la somme, être favorisé d'une épingle
en d i aman t , mais non avo i r un pouce
de terre de Sy r i e , car le Sultan l u i -
même v o ud r a i t - i l donne r l a Palestine
aux Juifs — et i l ne le veut pas — ne
le pour r a i t pas. Po l i t i qu e de mensonge,
car le sol de l'antique patrie serait-il
d ema i n r endu aux Juifs, que d ema i n
ils mour r a i en t sur le sol reconqu i s .
Car l'œuvre, l a grande œuvre à
a c c omp l i r , c'est l'œuvre de régénéra–
t i on intellectuelle et mo r a l e du peuple
j u i f .
P o u r l ' a c c omp l i r , i l faut a r r a che r
ce peuple à ses superstitions, à son
ignorance, mais i l faut aussi l ' a r r a che r
à son esclavage économique ; et le
j o u r de sa sa libération, i l p o u r r a
l i br ement disposer de ses destinées.
Ce jour-là, i l laissera sa bourgeoisie
p ou r r i e se ruer à toutes les servitudes,
mais i l lèvera son bras contre les p e r –
sécuteurs, et ne mettra pas sa ma i n
dans l a leur.
B E R N A R D L A Z A R E .
NOUVELLES D'ORIENT
EN MACÉDOINE.
UNE NOUVELLE AFFAIRE
MISS STONE
Razlog.
Dans l a longue liste d'atro–
cités qui va suivre, i l importe d'attirer
d'abord l'attention sur un ignoble attentat
commis dans l a région même où a été
capturée Miss Stone, voilà plusieurs
mois.
Alors, quand la nouvelle de l'enlève–
ment parvint à Méhonia, le kaïmakam se
consola de cette fâcheuse aventure par un
bon mot : « Elle l'a voulu, dit-il, elle de–
vait savoir qu'en Turquie on ne voyage
pas sans une forte escorte de gendarme–
rie. » Une autre institutrice américaine,
M
l l e
R. F . , âgée d'une vingtaine d'années,
voulant aller de Djoumaïa à Razlog, n'eut
garde de commettre l'imprudence repro–
chée àMiss Stone ; elle demanda et obtint
une escorte composée de huit hommes
sous le commandement d'un lieutenant,
et, par mesure de précaution supplémen–
taire, elle se fit accompagner de deux
kiradji
(
guides) bulgares bien connus
d'elle.
Après une assez longue étape, on ar–
riva, à travers un fourré, à Podripna
Skala, et sur l'ordre du lieutenant, on fit
halte au sommet d'un monticule, dans une
tour de garde occupée par une escouade
de gendarmerie chargée de veiller sur l a
sécurité des voyageurs. C'est presque au
même endroit que Miss Stone fut enlevée.
Là, malgré ses cris et sa résistance, l a
jeune fille fut violée, à tour de rôle et
dans l'ordre hiérarchique à partir du lieu–
tenant par ceux-là mêmes qui avaient mis–
sion de l a protéger.
Les guides bulgares tentèrent vaine–
ment de protester. Ils furent roués de
coups à tel point que l'un d'eux est en
danger de mort. Le malheureux a en
outre été aussitôt emprisonné, selon l a
règle hamidienne ; et i l a été prévenu que
s'il se permettait de souffler mot sur ce
qu'il a vu , i l paierait de sa tête son indis–
crétion.
Cela explique pourquoi ces faits, qui
datent du
22
novembre, sont connus main–
tenant seulement. Les autorités turques
tâchent en effet plus que jamais de faire
le silence sur les atrocités et méfaits quo–
tidiens. Mais le gouvernement bulgare a
obtenu et tient en réserve des témoignages'
incontestables qui établissent l a respon–
sabilité criminelle des zaptichs et de leur
chef. I l sera, cette fois, malaisé de pré–
tendre que les coupables étaient des b r i –
gands bulgares déguisés en gendarmes
turcs.
D'autre part, les parents de l a jeune
fille ont prié M . Dickinson, consul des
États-Unis à Constantinople, de faire les
démarches nécessaires à Y l d i z , pour que
Hami d leur accorde les réparations qu i
leur sont dues. I l faut espérer que M . Di c –
kinson montrera plus d'énergie que dans
l'affaire de Miss Stone, toujours captive.
