la suzeraineté du khalife qu i pr endr a i t
le titre d ' empe r eur des Bulgares, i l
écarta dédaigneusement leur mémoire :
l'écrasement des insurrections de 1841
et de 1851 l u i donnait pleine confiance
pour l ' aven i r .
Et dans cette même année, les ten–
tatives de Pana i o t H i t o v et de Ph i l i p p e
To t i ou fuient noyées dans l e sang,
comme aussi dans l ' h i v e r de 1868 celles
de Ha d j i D i m t a r Azénov et d ' Et i enne
Ka r ad j a , à Gab r o v o ; et pa r mi l l i e r s ,
les Bu l gar e s suspects furent déportés
à Diarbékir.
E n 1873, nouve l l e tentative de ce
Vasile L e v s k i , au t ombeau duque l les
révolutionnaires de Sofia ont m a n i –
festé après les pendaisons d ' A n d r i –
nople.
En f i n en 1875, après Pana gh o u -
ritché prise d'assaut et 763 Bulgares
massacrés ; après K l i s o u r a , Ba t ak ,
58
villages détruits et 1,500 « rebelles»
égorgés en 26 j o u r s , l a grande i n s u r –
r e c t i on éclata.
T r o i s ans p l us t a r d , le sang des
révolutionnaires bulgares, libérale–
ment versé pendant p l us d ' un d em i -
siècle, avait créé l a Bu l ga r i e l i b r e .
Que l a Bête maintenant fasse dr e s –
ser des potences dans toutes les villes
de Tu r q u i e ; que les puissances c i v i l i –
sées et chrétiennes c ont i nuent à s ou –
tenir l'exécrable assassin : n ' imp o r t e ,
on ne tue pas l'idée.
P I E R R E Q U I L L A R D .
UNE INTERPELLATION
AU PARLEMENT HOLLANDAI S
Dans la séance du
7
décembre dernier, le
citoyen H. Van Ko l a prononcé devant le
Parlement hollandais un très généreux et
très utile discours sur la question armé–
nienne.
Le docteur Kuyper, actuellement président
du Conseil des ministres, était un arméno-
phile des plus militants. 11 serait à souhaiter
qu'il gardât au pouvoir les sentiments qu'il
professait dans l'opposition. S'il croyait de–
voir les sacrifier jamais aux idoles de la
politique pratique, la parole éloquente du
citoyen Henri Van Ko l saurait les lui rappe–
ler aussi souvent qu'il le faudra.
M . H . V A N K O L .
A propos d'une re–
marque que j'ai faite dans le rapport pro–
visoire sur les
violences
commises
en
Arménie,
le ministre donne l a réponse
suivante :
«
L a protection des chrétiens en Asie-
Mineure ayant été confiée par traité aux
grandes puissances, le gouvernement
croit qu'il n'est pas de l a compétence du
gouvernement néerlandais de prendre
l'initiative, d'insister, s'il y a lieu, auprès
de l a Porte au point de vue de l a protec–
tion des personnes et des biens des A r –
méniens. »
I l va sans dire que je comprends par–
faitement bien que, petite puissance
comme nous sommes, nous ne pouvons
avec nos propres forces mettre terme à ces
infamies; je comprends même que nous
ne pouvons prendre l'initiative, mais ce
que nous pourrions, c'est inciter les
grandes puissances à faire ce qu'elles ont
négligé trop longtemps déjà. « S ' i l y a
lieu ! » Mais le ministre est donc étranger
à Jérusalem ? I l n'a donc pas l u un seul
journal, une seule revue contenant le récit
des assassinats qui se commettent là-bas ?
A quoi bon alors nos ambassadeurs qui
nous coûtent cher et qui ne font rien
d'utile ? N'auraient-ils pas dû, i l y a long–
temps déjà, informer le ministre de ce que
je vais publier ici, et quant au ministre
lui-même n'était-il pas de son devoir de
se mettre au courant des violences com–
mises en Arménie ?
Car nous ne savons que trop peu de ce
qui s'y passe à présent. Le Sultan a usé
de son influence pour que l a presse se tût.
Ce que nous voyons maintenant, c'est l a
préparation aux massacres comme ils ont
eu lieu parmi les chrétiens en
1895
et
1896.
