D E U X I ÈME A N N É E .
N° 6.
Le numéro : France,
4 0
cent. — Etranger :
SO
cent.
1 0
F É V R I E R 1 9 0 2
Pro Armen i a
Rédacteur en chef :
P i e r r e
Q U I L L A R D
Adresser
tout ce aui concerne la direction
à M. Pierre Quillard
ÎO, r u e N o l l e t , P a r i s
A B O N N E M E N T S :
France
8 »
Etranger
10 »
paraissant le 10 et le 25 de chaque mois
COMITÉ D E RÉDACTION :
Q. Cl emenceau, Anatole France , Jean Jaurès
«
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xooocooooooooooooooooooooooicoooooooa
Franc i s de Pressensé, E . de Roberty
Pro
Armenia
est en vente chez les libraires et dans les principaux kiosques de Paris.
Secrétaire de rédaction
J e a n
L O N G U E T
Vendredi
de 11 h. à midi, 17, rue Cujas
ADMINISTRATION :
Société nouvelle de Librairie
et d'Édition
(
Librairie G.
SELLAIS)
17,
r u e C u j a s , P A R I S
TÉLÉPHONE : 801-04
S O M M A I R E
Après l a sommation
(
F R A N C I S D E P R E S S E N S É ) .
La Quinzaine : L'évacuation de Mitylène et l a
diplomatie russe
(
P I E R R E
Q U I L L A R D ) .
A p p e l a u x poètes, écrivains et journalistes de
langue allemande (M™*
I L S E F R A P A N ) .
Lettres d'Ourfa, Kh a r p o u t , Bitlis et B e y r o u t h .
Nouvelles d'Orient : L a bande d ' A n t r a n i k en
Macédoine.— E n i s pacha. — C o n d amn a t i o n à
mort de Ma hm o u d pacha. — Mandats d'ar–
rêt
(
P .
Q.)
Documents : Mémorandum d u
11
m a i
i8g5.
APRÈS L A SOMMATION
Il y a deux diplomaties.
L ' u n e , c'est celle que l ' on voit, celle
qui est chamarrée d'or, brodée sur
toutes les coutures, qu i ne peut faire
un pas sans assourdir le monde du t i n -
tinabulement de sa ferblanterie h o n o –
rifique, qu i s'assied autour des tapis
verts pour se tourner les pouces et ré–
diger les protocoles, q u i c ons omme
prodigieusement du papier grand aigle
à grandes marges, qu i piaffe, q u i valse,
qui coûte cher et qu i ne fait r i e n ou
si peu que r i e n : c'est l a d i p l oma t i e
officielle.
L ' au t r e se cache, elle se creuse,
c omme les taupes, des chemins c ou –
ve r t s ; elle n ' a n i un i f o rme n i ordres,
ni le plus souvent de pleins pouvo i r s en
bonne et due forme, elle ne fréquente
pas beaucoup les chancelleries ; on ne
la voit pas aux congrès n i aux confé–
rences internationales ; elle parle plus
qu'elle n'écrit et elle parle bas , à
l ' o r e i l l e , sous le manteau de l a c he –
minée ; elle ne va pas dans le g r and
monde ; en fait de salaire elle ne peut
c ompt e r le p l us souvent que sur l ' i ng r a –
titude et l ' o u b l i en cas de succès, l ' e x i l ,
la p r i s on ou l a mo r t en cas d'échec : c'est
la d i p l oma t i e révolutionnaire.
Qu a n d o n écrira .l'histoire du siècle
dernier, — l'histoire authentique, —
celle qu i ne se fait pas avec les d o c u –
ments officiels et les mensonges d'Etat,
celle qu i perce à j o u r les fictions et qu i
déboulonne les grands homme s pos–
tiches, o n ve r r a le rôle qu'ont j oué
dans le
Risorgimento
i t a l i en et dans l a
f o rma t i on de l'unité a l l emande , à côté
des Ca v ou r et des V i c t o r - Emma n u e l ,
des B i sma r c k , des Mo l t ke et des G u i l –
l aume , ces obscurs comparses, perdus
dans les ténèbres, noyés dans l a foule
anonyme et q u i , à une heure décisive,
ont été l a force agissante, l a cause
efficiente des grands événements dont
les héros patentés n'ont été que les
enregistreurs et les bénéficiaires.
Tou j our s i l a été, toujours i l en sera
a i ns i . L'humanité a besoin d'être t r om –
pée. E l l e n ' a ime pas à v o i r à n u les
ressorts de l ' h i s t o i r e . I l l u i faut, jetées
sur ce mécanisme trop austère, les
pourpres de l'épopée, les draperies d u
style officiel, les festons et les a s t r a –
gales protocolaires.
N'empêche qu ' en fait, pendant que
la d i p l oma t i e professionnelle fait les
gestes, signe les traités, embouche les
trompettes de l a r enommée , ce sont
le p l us souvent de petits homme s ma l
mis, peu au fait des usages de l a bonne
c ompagn i e , très peu préoccupés de
la
fo-o-orme,
q u i , du fond des c o u –
lisses, dans l ' omb r e , tirent les fils de
ces marionnettes et l eur font r emue r
bras et j ambe s , — et l a tête même.
Ceux qu i savent ces choses n'ont pas
la mo i nd r e tendance à blâmer ou à
suspecter les partis les plus révolution–
naires quand , dans l'intérêt de leurs
causes, i l s s'engagent dans ces négo–
ciations secrètes et s'efforcent de faire
faire u n pas à l a d i p l oma t i e officielle.
Qu a nd , l'été de rn i e r , les représentants
autorisés de l'Arménie — c'est-à-dire
les proscrits d'Occident, — crurent le
momen t v enu de tenter une suprême
démarche auprès des Gouve rnement s
pour obtenir d'eux le r appe l d u Sultan
au respect du traité de B e r l i n et n o t am–
ment de son article 61, ils ont obéi au
plus légitime, au plus respectable des
sentiments.
Tou t d ' abo r d , p ou r des memb r e s
d'une race persécutée,
eux-mêmes
v i c t ime s de l eu r patriotisme, ce n'est
po i nt une chose indifférente d'épar–
gner si possible pa r l ' a c t i on concertée
des Puissances les c onvu l s i ons d'une
crise redoutable à leur peuple. Ces
homme s ne j ouent pas à l a Bévolu-
t i o n : c'est l eur cha i r et l eur sang —
la cha i r et le sang de leurs femmes,
de leurs filles, de leurs pères et de
leurs mères — qu i paient les frais de
cette guerre à mo r t .
E n outre, les Arméniens ont à cœur
d'éviter p ou r l ' Or i en t et p ou r l ' O c c i –
dent tout entier les affres d u cata–
clysme que r i e n ne p o u r r a prévenir s i
Fonds A.R.A.M