jesté le Sultan.
          
        
        
          Pour masquer les crimes
        
        
          commis et pour réaliser des projets fonda–
        
        
          mentaux pour l'anéantissement des Armé–
        
        
          niens, les premiers pas qui furent pris sont
        
        
          les suivants :
        
        
          
            a)
          
        
        
          Proposer à l'« aratchnorte » du lieu
        
        
          ainsi qu'aux notables de la ville de persuader
        
        
          les Arméniens de rester tranquilles ; dans le
        
        
          cas contraire, disent-ils, nous ne pourrons
        
        
          pas nous-mêmes calmer les esprits de la
        
        
          foule turque et de l'élément kurde.
        
        
          
            b)
          
        
        
          Recommander aux paysans arméniens
        
        
          de payer le plus vite possible les arriérés
        
        
          des impôts pour subvenir aux besoins des
        
        
          soldats qui se trouvent
        
        
          ici.
        
        
          Après avoir donné ces instructions mys–
        
        
          térieuses et diaboliques, on a mandé Ibrahim
        
        
          bey, kaïmakam hamidié, chef de la tribu de
        
        
          Djibran de Moush, dont les méfaits sont
        
        
          indescriptibles ; au premier moment, le pay–
        
        
          san arménien de la plaine se sentit content ;
        
        
          mais ce fut une déception pour lui quand
        
        
          
            ceux qui avaient pour mission
          
        
        
          
            de rétablir
          
        
        
          
            la
          
        
        
          
            paix,
          
        
        
          par des instructions et des recomman–
        
        
          dations ont chargé Ibrahim bey de la per–
        
        
          ception des impôts dans les villages armé–
        
        
          niens au nord-ouest de la plaine. Leslecteurs
        
        
          peuvent comprendre quelle peut être la
        
        
          situation de l'Arménien sous l'autorité du
        
        
          Kurde, grossier et brutal.
        
        
          C'est l'habitude du gouvernement turc,
        
        
          quand il se trouve embarrassé, de faire peser
        
        
          toute l a responsabilité des crimes qu'il a
        
        
          commis, sur des Kurdes insignifiants ou des
        
        
          fonctionnaires, en réservant les
        
        
          
            grands
          
        
        
          
            cri–
          
        
        
          
            minels
          
        
        
          pour une
        
        
          
            grande
          
        
        
          
            œuvre...
          
        
        
          Ainsi les soldats d'Ibrahim bey ont en–
        
        
          vahi le village arménien de Maghdi et y ont
        
        
          tué un Kurde, nommé Arape.
        
        
          L'oncle d'Arape (Mehmet Ali, le chef de
        
        
          brigands bien connu), par les instructions
        
        
          secrètes du gouvernement vint àMoush ;
        
        
          l'autorité locale s'efforce d'obtenir du Sultan
        
        
          son amnistie ; le succès est certain...
        
        
          Haïdar bey, général hamidié et l'un des
        
        
          chefs de la tribu de Djibran, sans parler de
        
        
          son passé, avait tué ces derniers temps qua–
        
        
          tre Arméniens dans le village d'Akrag du
        
        
          district de Roulanik, avait enlevé une jeune
        
        
          lille et s'était emparé du village malgré de
        
        
          nombreuses protestations ; i l est venu à
        
        
          Moush et reparti libre; qui sait quels nou–
        
        
          veaux projets d'anéantissements i l emporte
        
        
          avec lui !
        
        
          La caravane du couvent de Sourp Garabed,
        
        
          d'après l'habitude, était envoyée à Khnousse
        
        
          pour apporter du sel; chemin faisant, par
        
        
          une attaque, furent enlevés dix chevaux,
        
        
          cinq mulets et
        
        
          10
        
        
          livres furent volées.
        
