formes que l'Europe, au Congrès de Berlin,
        
        
          jugea nécessaire d'introduire dans les pro–
        
        
          vinces arméniennes de la Turquie.
        
        
          L'attitude de la Chambre française a été
        
        
          très noble, et logique. Le prestige de l a
        
        
          France n'a pâli en Orient que par suite
        
        
          de l'inaction montrée par l a diplomatie
        
        
          française lors des monstrueuses tueries de
        
        
          
            1895
          
        
        
          ;
        
        
          i l ne se relèvera que le jour où la
        
        
          France « demandera compte au Sultan,
        
        
          selon l'heureuse expression de M . Denys
        
        
          Cochin, non pas seulement de l a cons–
        
        
          truction des quais de Constantinople,
        
        
          mais plutôt du sang arménien dont ils ont
        
        
          été inondés ».
        
        
          Nous avons été heureux d'apprendre
        
        
          que M M . d'Estournelles de Constant,
        
        
          Denys Cochin et Marcel Sembat ont dé–
        
        
          cidé d'interpeller encore une fois le Gou-
        
        
          
            Ternement
          
        
        
          français sur les mesures qu'il
        
        
          a prises ou qu'il compte prendre, afin
        
        
          d'amener le Sultan à appliquer les articles
        
        
          du traité de Be r l i n concernant les ré–
        
        
          formes à introduire en Arménie. Nous
        
        
          •
        
        
          sommes certains que la Chambre française
        
        
          tout entière se ralliera aux interpellateurs
        
        
          pour inviter le Gouvernement à agir dans
        
        
          •
        
        
          ce sens.
        
        
          Le
        
        
          4
        
        
          novembre M . Delcassé a déclaré,
        
        
          dans sa réponse à M M . Marcel Sembat et
        
        
          Denys Cochin, qu'il avait fait jusqu'ici
        
        
          tout ce qu ' i l pouvait pour soulager les
        
        
          souffrances des Arméniens de Turquie ;
        
        
          nous reconnaissons, en effet, la bonne vo–
        
        
          lonté que M . Delcassé a montrée plus
        
        
          •
        
        
          d'une fois pour faire cesser des massacres
        
        
          •
        
        
          ou pour les prévenir. Mais M . Delcassé
        
        
          ne devrait pas conclure par là que le
        
        
          Gouvernement français a fait tout son de–
        
        
          voir envers le peuple arménien. Ces me–
        
        
          sures partielles ne constituent qu'un pal–
        
        
          liatif au ma l profond et périlleux que
        
        
          l'Europe doit détruire à sa racine si elle
        
        
          veut respecter les engagements qu'elle a
        
        
          •
        
        
          solonnellement pris au Congrès de Be r l i n .
        
        
          L a cessation des massacres n'est pas une
        
        
          solution. Dans les périodes où le système
        
        
          des tueries en niasse est abandonné, le
        
        
          Sultan continue à exterminer le peuple
        
        
          arménien par des moyens plus sourds,
        
        
          plus discrets, mais toujours sûrement
        
        
          destructeurs ; une incessante persécution
        
        
          systématique dirigée contre les Arméniens
        
        
          leur interdit tout développement matériel
        
        
          et moral ; pas un Arménien ne jouit de l a
        
        
          sécurité de sa vie, de ses biens et de
        
        
          l'honneur de son foyer.
        
        
          L'Europe a reconnu, au Congrès de
        
        
          Berlin, l a nécessité de réformes à intro–
        
        
          duire dans les provinces arméniennes de
        
        
          la Turquie, pour délivrer les Arméniens
        
        
          de cette situation d'esclaves où le despo–
        
        
          tisme musulman les maintient ; depuis
        
        
          cette époque, aucune réforme n'a été exé–
        
        
          cutée ; bien au contraire, le Sultan a mul–
        
        
          tiplié les persécutions contre les Armé–
        
        
          niens ; ceux-ci ont protesté à l a Porte, à
        
        
          l'Europe, ils ont réclamé à plusieurs re–
        
        
          prises, par des démarches pacifiques,
        
        
          l'application des réformes ; repoussés par
        
        
          le Gouvernement turc, abandonnés par
        
        
          l'Europe, ils se sont vus naturellement
        
        
          acculés à défendre leurs droits par une
        
        
          action révolutionnaire ; à cette tentative
        
        
          de légitime défense, le Sultan a répondu
        
        
          par cette horrible série de massacres or–
        
        
          ganisés, qui constitue l a honte suprême de
        
        
          l'histoire des temps modernes. Ces grandes
        
        
          tueries de
        
        
          
            g5
          
        
        
          et de
        
        
          
            96
          
        
        
          ont ému l'opinion
        
        
          universelle ; la France, l'Angleterre et l a
        
        
          Russie ont, le
        
        
          
            11
          
        
        
          mai
        
        
          
            1895,
          
        
        
          présenté à l a
        
        
          Porte un mémorandum où elles précisaient
        
        
          les réformes qu'il était indispensable
        
        
          d'introduire en Arménie : le Sultan a s i –
        
        
          gné ce projet de réformes et i l l'a appli–
        
        
          qué... en continuant les massacres. L ' E u –
        
        
          rope a laissé faire, avec une lâcheté qui
        
        
          n'a d'égale que l'inintelligence de cette
        
        
          attitude. Cela a conduit le Sultan à penser
        
        
          que l a civilisation européenne n'était
        
        
          qu'un mot vide, que le concert européen
        
        
          n'était qu'une plaisanterie, que le traité de
        
        
          Be r l i n n'était qu'un" torchon ridicule, et
        
        
          tout en continuant à être féroce envers les
        
        
          Arméniens abandonnés à sa fantaisie san
        
        
          guinaire, i l s'est mis à être insolent envers
        
        
          l'Europe : chaque puissance européenne
        
        
          se voit maintenant forcée de faire des dé
        
        
          monstrations navales pour amener le
        
        
          Sultan à régler les affaires les plus insi
        
        
          gnifiantes.
        
