concerne les affaires
arméniennes,
M. le Mi n i s t r e des Affaires étrangères
n'ayant nié l'authenticité d ' aucun des
documents publiés i c i et cités pa r
M. Gustave Rouanet, dans l ' i n t e r pe l l a –
t i on d u 20 j anv i e r , le L i v r e j aune ne
peut que confirmer les i n f o rma t i ons
de
Pro
Armenia.
Quant à l a déclaration de M . D e l –
cassé : « Je ne sais pas si vous c on –
naissez des ministres des affaires étran–
gères, etc., etc. » , i l y faut v o i r le ferme
pr opo s de ne po i nt suivre les t r a d i –
tions de M . Gab r i e l Hano t aux : que
l'on
c ompar e avec les L i v r e s bleus de
la même époque le L i v r e j aune sur les
affaires arméniennes, publié pa r les
soins de cet ami d ' Ab d - t i l - Ham i d , on se
r end r a compte sans peine — l a c omp a –
raison a été faite naguère par M . Erne s t
Lav i s s e dans l a
Revue de Paris
—
q u ' i l
s'est trouvé, au qua i d ' Or say , au
mo i ns u n mi n i s t r e capable de d i s s i –
mu l e r des dépêches, de commettre des
erreurs de date et de t r onque r des
rapports t r op défavorables au régime
h ami d i e n , par exemple le r appo r t du
lieutenant-colonel de V i a l a r , attaché
mi l i t a i r e à Constantinople, sur l ' a s –
sassinat du Père Salvator.
Le p r o c ha i n L i v r e j aune sera donc
sincère et complet, le mi n i s t r e l ' a p r o –
mis
et personne en effet n'a le dr o i t de
douter q u ' i l tienne sa promesse.
P I E R R E Q U I L L A R D .
P.-S.
—
L e Congrès des libéraux
ottomans, d ' abo rd interdit par le préfet
de police Lépine, a été ensuite s i non
officiellement autorisé du mo i ns toléré
par le gouvernement français, sous cer–
taines conditions de non-publicité. I l
vient de se réunir à Pa r i s : nous en
r endr ons compte dans notre p r o c ha i n
numéro.
A U X POÈTES, ÉCRIVAINS ET JOURNALISTES
DE LANGUE ALLEMANDE
Une poétesse allemande, de grand cœur et
de talent, M
m e
Use Frapan, invite ses com–
patriotes à faire dans les pays de langue
allemande la même propagande que
Pro
Armenia
dans les pays de langue française.
En publiant son généreux appel, nous tenons
à dire combien est vive la gratitude des Ar –
méniens envers le parti socialiste allemand
ainsi qu'envers les Allemands comme le doc–
teur Lepsius et les rédacteurs de
Der
Christ-
liche Orient,
qui ont à lutter contre l'hosti–
lité mal déguisée ou brutale de leur gouver–
nement.
Au moment même où la lutte héroïque
des Boers surexcite au plus profond et
soulève les âmes allemandes et le senti–
ment allemand du droit, l a malheureuse
Arménie perd tout son sang sous l a plus
monstrueuse tyrannie que le monde ait
vue, sans qu'en Allemagne ou en Au t r i –
che une voix de simple humanité, un cri
vers la justice s'élève pour le peuple ar–
ménien désarmé par la force et exterminé
par
regorgement.
Et cependant ce serait notre devoir à
nous, les écrivains allemands, notre de–
voir humain et notre devoir de conscience,
de donner toujours de nouvelles preuves
que l a question arménienne, depuis le
traité de Berlin, est entrée dans le droit
international et que l'Arménie n'a pas à
implorer la protection de l'Europe mais à
la réclamer. Mais la presse allemande est
indifférente, sinon tout à fait muette en
cette question.
Tandis qu'en France, depuis un an
déjà, paraît
Pro
Armenia,
rédigé par
Anatole France, de Pressensé, Clemen–
ceau, Jaurès, de Roberty, Quillard, pour
pousser le cri de pitié et d'assistance et
pour faire connaître à ceux qui veulent le
savoir en quelles lettres de sang l'his–
toire de l'Arménie est inscrite dans le
livre des peuples — depuis cinq ans A b d -
ul-Hamid a abattu trois cent mille Armé–
niens, les a égorgés ou tués dans les
effroyables prisons turques par la faim ou
la torture — i l y a tout au plus en A l l e –
magne de courtes informations de quel–
ques lignes sur les massacres qui ne veu–
lent pas finir, des informations sans cha–
leur, sans sympathie, pires que le néant.
