Péra, n i eux, n i aucun de ceux qu i fu–
        
        
          rent complices de ses crimes ne sont
        
        
          sûrs du l endema i n ; l ' i n f ami e l a plus
        
        
          notoire n'est p l us une sauvegarde suf–
        
        
          fisante. Tous tremblent et sont prêts à
        
        
          trahir par instinct de conservation.
        
        
          Je ne parle point' et pour cause de
        
        
          ceux des Ottomans qu i ne consentent
        
        
          pas à la déchéance irrémédiable de
        
        
          leur pays ; ceux-là veulent éviter de
        
        
          nouveaux démembrements; ils savent
        
        
          que l ' A l ban i e et l a Macédoine se sou–
        
        
          lèvent, que les chefs arabes se l i v r ent
        
        
          des batailles rangées p ou r décider de
        
        
          la possession de territoires q u i a p p a r –
        
        
          tiennent nomi na l emen t à la Tu r q u i e ,
        
        
          que bientôt les vilayets arméniens de–
        
        
          viendront pays moscovite, si le règne
        
        
          de H am i d n'est pas terminé à brève
        
        
          échéance.
        
        
          Ceux-là font plus que défendre l eu r
        
        
          v i e ; ils veulent sauver le pays. Ce n'est
        
        
          donc pas dema i n qu'ils doivent agir,
        
        
          mais au j o u r d ' hu i .
        
        
          Quant à la nature de l eur action,
        
        
          elle est déterminée nécessairement par
        
        
          le régime même qu ' i l s ont à détruire.
        
        
          Contre un souverain q u i gouverne
        
        
          par le massacre et la terreur, i l est en –
        
        
          fantin de penser que l a raison pacifique
        
        
          puisse j ama i s prévaloir. Le s comités
        
        
          arméniens ont montré aux libéraux
        
        
          ottomans l a seule voie où i l faille s'en–
        
        
          gager, s'ils ne veulent pas disperser
        
        
          leur énergie en paroles vaines.
        
        
          C'est une route âpre et tragique et
        
        
          quiconque s'y aventure a fait d'avance
        
        
          le sacrifice de soi-même et ma r c h e
        
        
          dans l ' omb r e de l a mo r t . Ma i s l a déli–
        
        
          vrance est à ce p r i x : i l en est d'elle
        
        
          c omme du r o yaume du ciel, selon l a
        
        
          parole évangélique ; elle ne sera pas
        
        
          réservée aux indécis et aux faibles,
        
        
          mais aux forts et aux violents qu i l ' a u –
        
        
          ront voulue de toute l eur âme :
        
        
          
            Via-
          
        
        
          
            lenh rapiunt
          
        
        
          
            illud.
          
        
        
          P I E R R E Q U I L L A R D .
        
        
          Gazette hebdomadaire
        
        
          P A R
        
        
          
            G. CLEMENCEAU
          
        
        
          
            B u r e a u x et A d m i n i s t r a t i o n : 2*5, r u e
          
        
        
          
            C h a u c h a t , P a r i s
          
        
        
          A B O N N E M E N T
        
        
          :
        
        
          F r a n c e et Colonies . . . .
        
        
          20
        
        
          fr.
        
        
          —
        
        
          E t r a n g e r
        
        
          25 —
        
        
          i _
        
        
          E
        
        
          ~ i r R
        
        
          E S
        
        
          
            DE RUSSIE ET DE VAN
          
        
        
          L E T T R E D E
        
        
          R U S S I E
        
        
          (
        
        
          d'après le « Charjoum » de Varna
        
        
          du
        
        
          9/21
        
        
          février
        
        
          
            La situation des émigrés arméniens réfugiés
          
        
        
          
            en Russie
          
        
        
          L'ordre impérial russe fut porté à la con–
        
        
          naissance des émigrés arméniens qui se
        
        
          trouvent dans la ville de K..., ordre dont
        
        
          l'exécution a déjà commencé dans tout le
        
        
          Caucase. Cet ordre explique «
        
        
          
            la miséricorde
          
        
        
          
            impériale
          
        
        
          »
        
        
          envers les émigrés arméniens :
        
        
          chacun est libre d'habiter où bon lui semble.
        
