M . V A N K O L .
Mo n s i e u r le président!
M . Van Bylandt qui a été le premier et le
seul qui ait jamais i c i parlé de l a question
arménienne, a dû reconnaître que l a mi –
sère augmente par suite de la crise que
traverse le peuple, que les impôts y sont
perçus d'une manière vexatoire et arbi–
traire. M . Va n Bylandt croit exagéré le
récit des assassinats, mais i l y a un mois
que le Ministre des Affaires étrangères
de France a dit ce qui suit :
«
S i l'on n'a pu noter la pression diplo–
matique qu'à plusieurs reprises, avec le
concours de puissances amies, j ' a i exercé
sur l a Porte
pour empêcher le renouvelle–
ment des événements de iSgtf, de i8g5
et i8g6,
c'est que l'action diplomatique
la plus efficace n'est pas toujours celle qui
fait le plus de bruit ; est-ce qu'on n'a pas
pu voir cependant, pendant le dernier
hiver, l'escadre française de l a Méditerra–
née apparaître sur les côtes de l ' As i e -Mi -
neure, au moment précis où les menaces
semblaient s'amonceler sur l a tète des
populations chrétiennes. »
Il reconnaît que « tous les rapports
constatent
l'insécurité profonde du pays,
les
assassinats
qui s'y commettent et que
les Arméniens sont soumis à des règle–
ments qui les empêchent de prospérer ».
Mais i l dit aussi « qu'on a démenti plu–
sieurs des massacres dont i l a été parlé ».
Cela va sans dire ; jamais l a vérité offi–
cielle ne sera-t-elle pleine et entière ! U n
peu plus l o i n i l reconnaît que ces récits
«
contiennent une grande part de vérité ».
Cela suffit ; car quoique je ne veuille pas
vous les lire, j ' a i sous la main des listes
contenant le nombre des meurtres et des
maisons pillées, de sorte qu'il est permis
de dire que généralement parlant, les faits
sont exacts.
Je soumets encore à votre attention
La Revue des Revues
du i5 octobre
1901
et le journal
Pro Armenia
qui publie
tous les quinze jours des lettres des habi–
tants du pays qui ont assisté aux événe–
ments.
Le ministre a dit que je désirerais que
la Hollande se mêle de tout. I l se trompe.
Seulement, quand on prend les armes
pour des causes puériles dans les îles loin–
taines pour combattre des races noires,
on pourrait embrasser avec un peu plus
d'énergie l a cause d'une nationpaisible, de
race chrétienne, qu'on est en train d'ex–
terminer. Quand des crimes sans nom
se commettent si près de nous, nons avons
le devoir moral de chercher des moyens
pour soulager ces atroces souffrances. A
quoi servent les ambassadeurs, si ce n'est
à s'aider mutuellement, à attirer l'atten–
tion de l'Europe sur le traité de Be r l i n
par exemple, par lequel on pourrait amé–
liorer le sort des Arméniens? Lorsqu'il
s'agissait des exigences d'un v i l usurier,
on a bien su imposer sa volonté au Sul–
tan. Les vies de milliers de personnes ne
valent-elles pas autant que quelques m i l –
liers d'or ? Ce n'est qu'en cherchant éner-
giquement les moyens de sauver ces chré–
tiens martyrisés qu'on accomplira son
devoir envers l'humanité outragée.
Soucieux du mot de reproche que vous
m'avez adressé, je ne veux plus, Monsieur
le président, dire un seul mot de cet
homme qu'il est défendu de nommer,
n i
de ces
actes qu'il est défendu
d'énumérer,
mais je veux bien terminer mon discours
en répétant le c r i de désespoir de l'Armé–
nien mourant :
«
Arméniens, il n'y a
plus de morale ni de justice entre les peu–
ples ! »
I I E X R I V A N K O L .
LE CONGRÈS SIONISTE ET LE SULTAN
L e Congrès sioniste, réuni à Bàle,
vient de r endr e u n pub l i c hommag e à
A b d - u l - H a m i d . L e s représentants —
ou ceux qu i se disent tels — du plus
vieux des peuples persécutés, ceux
dont o n ne peut écrire l'histoire q u ' a –
vec d u sang, envoient leur salut au
p i r e des assassins.