Honorés collègues, amis, amies ! se–
couons cette indifférence injurieuse pour
le monde allemand. Inspirons-nous de
l'idée que c'est à nous, les écrivains, de
prendre en ma i n la cause de l'humanité
et du droit. Etouffez de toute la force de
votre indignation l'infâme parole : « Cela
ne nous rapportera rien
Souvenez-
vous que les Grandes Puissances et les
peuples même sont complices par leur
inaction des terribles atrocités qui se
produisent chaque jour en Arménie; ap–
prenez à connaître la violation des droits
de l'humanité qui est exercée impunément
contre le peuple arménien, et commencez
une propagande énergique en Allemagne
et en Autriche. Nous devons aboutir à
une intervention. Poussons le cri qui re–
tentit déjà en France :
Pro
Armenia
!
ILSB F R A P A N ,
(
Hambourg).
UNION DES ÉTUDIANTS ARMÉNIENS DE L'EUROPE
D'OURFA, KHARPOUT, BITLIS ET BEYROUTH
M. FRANCIS DE PRESSENSÉ
fera, le
10
février, à Genève, dans la grande
salle « Victoria Hall », une conférence sur
LA QUESTION ARMÉNIENNE
L E T T R E D ' O U R F A
(
E D E S S E )
Ourla,
11/24
octobre
1901.
Honorable rédacteur en chef,
La ville d'Edesse, belle et superbe, reine
de la Mésopotamie jadis, aujourd'hui vic–
time non épargnée de la barbare tyrannie
mongole, cette ville dans l'église de laquelle
trois mille innocents furent brûlés vifs sans
que l'odeur de la chair brûlée parvînt ni au
trône de Dieu, ni au nez insensible, à l'odeur
des diplomates indifférents de l'Europe ; cette
ville, dis-je, dans l'agonie de ses souffrances
immenses et inouïes qui continuent depuis
cinq longues années, a appris tard, très tard,
qu'une feuille a été fondée, écho des souf–
frances arméniennes, feuille dans laquelle la
ville d'Edesse n'a pas encore pu mettre un
seul mot pour relater ses souffrances innom–
brables.
Permettez-moi donc, honorable rédacteur,
d'offrir par l'entremise de votre feuille un
petit bouquet (je parle ainsi pour que l'hu–
manité ne détourne pas sa figure, comme
jadis pour éviter la puanteur des cadavres
des innocents brûlés vifs), à la conscience
des philanthropes du monde, pour que cette
conscience ne reproche pas un jour au peuple
arménien d'Edesse, alors qu'il n'existera
plus, de n'avoir pas exprimé ses souffrances.
Si je vous disais que la plus grande partie
de la population arménienne d'Edesse ap–
pelle aujourd'hui bienheureux ceux qui, i l y
a cinq ans, furent victimes sous le yatagan
des Turcs, ou ceux qui furent brûlés vivants
dans l'église, l'expression ne serait pas
inexacte, car si c'est un mal de perdre la
vie, c'est un mal mille fois plus grand que de
vivre dans les barbaries, les cruautés ac–
tuelles.
Nous sommes affamés dans l'acception la
plus large du mot. Nous n'avons plus l'hon–
neur de notre famille. Notre religion est
déshonorée et est devenue un jouet entre les
mains des Turcs fanatiques ; voilà notre vie
actuelle dans les grandes lignes.
Des détails?... Oh ! les détails sont nom–
breux, et je suis embarrassé, et je ne sais
lequel vous écrire.
Il y a huit mois, quelques patrons avec
leurs ouvriers s'en vont à la rivière près de
la ville pour laver leur laine (le peuple est
obligé d'y aller pour manque d'eau). Pen–
dant qu'ils étaient occupés, l'apprenti, un
enfant arabe, du patron Kévork Aghanian,
tombe dans l'eau, et malgré les efforts faits,
l'enfant est noyé. Le gouvernement, aussitôt
qu'il apprend cela, emprisonne Aghanian, le
patron, comme criminel, sans prendre en
considération le témoignage de ceux qui
étaient témoins de l'accident. Après un em–
prisonnement de quatre mois, le gouverne–
ment réclame une amende de
02
livres. Le
malheureux, désespéré, paya cette somme
en donnant son dernier para et fut mis en
liberté. Mais ne pouvant pas gagner son
pain sec quotidien, il s'en va à Aïntab pour
gagner la vie de sa famille tombée dans les
Fonds A.R.A.M