        
          M . Delcassé a déclaré que l a France,
        
        
          n'étant pas l a seule signataire du traité de
        
        
          Be r l i n , ne peut pas à elle seule tenter l a
        
        
          solution d'une question pleine de compli
        
        
          cations, mais qu'elle prendrait une large
        
        
          part à une action dans ce but, si toutes les
        
        
          puissances signataires du traité de Be r l i n
        
        
          s'entendaient pour l'entreprendre.
        
        
          Nous croyons, — et l'affectueuse "adhai
        
        
          ration que nous portons à l a France des
        
        
          Croisades et de la grande Révolution nous
        
        
          affermit dans notre croyance, — que l a
        
        
          France pourrait, d'accord avec l a Russie
        
        
          faire un appel à toutes les Puissances si
        
        
          gnataires du traité de Berlin, pour les i n –
        
        
          viter à entreprendre sans retard cette ac–
        
        
          tion nécessaire aux intérêts de l a
        
        
          Civilisation européenne et aux intérêts
        
        
          de la Paix.
        
        
          Les questions limitées qui ont provoqué
        
        
          le conflit franco-turc se trouvant réglées,
        
        
          un semblable appel fait par la France à
        
        
          l'Europe aurait plus de force, en ne lais–
        
        
          sant plus aucun doute sur l'esprit absolu–
        
        
          ment désintéressé qui le motive, et i l ne
        
        
          pourrait pas rester sans réponse. Nous
        
        
          croyons que l a France ne se compromet–
        
        
          trait nullement et qu'elle aurait accompli
        
        
          un acte des plus conformes à ses nobles
        
        
          traditions en invitant les Puissances s i –
        
        
          gnataires du traité de Be r l i n à se réunir
        
        
          en une conférence pour décider les me–
        
        
          sures à prendre afin de faire appliquer les
        
        
          clauses du traité de Be r l i n relatives aux
        
        
          réformes à introduire dans les provinces
        
        
          arméniennes de l a Turquie.
        
        
          L a récente démonstration de l'escadre
        
        
          française n'aurait qu'un résultat éphémère
        
        
          si elle laissait après elle les chrétiens d'O–
        
        
          rient dans leur situation d'esclaves sup–
        
        
          pliciés. Elle ne ferait même dans ces 'con–
        
        
          ditions qu'aggraver leurs souffrances et
        
        
          aiguiser le danger qui menace la paix. Le
        
        
          conflit franco-turc, l'entrevue franco-
        
        
          russe de Compiègne, le bon accueil fait
        
        
          par les diplomates français et russes aux
        
        
          démarches des défenseurs de l a cause ar–
        
        
          ménienne ont conduit les Arméniens à
        
        
          penser que la France et la Russie s'étaient
        
        
          enfin décidées à ne plus les laisser seuls
        
        
          dans leur lutte pénible contre la tyrannie
        
        
          turque. S i cette fois encore l'Europe se
        
        
          trouve parjure à ses engagements, elle
        
        
          aura poussé elle-même les Arméniens à
        
        
          suivre les conseils sanglants du désespoir,
        
        
          car i l ne nous est pas possible de souffrir
        
        
          indéfiniment que des monstres à face hu–
        
        
          maine continuent impunément à se vau –
        
        
          trer dans le sang de nos frères, à souiller
        
        
          l'honneur de nos foyers.
        
        
          S i l'Europe est vraiment résolue à res–
        
        
          ter jusqu'à l a fin l a complice du Sultan
        
        
          dans ce crime colossal de lèse-humanité,
        
        
          qu'elle le déclare nettement. Le peuple ar–
        
        
          ménien, condamné à mort par l'Europe et
        
        
          par le Sultan, saura mourir noblement :
        
        
          le suprême soubresaut de son agonie pour–
        
        
          rait amener l'écroulement définitif de l a
        
        
          Turquie et le bouleversement de cette
        
        
          honteuse Paix européenne fondée sur l ' i n –
        
        
          justice.
        
        
          L E
        
        
          C O M I T É
        
        
          C E N T R A L D U
        
        
          P A R T I
        
        
          R É V O L U T I O N N A I R E
        
        
          H E N T C H A -
        
        
          K I S T E .
        
        
          Londres, le
        
        
          22
        
        
          n o v emb r e i u o i .
        
        
          
            
              7
            
          
        
        
          
            
              &
            
          
        
        
          
            PÈLERIN MALGRE LUI
          
        
        
          Le
        
        
          27
        
        
          décembre, quinzième jour du mois
        
        
          de Ramadhan, affolé de terreur, Hamid fera
        
        
          son pèlerinage annuel d'Yldiz à Stamboul,
        
        
          pour adorer le manteau du Prophète. Nous
        
        
          empruntons au beau livre de notre collabo–
        
        
          rateur et ami Georges Dorys
        
        
          
            (
          
        
        
          
            Abd-ul-Hamid
          
        
        
          
            intime,
          
        
        
          Stock éditeur) les pages si précises
        
        
          et si exactes qu'il a consacrées à la tragique
        
        
          promenade du khalife épouvanté.
        
        
          Isolé du reste de l'univers sur les hau–
        
        
          teurs de Y l d i z , défendu par de fortes
        
        
          murailles, des casernes et des corps de
        
        
          garde, le captif volontaire, malgré les
        
        
          précautions inouïes dont i l s'entoure,
        
        
          supporte avec peine le fardeau d'une
        
        
          Fonds A.R.A.M