        
          Le gouvernement russe promet de payer la
        
        
          moitié des frais de voyage jusqu'aux fron–
        
        
          tières à tous ceux qui partent pour l'Europe
        
        
          ou pour l'Amérique, et la totalité des frais à
        
        
          tous ceux qui veulent partir pour la Turquie.
        
        
          Celui qui veut se faire naturaliser russe le
        
        
          peut aussi, et doit, dans ce cas, être appelé
        
        
          à faire son service militaire, mais i l n'a pas
        
        
          le droit de réclamer des terres avant dix
        
        
          ans ; i l doit payer 3o roubles (8o francs) pour
        
        
          la délivrance de passeport (j'ignore si les
        
        
          3
        
        
          o roubles seront payés par individu ou par
        
        
          famille).
        
        
          Les Anglais et d'autres Européens sont
        
        
          venus ici et disent qu'ils sont envoyés de la
        
        
          part de leurs gouvernements pour prêter
        
        
          secours aux Arméniens ; en payant leurs frais
        
        
          de voyage, ils veulent les emmener dans les
        
        
          ditîérentes contrées de l'Amérique, au Ca–
        
        
          nada, à la Nouvelle Calédonie ; i l y en a qui
        
        
          se préparent pour partir au Canada sur le
        
        
          conseil des Anglais ; on dit que le gouverne–
        
        
          ment anglais prêtera aussi main-forte. Il y
        
        
          en a d'autres qui se font naturaliser russes
        
        
          dès aujourd'hui, et un grand nombre désire
        
        
          rentrer en Turquie. Quelques groupes de fa–
        
        
          milles s'étaient déjà mis en route pour la
        
        
          Turquie ; nous avons appris dernièrement
        
        
          qu'un de ces groupes, à peine arrivé au vil–
        
        
          lage Z..., d'Alachgerd, fut environné par une
        
        
          bande de Kurdes et fut pillé par eux ; les
        
        
          brigands, comme s'ils avaient arrêté des fu–
        
        
          gitifs, les conduisent ensuite à la forteresse
        
        
          d'Alachgerd et les confient au gouvernement
        
        
          turc ; hommes, femmes et enfants furent em–
        
        
          prisonnés pendant une semaine ; les femmes
        
        
          et les enfants furent remis en liberté, mais
        
        
          les hommes furent soumis à des tortures
        
        
          dans la prison ; quelques-uns sont morts en
        
        
          prison ; les autres seront envoyés à Erze–
        
        
          roum, paraît-il. Trois des femmes qui avaient
        
        
          été remises en liberté, ont réussi à rentrer
        
        
          ici ; on frémit à les entendre parler de la
        
        
          situation qui règne à Moush, à Boulanik, à
        
        
          Bitlis, à Guzeldéré. Ceux qui avaient fui ces
        
        
          endroits leur avaient raconté le triste état
        
        
          des choses. Les villages, les bourgs, sont
        
        
          vides d'habitants ; dans un village où i l y
        
        
          avait quarante maisons, à peine en reste-t-il
        
        
          dix ou vingt ; la plus grande partie des mai–
        
        
          sons qui se trouvent dans les quartiers armé–
        
        
          niens sont vides ; la vie, la situation des
        
        
          habitants qui restent, est désespérée. Ce qui
        
        
          est encore plus triste, c'est l'attitude du gou–
        
        
          vernement.
        
        
          Le gouvernement turc réclame les impôts
        
        
          des émigrés, de ceux qui sont restés chez
        
        
          eux; aussi les Arméniens sont-ils soumis à
        
        
          toutes les privations, à toutes les tortures.
        
