l'année passée, de percevoir la dîme dans le
village de Kouylou, puisque le bey, avide
comme un brigand, avait opprimé, pendant
des années, le village et les paysans. Quand
le chef du village s'adressa au gouvernement,
blessé et malade, on le chassa effrontément.
Deux semaines avant les l'êtes du Baïram,
quatre ou cinq officiers turcs, en plein jour,
attaquèrent, dans le marché, le contrôleur
et le rouèrent de coups en réclamant leurs
appointements. Nous autres, nous ne pou–
vons pas juger mal ces officiers,- quand ils
sont dans l'impossibilité de toucher même
un seul mois de leur solde dans toute
l'année. Certes la faute.n'est pas non plus
au contrôleur, mais les officiers, en battant
le contrôleur, méprisent par là l'autorité
supérieure et c'est contre elle qu'ils font
cette démonstration.
La nouvelle importante et triste de la se–
maine nous arrivé de Biarbékir. Nous appre–
nons qu'un groupe de vauriens turcs s'intro–
duisent en plein jour chez un - notable armé–
nien et là ils tourmentent et violent cinq
femmes arméniennes honorables, qui s'y
étaient réunies. Les marchés restent fermés
pendant trois jours; le vali, qui est un homme
corrompu et un oppresseur, s'efforce en vain
de rassurer les Arméniens pour calmer les
esprits excités ; la ville est cernée par les
soldats, et nous no savons pas comment i l a
été possible de calmer les esprits. Les détails
nous manquent encore. Vous pouvez juger
par là combien les relations sont faciles en
Arménie, puisque Kharpout se trouve à une
distance de trois jours de Diarbékir, et pour
apprendre un événement qui y a lieu, nous
sommes obligés d'attendre pendant quinze
jours ! Nous autres, nous sommes tellement
habitués à des méfaits de ce genre, qu'ils
excitent notre curiosité seulement pour un
instant, ou tout au plus pour un jour. Il est
vrai que la curiosité ne dure qu'un moment,
mais une tristesse écrasante y succède, un
désespoir immense, et l'orage endormi d'une
colère sourde.
L'Arménien ne vit que par un espoir, et,
cet espoir, nous l'avons répété en toutes cir–
constances, est la confiance que nous avons
mise dans l'Europe chrétienne. Quand les
journaux de Constantinople, arrivent ici,
dans ces coins retirés, et dans ces villages,
tout Arménien qui sait lire un peu, porte
toute son attention sur les nouvelles poli–
tiques, et cherche dans les phrases contra–
dictoires, une conséquence, une lumière con–
solatrice pour lui.
Voilà, c'est dans une telle situation, dans
de tels tourments, dans la triste réalité que
l'Arménien commence la nouvelle année.
Quels sont les souffrances, les chagrins, les
pleurs qui nous sont réservés dans l'avenir,
nous ne pouvons le dire, et pourtant nous y
croyons; nous ne voulons jamais être per–
suadés d'avoir des jours de joie, de soulage–
ment et de consolation ; oh ! nous n'en aurons
jamais.
LIRE :
O I E I N F O R M A T I O N
Editeur et Baladeur :
Josef G RAF
V i e n n e , P i a r i s t e n g a s s e , 2 6
La Fondation Marillier
Un comité s'est constitué pour perpétuer
par une fondation le souvenir de M . et
Mme Léon Marillier, victimes de la ca–
tastrophe de Tréguier.
Les très nombreux amis de Léon et de
Jeanne-Mario Marillier savent quelles
causes trouvaient en eux des défenseurs pas–
sionnés : celles de la paix internationale,
de la défense des peuples opprimés et en
particulier des Arméniens, de la justice
sociale, de la lutte contre l'alcoolisme, etc.
Il n'était pas possible de choisir entre ces
causes également chères aux deux dispa–
rus et de se spécialiser en faveur de l'une
d'elles. Mais en souvenir de ce foyer si
largement ouvert aux étudiants, particu–
lièrement àceux qui, pauvres et isolés,
avaient besoin d'un conseil, d'un réconfort,
d'une amitié, le comité a décidé de consa–
crer les revenus du fonds constitué et dont
la gestion sera confiée à l'Université de
Paris, à venir en aide annuellement à un
étudiant de la Faculté des lettres ou de
l'Ecole des Hautes Etudes.
Sur les fonds recueillis, une faible
somme sera prélevée" pour placer un mé–
daillon dans le cimetière de Tréguier.