        
          Nous vous avions écrit dans une corres–
        
        
          pondance antérieure au sujet de l'incendie et
        
        
          de la dévastation du village arménien de
        
        
          Mogounk, des paysans, au nombre desquels
        
        
          se trouvent des femmes et des jeunes filles,
        
        
          qui gémissent en prison, et de tant d'autres
        
        
          qui sont sans défense et sans abri ; nous ne
        
        
          pouvons pas vous décrire en détail la situa–
        
        
          tion de ces malheureux. Le nombre de ceux
        
        
          qui sont morts en prison, jusqu'ici est de
        
        
          neuf; et ceux qui sont morts de faim, de
        
        
          terreur et d'épouvante, sont environ de dix-
        
        
          huit ; vingt-sept autres personnes sont con-
        
        
          damnéesàun emprisonnement de dixàquinze
        
        
          ans, pour l'assassinat de Chériff agha, qui fut
        
        
          victime de l'immoralité particulière aux Turcs.
        
        
          Au tribunal, la jeune fille de Mogounk avoua
        
        
          sincèrement que Chéritï agha avait été tué
        
        
          par elle et par son voisin, parce qu'il avait
        
        
          voulu la déshonorer et que personne autre
        
        
          qu'elle et son voisin n'est complice de cet
        
        
          assassinat. Mais cet aveu et cette preuve ne
        
        
          conviennent pas aux intérêts du gouverne–
        
        
          ment qui s'efforce de faire accroire que l'as–
        
        
          sassinat avait été commis par les fédaïs et
        
        
          que l'affaire a un caractère politique. Malgré
        
        
          de nombreuses démarches et les télégrammes
        
        
          envoyés au sultan criminel, les gémissements
        
        
          et les plaintes des malheureux ne furent pas
        
        
          écoutés ; le tribunal du lieu, sans prendre en
        
        
          considération l'interrogatoire des accusés et
        
        
          les preuves certaines, prononça son arrêt,
        
        
          dont nous avons parlé plus haut.
        
        
          Tout cela s'accomplit sous le nez et les
        
        
          yeux des consuls russe et anglais.
        
        
          Au moment même où la communauté ar–
        
        
          ménienne de Moush était au plus haut degré
        
        
          de son désespoir, à ce moment même, appa–
        
        
          rurent les fédaïs, étoiles d'espoir du peuple,
        
        
          dont le principe est de se faire plutôt tuer en
        
        
          masse que de voir l'anéantissement graduel
        
        
          du peuple. Dans le but de réaliser ce projet,
        
        
          nos fédaïs, environ vingt-cinq en nombre,
        
        
          arrivèrent au couvent d'Arakélotz qui se
        
        
          trouve à une distance d'une heure et demie
        
        
          de Moush. Chahinian Assdvazadour agha,
        
        
          président du Conseil de la ville, sans avoir
        
        
          honte, dans le but de rendre un service au
        
        
          gouvernement du Sultan, en avertit aussitôt
        
        
          le vali.
        
        
          Le vali et le commandant convoquent
        
        
          Ohannès Vartabed Mouradian, « l'aratch–
        
        
          norte » vicaire du lieu, ainsi que le conseil
        
        
          local et leur proposent d'éloigner du couvent
        
        
          les élèves de l'orphelinat ainsi que la con–
        
        
          grégation; car le couvent, disent-ils, sera mis
        
        
          en état de siège et bombardé. Les négocia–
        
        
          tions durèrent deux jours ; nos fédaïs, après
        
        
          avoir coupé le cordon des soldats, dispa–
        
        
          raissent.
        
        
          Nous pouvons dire clairement que si les
        
        
          consuls étrangers n'avaient pas été présents,
        
        
          aujourd'hui le couvent, avec ses orphelins et
        
        
          ses congrégations, serait devenu un amas de
        
        
          terre et toute la plaine un nid de hibous.
        
        
          Rendons grâces à Dieu... L'Arménien a vu
        
        
          son prolit des Européens... (i).
        
        
          Le gouvernement pense à réduire en une
        
        
          caserne le couvent d'Arakélotz.
        
        
          Telle est la situation soi-disant tranquille,
        
        
          à Moush et à Sassoun : la continuation de la
        
        
          vie du peuple arménien sera de plus en plus
        
        
          mauvaise, car par aucun moyen il n'a pas
        
        
          été mis un terme aux dures conditions de l a
        
        
          vie actuelle.
        
        
          (
        
        
          i) Gettre lettre est antérieure a u x renseigne–
        
        
          ments que nous avons publiés sur A n t r a n i k .
        
