protestation d'un Arménien, i l n'est pas pos–
        
        
          sible de faire bouger de sa place, même le
        
        
          plus petit fonctionnaire, au contraire, l a po–
        
        
          sition de ce fonctionnaire sera plus assurée ;
        
        
          par conséquent, retourne chez toi et trouve
        
        
          les moyens pour vivre avec douceur. »
        
        
          Voilà un fait authentique qui explique lar–
        
        
          gement la diplomatie cynique du gouverne–
        
        
          ment turc envers la population arménienne,
        
        
          paisible et productrice : la piller, et par tous
        
        
          les moyens fermer devant elle toutes les
        
        
          portes de protestation et de plaintes, et faire
        
        
          en sorte qu'elle soit abandonnée, ruinée et
        
        
          anéantie. C'est pour faire atteindre ce but in–
        
        
          fâme et diabolique que le gouvernement,
        
        
          non content de barrer tous les passages qui
        
        
          conduisent à l'étranger, ne permet pas en
        
        
          même temps que le jeune homme qui est à
        
        
          l'étranger retourne chez lui et dans sa pa–
        
        
          trie, et puisse employer dans son pays l'ar–
        
        
          gent qu'il s'est procuré en travaillant. 11 y a
        
        
          en Amérique environ quinze mille Arméniens
        
        
          de Kharpout, de la ville et des villages, tous,
        
        
          jeunes hommes ou pères de famille qui, ayant
        
        
          abandonné ici leurs parents, leurs enfants et
        
        
          leurs bien-aimés, sont partis pour un pays
        
        
          très lointain comme ouvriers, dans l'espoir
        
        
          d'assurer, à leur retour, un capital, fruit de
        
        
          leur travail. Les voilà qui sont considérés,
        
        
          aujourd'hui, comme des bannis et des exilés
        
        
          à jamais et ils ne peuvent pas par conséquent
        
        
          retourner vers leurs bien-aimés, et vous
        
        
          pouvez vous faire une idée de ces milliers de
        
        
          maisons, de ces familles qui sont soumises à
        
        
          l'abandon, à l'attente, à des privations ! la
        
        
          situation générale est infernale ; jamais, au–
        
        
          cune langue humaine ne pourra exprimer en
        
        
          entier l'histoire sanglante de l'Arménien ;
        
        
          jamais l'Arménien n'est considéré comme un
        
        
          être humain, ni dans sa patrie, ni dans sa
        
        
          famille , ni devant le tribunal légal. Ne
        
        
          croyez pas que c'est là une anecdote ima–
        
        
          ginée si je vous raconte que l'année passée
        
        
          un boucher arménien, pour avoir frappé un
        
        
          chien de rue, insupportable et dangereux, fut
        
        
          condamné à une livre d'amende, alors que,
        
        
          si ce même Arménien s'était adressé au tri–
        
        
          bunal pour un dommage à lui causé person–
        
        
          nellement, il aurait été chassé sans nul doute.
        
        
          Le kaïmakam de Kharpout, un ivrogne,
        
        
          dans le but d'accomplir une œuvre remar–
        
        
          quable, décida de fonder un palais gouver–
        
        
          nemental qui n'est pas encore achevé depuis
        
        
          deux ans qu'il est commencé ; et comme le
        
        
          gouvernement turc sait profiter impitoyable–
        
        
          ment des plus petites occasions, considérant
        
        
          que l'emplacement du palais se trouve sur
        
        
          '
        
        
          un terrain dont les édifices d'alentour appar–
        
        
          tiennent tous à des Arméniens, une commis–
        
        
          sion composée de Turcs appelle les proprié–
        
        
          taires de ces maisons et leur propose de les
        
        
          céder au gouvernement pour un prix dix fois
        
        
          moindre que le prix réel.
        
