IL serait trop long d'énumérer i c i les
raisons multiples qui motivèrent sa nomi–
nation au poste de médecin de l'Ambassade
de Turquie à Rome.
Certains ont pu se méprendre sur les
motifs de cet acte et accuser à tort le doc–
teur Sioukiouti d'avoir par là compromis
toute son œuvre, mais ceux qui l'ont connu
de près et qui connaissent sa vie jusqu'au
dernier jour en jugent bien autrement.
«
Je ne m'appartiens pas, disait-il, et
jusqu'à ma peau je dois tout sacrifier à
ma patrie. Mon corps ne me permet plus
de lutter, je tâcherai donc de servir autre–
ment la cause que j ' a i juré de défendre
jusqu'à mon dernier souffle. »
E n effet, c'est grâce à son intervention,
que plus de soixante jeunes gens enfermés
dans le bagne d'El-Kassr de Tripoli furent
remis en liberté, et le nombre des malheu–
reux qui persécutés par le régime hami-
dien ont vu leurs peines commuées grâce
à l u i est considérable ; que d'évasions
n'ont été opérées que par le plan et le dé–
vouement de cet homme qu i , couché sur
son l i t d'agonie, ne cessait de penser à
YOsmanli
qu'il avait fondé et auquel i l
continuait sa confiance et ses encourage–
ments ! Le plan politique de Sioukiouti se
résumait en quelques points :
i° Assurer à tous les Ottomans, sans
distinction de race et de religion, la jouis–
sance des mômes prérogatives ;
2
°
Russophobe, i l ne voyait de salut
pour son pays que dans le concours de
tous les Ottomans dans la lutte contre
l'ennemi commun et contre le despotisme ;
3
° Emploi de tous les moyens pour hâ–
ter la chute du régime actuel et l'avène–
ment d'un gouvernement libéral.
Ecrivain de mérite, et polémiste dis–
tingué, i l a publié dans
YOsmanli
de
nombreux articles qui firent une impres–
sion considérable sur les lecteurs et dans
l'intérieur de l'Empire. I l collaborait de
même au
Mizan
publié à Paris, au
Ka-
noun-Essassi
(
Constitution) et à l a plupart
des feuilles libérales ottomanes. E n de–
hors du turc, Sioukiouti bey parlait le
kurde, le persan et le français et, dans ses
instants perdus, ciselaitadmirablementles
vers persans.
Il est mort à l a suite d'une maladie con–
tractée sur le champ glorieux de l a lutte
contre l'iniquité et son nom, gravé dans
tous les cœurs des patriotes ottomans, est
inscrit sur les tablettes d'honneur de l a
Faculté de Médecine de Constantinople.
R.
L E M E R C U R E DE F R A N C E
M E N S U E L
R É D A C T I O N E T A D M I N I S T R A T I O N :
4,
rue de l'Echaudé-Saint-Germain, Paris
NOUVELLES D'ORIENT
E N MACÉDO I NE .
Le second Congrès
ordinaire de l'organisation macédonienne
a repris purement et simplement le pro–
gramme communiqué aux Puissances eu–
ropéennes signataires du traité de Berlin
en
1898.
Vo i c i le texte de ce document :
1.
Formation d'une province avec Salo-
nique pour chef-lieu, et comprenant les
vilayets déjà existants de Salonique, Mo -
nastir etUskub,dans les limites ci-dessous
indiquées :
L a ligne de délimitation de cette pro–
vince partira de la frontière serbe près de
Vranya, suivra les limites nord-ouest des
cazas de Préchovo, Koumanovo, Katcha-
nik et Tétovo, coïncidera avec l a crête du
Karadag, et du sommet de Lubotrne sur
la crête de Schar, atteindra le Korab,
point culminant de la montagne Dechat ;
de Korab cette ligne suivra l a vallée de
Véléschtiza, commençant au village Ra -
domir jusqu'à l'embouchure de l a même
rivière, dans le Dr i n - No i r (Tscherni-
Dr i n ) ; de ce point elle suivra le thalweg
du D r i n jusqu'au village Ndret, et de là,
touchant les limites ouest des cazas
d'Ochrida et de Goritza (Kortscha) jus–
qu'au sommet de Gramos, coïncidera avec
les limites sud des cazas de Kastoria, Kaï-
lari, Vodena et Karaféria jusqu'au point
d'intersection de cette ligne avec le fleuve
de Bistritza ; de ce point elle suivra le
courant de l'eau jusqu'à l a mer Egée, et
ensuite, faisant un détour sur les rives de
la mer et englobant le Calcidique, attein–
dra l'embouchure du Mesta (Karassou).