Longtemps ces atrocités-là sont res–
tées secrètes, mais aujourd'hui personne
ne saurait plus les démentir. A l'incita–
tion du Sultan on m'a alors intenté un
procès, et je regrette toujours que, malgré
tous mes efforts, on n'ait pas eu le courage
de donner suite à cette poursuite. J'au–
rais saisi l'occasion, longtemps désirée,
d'amonceler les faits, de porter une accu–
sation sanglante contre ces massacres
exécutés sur l'ordre du tyran de Constan–
tinople.
Non, aujourd'hui on ne saurait plus
démentir ces violences atroces. On n'a
qu'à ouvrir les six
Blue-books
on Tur-
key
publiés en
1896
par le gouverne–
ment anglais ; on n'a qu'à jeter un seul
coup d'œil dans les Livres jaunes
Affai–
res Arméniennes
de
1897
du gouverne–
ment français où nombre de faits sont
cités, où toutes sortes de preuves démon–
trent que par le concours, par l a compli–
cité, sur l'ordre même du Sultan, 35o,ooo
chrétiens furent massacrés, que
4
°»
0
°o
maisons furent incendiées, et comment
les assassinats historiques ont eu lieu à
Constantinople en septembre
1896.
Et, cependant, ces faits-là aussi ont été
démentis par l'insigne menteur qui siège
au palais d'Yldiz-Kiosk à Constantinople,
entouré d'espions et d'assassins, trem–
blant sur son trône et ne rêvant que
crime et sang !
Depuis lors, ces meurtres qu i ont ré–
volté tous les hommes généreux dans l'F^u-
rope entière et qui font trembler d'indi–
gnation quiconque a gardé dans son cœur
un reste d'humanité, n'ont jamais com–
plètement cessé et aujourd'hui i l s vont
recommencer de plus belle.
Des faits nombreux que j ' a i amassés
dans les revues qui racontent ces assassi–
nats, notamment dans le journal
Pro
Armenia
où sont publiées des lettres
écrites par des habitants du malheureux
pays même, témoins irrécusables de toutes
les souffrances et du martyre qu'ont à en–
durer les Arméniens; de ces faits, j ' a i
fait un résumé succinct, afin d'en infor–
mer ceux qu i s'y intéressent et qu i pen–
sent qu'il serait injuste de permettre que
cette situation se prolongeât.
Depuis le 3 juillet les soldats hamidiés
et les troupes régulières saccagent et
tuent aux environs de Moush.
Les villages de Ma r n i k , Sehcikh-
A l a n , Guravie, Tzighavou, etc., sont
détruits ; les habitants se réfugient
dans les montagnes. Des Kurdes et des
soldats sont arrivés de Va n et de Ritlis et
se sont campés sur l a hauteur de Sassoun.
Talori a été mis à sac et a été envahi par
la tribu de Kh i a n l i .
Des bandes errantes de Turcs et de
Kurdes tuent tout ce qui vient à leur ren–
contre ; d'après le vice-consul russe, à
Moush seulement,
i5o
personnes
furent
assommées
au mois d'août dernier.
«
L a situation est mauvaise » , télégra–
phia M . Thumansky, consul de Russie à
Va n , qui se trouvait à Moush le
14
sep–
tembre, et chaque jour nous arrivent des
tristes nouvelles de ces régions de la
mort. U n pauvre Arménien, habitant de
ces contrées ensanglantées, écrivit une
lettre qui sonne comme un verset de l a
Rible, comme une lamentation de Jéré-
mie : «
Voilà
Moush et sa plaine en feù
et en flammes
!
Voilà
Sassoun
en
ago–
nie ! »
On a pris aux Arméniens toutes leurs
armes; on ne leur permet même pas de
porter un bâton pour se défendre contre
les chiens ; on ne leur permet pas de
voyager; l a perception des impôts se fait
de l a manière l a plus arbitraire ; ils sont
soumis à des vexations sans nombre, à
des arrestations sans motifs, à des empri–
sonnements sans fin. Les riches, traités
de « révolutionnaires » , sont malmenés et
pillés ; c'est l a prison ou l a mort qui les
attend. Le commerce est défendu ; le l a -
Fonds A.R.A.M