        
          Les soldats turcs, pour percevoir les impôts,
        
        
          emportent même les vêtements des hommes
        
        
          et des femmes et ils les vendent. Ce qui
        
        
          nous console dans cette situation désespérée
        
        
          et triste, c'est l'apparition des révolution–
        
        
          naires arméniens. Les actes d'héroïsme
        
        
          d'Antranik ont été, paraît-il, un encourage–
        
        
          ment pour tous les Arméniens qui souffrent,
        
        
          et déjà ici les jeunes gens sont animés pour
        
        
          suivre l'exemple d'Antranik.
        
        
          Quant à moi, je ne sais quel parti prendre ;
        
        
          où partir avec ma famille et mes enfants ; i l
        
        
          me paraît dur d'émigrer en Amérique ou
        
        
          ailleurs, loin de la Patrie; je n'aime pas et
        
        
          je ne veux pas me faire naturaliser sujet
        
        
          russe. Plusieurs sont embarrassés comme
        
        
          moi; ils ne savent que faire. Nous nous pro–
        
        
          sons de signer une pétition à l'adresse du
        
        
          tsar pour demander une réforme pour la Tur–
        
        
          quie, et notre retour en Turquie ; nous al–
        
        
          lons déclarer dans notre pétition que nous
        
        
          voudrions bien nous faire naturaliser comme
        
        
          sujets russes, mais comme nous possé"
        
        
          dons des immeubles et des terres en
        
        
          Turquie, dont nous serions privés en
        
        
          nous faisant naturaliser sujets russes, nous
        
        
          demandons à Sa Miséricorde de nous prêter
        
        
          main-forte, ànous autres émigrés, pour
        
        
          notre rentrée en Turquie ; nous ignorons si
        
        
          nous pourrons avoir un succès...
        
        
          L E T T R E D E V A N
        
        
          V a n , io décembre
        
        
          1901.
        
        
          L'hiver est considéré d'ordinaire comme
        
        
          une saison de repos pour le paysan et l'agri–
        
        
          culteur. Celui qui a travaillé tout l'été, a
        
        
          labouré, ensemencé, moissonné et cueilli, a
        
        
          droit, certes, de se reposer un peu, pour raf–
        
        
          fermir un peu ses membres fatigués près de
        
        
          la cheminée ou du four. Mais pour le paysan
        
        
          et le travailleur arméniens, depuis longtemps
        
        
          déjà ce repos n'existe pas, et dans le monde
        
        
          des souffrances, dans l'enfer qu'on appelle
        
        
          la Turquie , à chaque saison , soit au
        
        
          printemps florifère, soit en hiver neigeux, les
        
        
          barbaries et les atrocités se renouvellent
        
        
          pour anéantir le plus tôt possible les Armé–
        
        
          niens dans leurs provinces.
        
        
          Dans les pays civilisés, du moins dans les
        
        
          cœurs sensibles et humains, ne sont pas ou–
        
        
          bliés les crimes tragiques commis par des
        
        
          bourreaux turcs à Sassoun, à Mouch et aux
        
        
          environs, dont
        
        
          
            Pro Armenia
          
        
        
          fut l'écho. Nous
        
        
          ne savons pas quelle couleur ont donné à
        
        
          toutes ces barbaries turques habituelles et
        
        
          sur qui ont fait peser les responsabilités, les
        
        
          représentants de l'Europe officielle ; malgré
        
        
          le va-et-vient des consuls, les vexations con–
        
        
          tinuent toujours, ainsi que les pillages, les
        
        
          assassinats et les emprisonnements sans lin,
        
        
          que nous ne voulons pas répéter ici pour ne
        
        
          point ennuyer les lecteurs philarmènes de
        
        
          
            Pro Armenia,
          
        
        
          les mêmes descriptions
        
        
          des barbaries commises ; ici les souffrances
        
        
          de l'Arménien sont tellement variées que
        
        
          nous pouvons représenter sous une autre
        
        
          forme toutes les atrocités du gouvernement
        
        
          Fonds A.R.A.M