De là, l a frontière de la province suivra
la même rivière jusqu'au torrent près du
village Radiboscht, d'où, suivant le même
torrent vers l'amont, elle arrivera à l a
frontière de la Roumélie-Orientale, et de
là prendra les frontières de la principauté
de Bulgarie et du royaume de Serbie.
2.
Nomination au poste de Gouverneur
Général, pour une période de cinq ans,
d'une personne ay
f
ant un esprit droit et
tolérant, appartenant à l a nationalité pré–
dominante dans la province.
3.
Le Gouverneur Général adminis–
trera la province avec l'aide d'une Assem–
blée générale des représentants élus d i –
rectement par le peuple lui-même, tout
en garantissant les droits des minorités.
Cette Assemblée aura à se prononcer sur
toutes les questions touchant l'administra–
tion intérieure de l a province.
4-
Garantie efficace et suffisante de la
liberté personnelle et de l'inviolabilité du
domicile pour tous les habitants de l a
province sans distinction. Suppression
de l a censure de la presse.
5.
Nomination de tous les fonctionnai–
res, pris au sein de la population prédo–
minante, au lieu de leur service. Les
hauts fonctionnaires seront nommés par
le Sultan sur la proposition du Gouver–
neur Général ; les autres seront nommés
directement par le Gouverneur Général.
6.
Admission des principales langues
de la province à l'égal de la langue turque
dans toutes les institutions de la province,
en laissant aux unités administratives
libre choix d'employer, dans leurs rela–
tions officielles, une de ces langues, quelle
qu'elle soit.
7.
Les différentes nationalités chrétien–
nes organiseront elles-mêmes leurs écoles
sans que le gouvernement ou aucun des
corps constitués de la Province ait à i n –
tervenir.
8.
Création, pour le maintien de l'or–
dre et de l a tranquillité publique, d'un
corps de milice recruté dans l a Province.
Le corps sera placé directement sous les
ordres du Gouverneur Général. L'ensem–
ble de cette milice sera formé proportion–
nellement au nombre des habitants des
diverses nationalités, au maximum de
10 0/0
sur le total de la population mascu–
line. Les officiers supérieurs seront nom–
més par le Sultan sur l a proposition du
Gouverneur Général, les autres seront
nommés directement par le Gouverneur
Général.
9.
F i xa t i on du budget et des impôts de
la province par l'Assemblée générale.
25 0/0
des revenus seront versés à la caisse
commune de l'État pour les besoins de
l'Empire ; le reste sera employé pour les
besoins de l a Province.
10.
Nomination, en même temps que le
Gouverneur Général, d'une commission
ad hoc,
où les populations indigènes se–
ront largement représentées, pour élabo–
rer, sous l a présidence du Gouverneur
Général, les détails des réformes à intro–
duire.
n . Amnistie générale pour tous les
détenus politiques et pour tous les émi–
grés.
R E M A R Q U E S
Ad
t. Ce groupement territorial non
seculement n'est pas en contradiction
avec ce que l a Turquie a tenté de faire
jusqu'à présent, mais, dans ses parties
essentielles, c'est presque l a restauration
de l'ancien groupement administratif en
Macédoine à l a veille de l a guerre russo-
I turque. I l comprend les frontières natu–
relles de l a Macédoine considérée au
point de vue ethnographique et géogra-
graphique, et i l est d'accord avec l'opi–
nion prédominante dans la conférence de
Constantinople de
1856
(
V. IT protocole,
séance du
16/28
décembre
1876),
ainsi
qu'avec l'esprit du traité de Berlin (V. X I I
e
Fonds A.R.A.M