        
          Gazette hebdomadaire
        
        
          P A R
        
        
          
            G. CLEMENCEAU
          
        
        
          
            B u r e a u x et A d m i n i s t r a t i o n : 2<=î, r u e
          
        
        
          
            C h a u c h a t , P a r i s
          
        
        
          
            Le Congrès fles Libéraux ottomans
          
        
        
          Le Congrès des Libéraux ottomans,
        
        
          d'abord interdit par le préfet de police, a
        
        
          été ensuite autorisé par M . Waldeck-
        
        
          Rousseau, président du Conseil, sur les
        
        
          démarches instantes de membres influents
        
        
          du Parlement français. Toutes les natio–
        
        
          nalités ottomanes, à part les Slaves et les
        
        
          Vlaques de Macédoine, y étaient repré–
        
        
          sentées.
        
        
          La présidence a été d'un accord una–
        
        
          nime au prince Sebaheddin, fils de Da -
        
        
          mad Mahmoud Pacha, qui avait pris avec
        
        
          son frère, le prince Loutfoullah, l'initia–
        
        
          tive de cette réunion. M . Sathas, Hellène,
        
        
          et M . Sissian, Arménien, furent choisis
        
        
          comme vice-présidents.
        
        
          Les séances ont duré du 4 au
        
        
          9
        
        
          février,
        
        
          dans les salons de M . Lefèvre-Pontalis,
        
        
          membre de l'Institut. Elles ont été ou–
        
        
          vertes par un discours du prince Seba–
        
        
          heddin, qu i a remercié les proscrits otto–
        
        
          mans d'avoir répondu à son appel et a
        
        
          déclaré notamment :
        
        
          Le régime présent, par un sophisme dont
        
        
          il convient de faire justice, s'applique à at–
        
        
          tribuer aux rivalités de races et de religions,
        
        
          ou ces violences ou cette inertie stérile et
        
        
          désolante, dont le pouvoir n'avait jamais
        
        
          donné de si fâcheux exemples, au cours de
        
        
          nos Annales, et qui sont incompatibles avec
        
        
          tous principes d'humanité, d'équité et de
        
        
          civilisation; tandis que les idées qui ani–
        
        
          ment et qui remuent aujourd'hui toute la gé–
        
        
          nération nouvelle en Turquie sont des idées
        
        
          de progrès, de justice, de tolérance et de
        
        
          liberté pour tous, sans privilèges exclusifs
        
        
          pour telle ou telle nationalité.
        
        
          Nous pouvons le déclarer hautement, à
        
        
          cette date mémorable, en cette belle capitale
        
        
          de la France, toujours si hospitalière aux
        
        
          idées généreuses et aux projets d'émancipa–
        
        
          tion et de progrès : la nation ottomane va
        
        
          sortir enfin victorieuse de cette lutte engagée
        
        
          entre la liberté et l'oppression, — lutte qui
        
        
          dure depuis un quart de siècle.
        
        
          L'objectif politique de la classe éclairée de
        
        
          notre société, dont l'importance grandit
        
        
          chaque jour, est d'établir définitivement, ab–
        
        
          solument, l'égalité entre tous les Ottomans,
        
        
          sans distinction.
        
        
          D'ailleurs, l'existence même de la justice
        
        
          dépend de l'équilibre social établi entre tous
        
        
          les habitants d'un même pays.
        
        
          Il faut qu'il soit bien entendu que les
        
        
          Turcs, qui constituent aujourd'hui la majo–
        
        
          rité dans l'Empire, ne demandent rien pour
        
        
          eux-mêmes, qu'ils ne le demandent aussi, et
        
        
          dans la même mesure, pour tous leurs com–
        
        
          patriotes, musulmans ou non musulmans.
        
        
          Les résolutions suivantes, proposées
        
        
          au Congrès des Libéraux ottomans, ont
        
        
          été votées par l a grande majorité ; les
        
        
          Arméniens se sont abstenus, mais ont
        
        
          donné lecture de l a déclaration publiée en
        
        
          tête de nos colonnes.
        
        
          Fonds A.R.A.M