D E U X I È M E A N N É E .
N °
4-
Le numéro : France,
4 0
cent. — Etranger :
5 0
cent.
1 0
J A N V I E R 1 9 0 2
Rédacteur en chef :
P i e r r e
Q U I L L A R D
Adresser
tout ce i u i concerne la direction
à M. Pierre Quillard
Î O , r u e N o l l e t , P a r i s
A B O N N E M E N T S :
France
8 »
Étranger
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Secrétaire de rédaction :
Jean L O N G U E T
Vendredi
de H h. à midi, 17, rue Cujas
C O M I T É D E R É D A C T I O N :
G. Cl emenceau, Anatol e France , Jean Jaurès
Franc i s de Pressensé, E . de Roberty
ADMINISTRATION :
Société nouvelle de Librairie
et d'Édition
(
Librairie G. BELLA1S)
17,
r u e C u j a s , P A R I S
T É L É P H O N E : 801-04
Pro Armenia
est en vente chez les libraires et dans les principaux kiosques de Paris.
S O M M A I R E
L a Quinzaine
(
P I E R R E Q U I L L A R D ) .
Une interpellation au Parlement hollandais
(
H E N R I V A N K O L , député aux Etats généraux).
Le Congres sioniste et le sultan
(
B E R N A R D
L A –
Z A R E ) .
Nouvelles d'Orient : E n Macédoine. — Un e n o u –
velle affaire miss Stone. — Le premier m i n i s –
tre grec et l a question macédonienne.—Troupes
en révolte et trésor vide. — Règlements m i –
niers et douaniers. — D e u x protestations con–
tre le Congrès sioniste. — L a réunion de Ge–
nève. — Emigrés. — Ma n d a t d'arrêt (P. Q.)
Documents : L'Arménie avant les massacres
(
suite)
(
E.-J.
D I L L O N ) .
LA QUINZAINE
Les Pendaisons d'Andrinople
L e ma r d i 10 décembre 1901, en
vertu d ' un f i rman de S. M . I. A b d - u l -
H am i d communi qué dans l a nuit aux,
autorités d ' And r i no p l e sur les quatre
places pr i nc i pa l e s de l a v i l l e , B a t b a -
zar, Supur gued j i l e r , Yédi Y o l Agha s s i ,
Abad j i l a r B a c h i , ont été pendus q u a –
tre « brigands » révolutionnaires :
Bédros Séremdjian, arménien;
On n i k Tho r o s s i an , arménien ;
Sviatoslav Merdjanoff, bu l ga r e ;
Had j i kh r i s t o I l i ev , macédonien.
Ceux-ci appartenaient à une bande
de d i x personnes q u i s'était formée
pour châtier le r i che bey déprédateur
De r s c h i Mus t apha et le v a l i d ' A n d r i –
nople, et p ou r délivrer les exilés p o l i –
tiques d ' As ch i a et les pr i s onn i e r s d ' A n –
dr i nop l e . Ils avaient pr i s c omme otage
le fils de Mus t apha , capturé dans une
des fermes du bey.
L e 5j u i l l e t , l a bande fut cernée par des
troupes turques,fantassins et cavaliers, à
K i r e t c h l i . Une véritable bataille s'enga–
gea, de neuf heures et demi e d u ma t i n à
deux heures et demi e de l'après-midi.
Dès le début de l'engagement, le chef
Y o r g h i Photeff et l'Arménien Th a t h o u l
Z a rma n i a n avaient été écrasés pa r les
chevaux ; les hu i t autres luttèrent d é –
sespérément ; quatre furent tués e n -
BÉDROS S E R E M D J I A N
(
Bédo)
Né en
1872,
ancien officier de l'armée bulgare,
pendu à A n d r i n o p l e le
10
décembre
1901
core et les quatre surv i vant s , n'ayant
p l us de mun i t i on s p ou r leurs fusils,
foncèrent sur les troupes turques,
armés seulement de revolvers, dans
l'espoir d'être tués sur place. Ma i s ils
furent pr i s et gardés en p r i s o n .
Dès que l a nouvelle de l'exécution
p r o cha i ne se répandit dans l a v i l l e ,
une foule joyeuse se po r t a vers les
places désignées p o u r assister à l a fête
cruelle que le Su l t an offrait à son p eu –
ple ; et les femmes du ha r em de De r s –
c h i y v i n r en t , les poches pleines de
pierres. A i n s i les Tu r c s , les Grecs et
les Juifs, tous cependant v i c t ime s
aussi de l a Bête, se ruaient stupide–
ment p o u r assister à l'assassinat j u r i –
d i que de quatre homme s désarmés.
Sviatoslav Me rd j ano f f fut p endu
devant le gymnase b u l g a r e ,
afin
d'épouvanter l a génération nouve l l e .
Il s'adressa à l a foule en bulgare, d i –
sant p o u r qu o i la bande avait été c on s –
tituée et mon t r an t que l a lutte révolu–
tionnaire était indispensable.
On n i k Th o r o s s i an , ouv r i e r t a i l l eur ,
pa r l a longuement :
«
Vous allez nous pendre, n'est-ce
pas ? Mais sachez bien que nous ne
mourons pas sans espoir, il en viendra
d'autres après nous, par milliers.
Au–
paravant
vous avez pendu des Bul–
gares aussi ; mais cela vous a coûté
une Bulgarie et aujourd'hui aussi cela
vous coûtera une Arménie.
»
P u i s s'adressant au soldat q u i se
tenait auprès de l u i :
«
Viens que je t'embrasse pour la
dernière fois ; parmi tant de gens il
n'y a que toi qui aies du cœur. »
Bédros Séremdjian écarta d ' abo rd
le prêtre De r Arssène q u i l u i app o r –
tait la c ommu n i o n : «
Va-t-en,
mal–
heureux!
l u i d i t - i l .
Est-ce
maintenant
seulement que tu as pensé à venir nous
trouver ? »
Fonds A.R.A.M