Parmi les membres du comité, nous
relevons les noms de MM . Binet, directeur
du laboratoire de psychologie à l'Ecole
des Hautes Etudes, Ferdinand Buisson,
Gley, professeur à la Faculté de médecine,
A.-Ferdinand Herold, Kleine, directeur
au ministère des Travauxpublics, Legrain,
président de la Ligue française antialcoo–
lique, Gabriel Monod, Olivier, directeur
de la
Revue générale des sciences,
Frédéric
Passy, Jean Béville, directeur de la
Revue
de l'Histoire des Religions,
Charles Bichet,
professeur à la Faculté de médecine,
Charles Wagner, etc., etc.
M . Jean Schlumberger, 78, rue d'Assas,
Paris V I
e
,
a bien voulu se charger de
centraliser les souscriptions.
La rédaction de
Pro Armenia
s'inscrit
pour une somme de 5 0 francs, elle trans–
mettra à M . Jean Schlumberger les sous–
criptions arméniennes et françaises qui lui
seront adressées.
B .
LIRE :
L ' E U R O P É E N
Cou r r i e r International Hebdomadaire
POLITIQUE, DROIT INTERNATIONAL
QUESTIONS
SOCIALES.
LITTÉRATURES. A R T .
Direction : V A N D E R\ M
( .
T
(
Leyde)
C h . S E I G N O B O S (Paris)
Rédacteur en chef : A . - F E R D I N A N D
H E U O L D .
24,
rue Dauphine, P A R I S (vi")
Articles de M M . Frédéric P A S S Y . Francis de P R E S S E N S É ,
John.-M. R O B E R T S O N . D ' M . K R O N E N U E R G . A . A U L A R D ,
Marcel C O L L I E R S , Xavier de R I C A R D , Raoul
A L L I E R .
André FONTAINAS, Pierre Q U I L L A R D . Georges E E K H O U D .
Nouvelles d'Orient
E N MACÉDOINE.
—
Les puissances euro–
péennes auraient, dit-on, conseillé à la
Porte de détruire les révolutionnaires
macédoniens, sans faire aucun mal aux
populations pacifiques. C'est là une ma–
nière d'excitation au meurtre. Hamid a
mis à prix la tête de Boris Sarafofi
(1,000
livres) et celle de Dclcew (500 livres).
Les prisons de Salonique et de Monastir
sont pleines de détenus politiques que l'on
envoie par petits paquets, en Asie-Mineure :
cinquante d'entre eux, dont Damjan Gr u -
jew, inspecteur des écoles, ont été con–
damnés aux travaux forcés à perpétuité
ou à 1 0 au 2 0 ans de la même peine.
Cependant, dans l'intérieur, les vexa–
tions, pillages et meurtres continuent.
Voici les nouvelles des dernières semaines :
Gorna Djoumaïa.
—
Un turc du village'
de
Croupnik,
connu par ses assassinats de
chrétiens, a été tué récemment. Un esca–
dron de gendarmerie fut expédié à la
poursuite de la bande qui avait commis
l'assassinat. Le fameux Arup Insbachi était
à la tête de l'escadron. Arrivé au village
de
Logodache,
i l fut attaqué par la bande.
Trois gendarmes furent tués, et le capi–
taine se vit obligé de vider la place. La
bande s'étant retirée dans la direction de
Padej
et
Troscovo,
une foule de gendarmes
et de soldats envahirent le village. Tous
les villageois qui n'avaient pu s'échapper,
furent fustigés, les maisons pillées et une
partie du village brûlée.
Le 2 0 février, un soldat assassina au
marché, le jeune garçon Alexo Ghochefi',
parce que celui-ci ne lui avait pas cédé le
pas. L'assassin continua librement son
chemin sans être inquiété. Le marché
cessa par suite de la panique. Un autre
soldat entrait en môme temps dans le ma–
gasin de Voïn Bistritchky, pour voler. Le
propriétaire, ayant aperçu le soldat qui
remplissait ses poches de savon, l'enferma
dans le magasin et alla avertir la police.
Lorsque celle-ci ouvrit le magasin, on y
trouva le soldat qui déclara qu'on l'avait
enfermé là pour le tuer plus facilement.
Le soldat fut libéré et on emprisonna le
propriétaire du magasin, son frère et le
domestique. Toutes les explications furent
inutiles, et les victimes sont encore en
prison.
Dedeagatch.
—
L'année passée, au mois
de juillet, deux turcs, père et fils, du v i l –
lage
Meracos
disparaissaient, après avoir
dîné dans le châlet voisin du village
Sgtchanlyk.
Le berger avait déclaré qu'ils
étaient partis pour la forêt voisine. Mais
Stann Dimitroif fut quand même empri–
sonné avec un vieillard du village, Ivau
Fonds A.R.A.M