        
          Naturellement, les pauvres gens ne vou–
        
        
          draient pas être volés et ont déclaré, par
        
        
          conséquent, qu'ils n'avaient pas d'immeubles
        
        
          à vendre. Qui les écouta ? On se mit à
        
        
          l'œuvre avec des pelles et des pioches, et les
        
        
          édilices, sans le consentement de leurs pro–
        
        
          priétaires, furent démolis, détruits et confis–
        
        
          qués.
        
        
          Ainsi, nous sommes dépouiilés de droite et
        
        
          de gauche, à chaque pas et à toute occasion.
        
        
          La moindre protestation et résistance sont
        
        
          considérées comme une insulte et que nous
        
        
          devons payer très cher. Que faire ? Où aller ?
        
        
          On nous conseille de ne pas émigrer; on
        
        
          nous laisse affamés, on nous prive de travail
        
        
          et on nous enlève même le droit de penser.
        
        
          LA POLICE TURQUE A PARIS
        
        
          Mu n i r bey est rentré à P a r i s , salué
        
        
          pa r les souhaits de b i envenue des
        
        
          j o u r n a u x français q u i l'avaient le p l us
        
        
          v i o l emme n t attaqué et qu i ne t r o u –
        
        
          vaient pas pour l u i d'expressions assez
        
        
          méprisantes. Cela prouve que, même
        
        
          absent, i l avait laissé i c i des ami s utiles
        
        
          et que c eux - c i ont négocié son p a r d o n
        
        
          auprès des j o u r nau x en même temps
        
        
          qu ' i l s le négociaient auprès du mi n i s t r e
        
        
          des affaires étrangères.
        
        
          I l plaît à A b d - u l - H am i d d'être repré–
        
        
          senté pa r u n ambas sadeur à qu i
        
        
          M . Gamb o n , dans une dépêche célèbre,
        
        
          r e c ommanda i t
        
        
          
            de
          
        
        
          
            
              A
            
          
        
        
          n ' ac corder aucune
        
        
          créance » et le gouve rnement français
        
        
          consent à tolérer u n personnage qu i
        
        
          fut accepté autrefois par M . Ga b r i e l
        
        
          Hano t aux . Mais on a expulsé que l que s -
        
        
          uns des po l i c i e r s turcs q u i exerçaient
        
        
          i c i leurs fonctions, d i s t r i bua i ent des
        
        
          c r o i x avec libéralité, offraient des b an –
        
        
          quets et fêtes où assistaient à l'envie
        
        
          des sénateurs, députés, hauts ma g i s –
        
        
          trats, officiers en activité et jusqu'à
        
        
          des représentants officiels de certains
        
        
          ministères. I l serait par trop s c anda –
        
        
          leux que ces subalternes rentrassent à
        
        
          l a suite de Mu n i r bey .
        
        
          A u mome n t de l a discussion du
        
        
          budget de l'intérieur, M . Ma r c e l S e m –
        
        
          bat a posé à M . Wa l de c k -Rous s eau
        
        
          une ques t i on précise qu i r end r a b i e n
        
        
          difficile le retour des personnages mi s
        
        
          hors de F r a n c e . L e mi n i s t r e de l'inté–
        
        
          r i eu r en emp l oyant le terme « d'agita-
        
        
          l i o n » là où i l eût fallu dire « po l i ce »
        
        
          a ménagé à A b d - u l - H a m i d une e x p l i –
        
        
          ca t i on avantageuse des faits : i l ne f au –
        
        
          drait pas trop s'étonner de lire que l que
        
        
          j o u r dans les feuilles turques qu'à l a
        
        
          demande de Sa Majesté Impériale l e
        
        
          gouve rnement français a expulsé qu e l –
        
        
          ques « agitateurs » ottomans et pa r
        
        
          une singulière métamorphose S i n a –
        
        
          p i a n , Féridonu et Nicolaïdès seront
        
        
          transformés en Jeune s - Tur c s .
        
        
          V o i c i d'après
        
        
          
            l'Officiel
          
        
        
          le texte des
        
        
          paroles échangées entre M . Ma r c e l
        
        
          Sembat et M . Wa l de ck -Rous s eau :
        
        
          M . M A K C E L S EMB A T .
        
