale d'Aimé-
nophiles décide qu'une conférence des
amis de l'Arménie de tous les pays aura
lieu le plus tôt possible, à Bruxelles. Elle
se proposera principalement de porter la
question arménienne devant les parlements
d'Europe ».
Quelques paroles émues et éloquentes
sont encore prononcées par M . Collins,
correspondant du
Sun,
de New-York, qui,
en sa qualité d'Irlandais montre que les
peuples opprimés surtout doivent porter
leur sympathie à la cause arménienne et
par M. Fuchs, correspondant de
Lokalan-
zeiger,
de Berlin, qui examine les moyens
pratiques d'assurer à la prochaine confé–
rence de Bruxelles le plus grand succès
possible.
Au nom du Comité anglo-arménien,
M . Atkin offre pour l'organisation maté–
rielle de la conférence, une somme de
500
francs. L'on décide de choisir le mois
de juillet comme date et l'on désigne
comme secrétaire général, chargé des con–
vocations, le rédacteur en chef de
Pro
Armenia.
Jean LONGUET.
P. S.
—
Le docteur Loris-Mélikoff vient
de recevoir d'Ismaïl Kemal bey, la lettre
suivante :
Londres, le 16 avril 1902.
Mon cher Docteur,
Au moment où je partais de Bruxelles
pour Londres, dimanche passé, j'ai reçu
votre aimable invitation pour le 5 courant.
J'ai beaucoup regretté d'avoir manqué l'oc–
casion de faire la connaissance des amis
d'une cause si juste et si chère à mon cœur.
Je n'ai pas à vous expliquer les raisons
Correspondance d'un Vicaire
D U P A T R I A R C A T
EXTRAIT DE LA LETTRE nu 16 JUIN 1901
Nous sommes dans les jours chauds de
l'été ; la voracité des tribus et des fonc–
tionnaires se manifeste plus que jamais.
Le pillage, les assassinats et les enlève–
ments (car la chaleur excite aussi les nerfs
des tribus) commis par les premières et
les perceptions barbares des autres sont
au comble. Je suis las d'écrire. Que
désormais l'administration centrale soit
tenue responsable de l'état navrant de ce
pauvre et malheureux peuple.
EXTRAIT DE LA LETTRE DU 7 JUILLET
La population des bourgs, où résident
des Kaïmakatns de notre diocèse, demande
que l'autorité gouvernementale quitte
leurs villages et qu'elle aille s'établir
ailleurs pour pouvoir échapper ainsi aux
nombreuses violences et désordres des
fonctionnaires et des soldats ; la popula–
tion arménienne de R . . . et de T . . . , par
exemple, est dans ce cas. (J'ai déjà écrit
à ce sujet dans mon rapport de l'année
passée.)
Et la population a raison, car la pré–
sence de l'autorité gouvernementale, non
seulement n'offre aucune protection, au–
cune facilité et aucun profit, mais devient
en outre la cause de nombreux abus, de
violences et d'ignominies et la population
est gravement opprimée.
EXTRAIT DE LA LETTRE DU 12 JUILLET
J'ai reçu la lettre de Votre Béatitude, en
date du 20 juin, lettre dans laquelle, après
m'avoir informé que les mesures essen–
tielles de mon rapport en date du 12 mai
seraient mises en exécution, vous me
recommandez : « de ne pas laisser tout à
la charge de l'administration centrale, vu
les circonstances et les difficultés actuelles,
mais d'arranger ce qui est possible par
des mesures locales ».
Mais je vous déclare humblement,
encore et toujours, que dans un milieu
comme celui-ci, un vicaire ne peut jamais
rien faire par des mesures locales, quand
surtout i l n'est considéré que simplement*
Fonds A.R.A.M