Dibra.
Après Osman Kitza, B i l a l
Balanza, Ki a z im agha, Hami d a trouvé en
la personne d'Abdurrhaman agha un par–
fait exécuteur de ses volontés. Celui-ci
commence à parvenir à l a notoriété. Jus–
qu'ici i l opérait avec discrétion et sa
gloire était modeste ; mais grâce à l a fa–
veur des fonctionnaires impériaux, i l
travaille maintenant en grand.
Les riches forêts communales de Mas-
carawetz et de Poltzé, appartenant au v i l –
lage de Tressyntché, excitaient sa convoi–
tise. Aussitôt i l dénonça comme révolu–
tionnaires les habitants qu'il voulait
spolier ; un détachement de gendarmes
fut mis à sa disposition et i l envahit le
village. I l se divertit d'abord en violant
quelques femmes amenées de force et en
faisant fouetter ceux des hommes qui
étaient en état de résister; puis i l empri–
sonna un grand nombre de gens, parmi
lesquels :
Dascal Mi n a , instituteur,
Sophroni Iosiloff,
Dintcho Tzvietcolf,
Mirtché Trinkoif,
Naoum Makreff,
Stamo Blojeff.
11
les somma de l u i livrer les forêts du
village, auquel cas i l les remettrait en
liberté. Sur leur refus, i l fit incendier tous
leurs biens et les envoya eux-mêmes à
D i b r a où ils sont encore gardés en prison.
Le même Abdurrhaman agha entra au
village de Lazaro-Polé dont les souffran–
ces ont été souvent exposées i c i et sous
prétexte que le kiradji Kouzman Ghincff
était un courrier des Comités révolution–
naires et l'instituteur l l i a Ivanoff un « co-
mita » dangereux, i l viola quatre jeunes
filles et soumit à la torture une vingtaine
de villageois.
L'intention avouée du gouverneur de
D i b r a est de terrifier ainsi les ghiaours ;
mais i l ne se rend pas compte qu'il aug–
menterait plutôt le nombre des révolu–
tionnaires. A u reste i l est à peine le maî–
tre à D i b r a . Depuis l'assassinat de l'aide
de camp du Sultan, tué devant les portes
des casernes, en présence du fils du gou–
verneur, les Albanais agissent entière–
ment à leur guise. Viols et enlèvements
se passent en plein jour dans les rues de
la ville et l a circulation d'un quartier à
l'autre n'est tolérée qu'après paiement
d'une taxe de quelques francs. L'évêque
bulgare, qui jouit de certains privilèges
comme chef de sa communauté, a failli
être tué, le 5 décembre, dans une embus–
cade. Six Albanais conduits par le fameux
Chazouman bey, cachés dans la maison
de celui-ci, guettaient son passage; par
pur hasard i l changea de route. Le com–
plot fut néanmoins connu et le gouverneur
félicita l'évêque d'avoir échappé à l a
mort. Mais au lieu de poursuivre les as–
sassins, i l l u i conseilla de quitter le pays
pendant quelques mois, son assassinat
ayant été ainsi décidé !
Florina.
Le village de Zélénitché a
été détruit, les maisons pillées, les habi–
tants emprisonnés. Les femmes gardent
les ruines de ce village si grand et seul
prospère dans tout l'arrondissement de
F l o r i na .
L'idée était venue au mudir de Neveska
d'aller faire l a fête à Zélénitché. Le pré–
texte allégué au gouverneur de Monastir
fut, comme d'ordinaire, que des révolution–
naires s'y étaient cachés. Après avoir am-
plemcment mangé et bu, le mudir demanda
au maître de l a maison à qui i l avait im–
posé l'honneur de lui donner l'hospitalité,
1
d'amener « des femmes pour le servir » .
Le ghiaour refusa. Sur quoi le mudir en
fureur empoigna le nommé Ghiorghi
Tryndoff et se mit à le fouetter cruelle–
ment, sans pitié pour sa faiblesse et son
grand âge. Les villageois alors commen–
cèrent à sonner les cloches et tous les ha-
Fonds A.R.A.M