        
          
            —
          
        
        
          Je demande à
        
        
          la Chambre la permission de parler de ma
        
        
          place. Je désire attirer son attention et
        
        
          celle du Gouvernement sur quelques faits
        
        
          qui ont été portés à notre connaissance
        
        
          d'une façon plus particulièrement frap–
        
        
          pante lors du récent conflit franco-turc. Je
        
        
          parle de l'existence tolérée par le Gouver–
        
        
          nement de polices étrangères en France.
        
        
          Vous vous rappelez que le Gouverne–
        
        
          ment ayant rompu tout rapport avec l a
        
        
          Turquie, a expulsé — mais seulement
        
        
          alors — un certain nombre de sujets turcs
        
        
          qui remplissaient, paraît-il, à Paris, un
        
        
          rôle de police et surveillaient notamment
        
        
          des étudiants turcs suspects de libéra–
        
        
          lisme.
        
        
          Nous avons été fort surpris d'apprendre
        
        
          ainsi que jusqu'à ce moment-là le Gouver–
        
        
          nement avait toléré l'exercice de fonctions
        
        
          de police à l'intérieur du territoire fran–
        
        
          çais par des gens au service de puissan–
        
        
          ces étrangères. L a Turquie n'est pas
        
        
          seule, d'ailleurs, à entretenir chez nous
        
        
          une police. I l paraît qu'il y a également
        
        
          d'autres puissances qui possèdent en
        
        
          France une police.
        
        
          M . E D O U A R D V A I L L A N T .
        
        
          
            —
          
        
        
          L a Russie,
        
        
          par exemple.
        
        
          M . M A R C E L S EMB A T .
        
        
          
            —
          
        
        
          Je demande à
        
        
          M . le président du conseil si les arrêtés
        
        
          d'expulsion qu'il a pris contre ces sujets
        
        
          turcs, à l'occasion de l a rupture avec l a
        
        
          Turquie, seront maintenus, ou bien s ' i l
        
        
          va laisser, maintenant que les rapports
        
        
          sont établis, ces individus rentrer en
        
        
          France pour s'y livrer de nouveau à des
        
        
          occupations qui n'eussent jamais dû, se–
        
        
          lon nous, être tolérées.
        
        
          
            (
          
        
        
          
            Applaudisse–
          
        
        
          
            ments à l'extrême
          
        
        
          
            gauche).
          
        
        
          M . L E PRÉSIDENT DUCONSEIL,
        
        
          
            ministre
          
        
        
          
            de l'intérieur.
          
        
        
          —
        
        
          A
        
        
          l'époque qu'a indiquée
        
        
          M . Sembat, le ministère de l'intérieur a
        
        
          été avisé qu'un certain nombre de per–
        
        
          sonnages de nationalité turque faisaient à
        
        
          Paris de l'agitation ; i l a considéré que
        
        
          son droit et son devoir étaient de procé–
        
        
          der vis-à-vis d'eux par voie d'arrêtés d'ex–
        
        
          pulsion. A l'heure où je parle, je puis
        
        
          affirmer à l'honorable M . Sembat que rien
        
        
          n'a été modifié à cette situation.
        
        
          
            (
          
        
        
          
            Très
          
        
        
          
            bien! très bien! sur un grand
          
        
        
          
            nombre de
          
        
        
          
            bancs )
          
        
        
          M . EDOUA RD V A I L L A N T .
        
        
          
            —
          
        
        
          Et les poli–
        
        
          ciers russes?
        
        
          M . M A R C E L S EMB A T .
        
        
          —
        
        
          Je remercie
        
        
          M . le président du conseil de sa déclara–
        
        
          tion. J'en conclus que les personnages
        
        
          que je visais et qui faisaient, à Paris non
        
        
          pas de « l'agitation », mais de la surveil–
        
        
          lance policière ne recommenceront plus
        
        
          Fonds A.R.A.M