Ils font partie d'une na t i on dont six
m i l l i o n s d ' hommes gémissent sous l a
botte du Ts a r , sans c ompt e r les mi l l i o n s
traqués c omme des bêtes en R o uma –
nie, en Ga l i c i e , en Pe r s e , en Ho n g r i e ,
en Algérie et même dans les pays q u i
se disent civilisés. Ce sont des parias,
et, dans l eur grande masse, des déchus,
par l a misère et l a dou l eur ; chaque
j o u r o n les massacre en détail, o n les
offre en holocauste à que l que Mo l o c h ;
o n les couvre de boue, d'injures et de
crachats, ils réalisent l a vraie et v i vant e
image d u légendaire Jésus et ma l h e u –
reusement, c omme l u i , ils pardonnent
à leurs bour r eaux au l i eu de se révol–
ter contre eux.
E t ce peup l e tout sanglant de ses
blessures, on le jette aux pieds du
Sultan couvert du sang des autres, et
dans cette assemblée, nu l l e protestation
ne retentit, i l ne se trouve personne
p o u r d i r e aux directeurs conscients
d ' un troupeau aveugle : « Vou s n'avez
pas le dr o i t de déshonorer votre
peuple. »
Que n u l cependant ne veuille rendre
responsable d'une telle abe r ra t i on ou
d ' un aussi misérable c a l c u l , ceux dont
les homme s de Bâle se disent les ma n –
dataires et les délégués. Ceux-là, dans
les ténèbres du territoire russe, dans
les caves de V i l n a et de Va r s o v i e ,
dans les huttes misérables de Berditcheff
et d'Odessa, où ils v i vent sans lumière
et sans a i r , et sans p a i n , ceux-là i gno –
rent le Su l t an rouge, les Arméniens
massacrés, tous les peuples de l ' emp i r e
o t t oman opprimés.
On est v enu leur mon t r e r l a terre p r o –
mise, à ces meur t - de - f a im. O n leur a
fait v o i r l a terre des palmes et des p am –
pres, l a vie facile sous u n l i b r e c i e l ,
et l eur pauvre cœur s'est f ondu à l a
pensée d ' un b onheu r possible. Jad i s ,
au Mo y e n - Ag e , leurs ancêtres c omme
eux misérables, sont u n j o u r entrés
dans l a me r , à l a suite d ' un nouveau
prophète et i l s se sont noyés dans les
flots helléniques en croyant saisir de
leurs bras élevés au-dessus des écumes,
les grappes et les fruits de Chana an .
En c o r e au j ou r d ' hu i les descendants
suivent u n h omme et ignorent les
moyens employés ; ma i s l ' h omme , le
prophète mode rne , réunit des p a r l e –
ments et fait de l a d i p l oma t i e d ' opé –
rette, de l a po l i t i que de grand-duché
de Gérolstein. C'est l u i , ce sont les
chefs du mouvement sioniste qu i sont
responsables. H i e r ils ont mi s les Juifs
aux pieds de l ' empe r eur Gu i l l a ume ,
ils les agenouillent au j ou r d ' hu i devant
le Sultan ; d ema i n ils les coucheront à
plat ventre devant le Ts a r , et nous
aurons le grand et beau spectacle d'es–
claves léchant le fouet du maître.
C'est là ce que les memb r e s d u
Comité d'action
sioniste
de V i e nn e
appellent de l a po l i t i que pra t i que
(
realpolitik)
;
en réalité, c'est de l a
po l i t i que de ghetto, de l a po l i t i que de
serfs, digne de ceux qu i mar chent l a
ma i n dans l a ma i n avec les p l us f ana –
tiques rabb i ns de Ga l i c i e , de Bussie et
de Pologne.
C'est aussi une po l i t i que de m e n –
songe ; de mensonge , car à coup de
bakch i chs o n peut av o i r des audiences
d ' A b d - u l - Ham i d ; on peut, mo y e nnan t
u n pour bo i r e à l a valetaille d ' Y l d i z ,
être sali d'une décoration et, en élevant
Fonds A.R.A.M