affreusement et pillaient les produits et le
bétail des laboureurs arméniens. Leur au–
dace arriva à un tel point qu'ils commen–
cèrent à réclamer aussi de l'argent des fonc–
tionnaires du gouvernement. Ce fut seule–
ment à cette occasion que le gouvernement
se vit obligé d'intervenir et pourtant i l était
trop tard pour pouvoir les retenir.
Le gouvernement, impuissant devant cette
attitude effrénée des Kurdes, voulut les exi–
ler ailleurs par ordre du Sultan ; mais ceux-
ci, quand ils apprirent qu'on allait les exiler,
prirent la fuite, de nuit, excepté les vieillards
et les femmes.
Le gouvernement pouvait les arrêter, s'il
l'avait voulu; mais quelques jours après la
fuite des Kurdes, nous apprîmes que le gou–
vernement avait eu parfaite connaissance de
leurs projets. Les Kurdes, quelques jours
avant leur départ, avaient déjà fait tous
leurs préparatifs.
La nuit du
25
septembre, à trois heures à
la turque, cent cinquante cavaliers kurdes,
armés de pied en cap, partirent d'Adana,
pillant sur leur passage les chevaux et les
produits des laboureurs arméniens.
Nous apprenons que ces Kurdes se sont
dirigés vers Van pour rejoindre leurs cama–
rades et leur prêter main-forte dans l'exécu–
tion de Tirade impérial pour le massacre des
Arméniens.
D'après les renseignements particuliers
que nous recevons de Kharpout, le gouver–
nement, outre la perception des impôts de
l'année
1902,
ce qui avait eu lieu i l y a six
mois, perçoit aussi les impôts de
1903
avec
d'extrêmes sévérités.
NOUVELLES D'ORIENT
L A R U S S I E E T L E S R É F U G I É S A R M É N I E N S .
Le
Times,
qui avait divulgué autrefois
le rapport du prince Galitzinc sur les
mesures coercitives qu'il convenait de
prendre à l'égard des Arméniens du Cau–
case, donne maintenant l a circulaire du
ministre de l'intérieur Sipiagin au sujet
des réfugiés qui ont passé la frontière pen–
dant les massacres.
Vo i c i cette circulaire confidentielle, qui
a été adressée à tous les fonctionnaires de
Transcaucasie :
J'appelle votre attention sur la situation
irrégulière des réfugiés arméniens dans le
gouvernement général de Transcaucasie.
Vos rapports constatent le fait que vos efforts
pour les faire sortir de Transcaucasie et les
renvoyer sur le territoire turc ont échoué et
que leur nombre au lieu de diminuer s'ac–
croît. Il s'élève à plus de quarante mille.
Beaucoup d'entre eux sont totalement dé–
pourvus de moyens d'existence, et ils sont,
tant par la concurrence commerciale que par
la nécessité de les entretenir, un lourd far–
deau pour le gouvernement et une cause de
trouble pour la population.
Non seulement beaucoup de réfugiés refu–
sent de retourner en Turquie, mais aussi les
fonctionnaires turcs ne semblent pas vouloir
les laisser retourner dans leur pays. D'après
vos rapports, les consuls turcs refusent de
donner des visas aux passeports de retour
demandés par les réfugiés arméniens. Il est
donc nécessaire de considérer que ces réfu–
giés résideront d'une façon permanente en
territoire russe.
Dans ce cas, la présente situation adminis–
trative de ces gens ne peut demeurer ce
qu'elle a été jusqu'ici.
Je vous informe donc que par décision su–
périeure vous aurez à préparer toutes les
mesures nécessaires pour astreindre tous les
Arméniens résidant sur le territoire à la date
du i
c r
mars
1902,
à accepter leur naturalisa-
lion comme sujets russes.
Il sera nécessaire en outre de tenir prêts
des registres cadastraux dans le but de fixer
les focatités où les Arméniens pourront être
installés comme paysans de la Couronne. Les
localités occupées auparavant par les Dou-
kobors seront, en beaucoup de cas, inspec–
tées dans ce but. Je vous prie d'envoyer au
plus tôt des rapports à vos chefs sur ce
point.
Les commentaires donnés par le
Novoié
Vremia
à l a circulaire du ministre Sipia–
gin en indique le véritable sens et la véri–
table portée.Le journal panslaviste avoue
ingénument que les autorités russes pro–
fessent à l'égard des Arméniens des sen–
timents analogues à ceux des antisémites
de tous pays envers les israélites.
D'ailleurs le même journal a indiqué,
dans un article récent, quelle était, sinon
la politique russe, du moins l a politique
d'un certain nombre de ministres russes
envers la Turquie. O n ne peut pas deman–
der à l a Turquie de faire immédiatement
des réformes ; i l faut l u i donner un délai
et la soutenir par une alliance acceptée de
son plein gré ou même contre son gré.
Une alliance entre l a Russie et l'empire
ottoman améliorerait d'un seul coup l a
situation des sujets chrétiens du Sultan.
L a Russie n'annexerait aucune province
et ne se proclamerait pas protectrice du
Saint-Sépulcre ; elle ne fermerait pas non
plus le marché turc au commerce eu–
ropéen. Les intérêts religieux des puis–
sances européennes ne subiraient aucune
restriction ; le changement consisterait
seulement en ceci que l'existence politique
de l a Turquie serait désormais assurée.
«
Mais pour ce motif seulement aucune
puissance n'assumerait le lourd poids
d'une guerre avec la Russie ; une simple
protestation ne ferait qu'un bruit court et
qui se dissiperait sans avoir été effi–
cace. »
E N M A C É D O I N E .
Très prochainement
les députés serbes et les députés bulgares,
oublieux des dissentiments passés, vont
fraterniser en des visites courtoises. I l
n'est pas mauvais de rappeler qu'au par–
lement serbe, le ministre des affaires
étrangères avait déclaré que si la situa–
tion ne s'améliorait pas en Vieille-Serbie,
i l faudrait demander d'urgence l'exécu–
tion du traité de Be r l i n . Le discours du
Ministre des Affaires étrangères, docteur
Daneft', devant l'assemblée nationale bul–
gare, contient des déclarations presque
identiques qui prennent, du rapproche–
ment serbo - bulgare, un sens presque
menaçant :
Quant à nos relations avec les autres
Etats, je les ai fait connaître dans la session
extraordinaire et je ne peux que confirmer
ce que je disais alors. Mais elles peuvent de–
venir encore meilleures si notre politique
extérieure est stable et acceptée par tous. En
ce cas le succès serait certain.
C'est ce que je disais aussi dans la session
extraordinaire, et i l m'est agréable de cons–
tater que mon sentiment était partagé par
le docteur Petkof et qu'il encourage le gou–
vernement dans ses efforts. M . Petkof a mon–
tré ainsi qu'ii est un véritable homme d'Etat.
On m'a objecté que j'aurais dit à un cor–
respondant de journaux que je ne fais pas
de politique avec la Russie. Je déclare que
je ne fais aucune politique de ruse et que je
joue à jeu ouvert aussi bien en ce qui con–
cerne la Russie qu'en ce qui concerne la
Turquie.
Nos relations avec nos voisins sont bonnes
et avec la Roumanie — avec laquelle nous
avions un dissentiment — l'état est redevenu
normal.
Avec la Serbie aussi les relations sont
excellentes et je crois que chaque Bulgare a
le sentiment qu'avec cet État frère elles doi–
vent toujours être excellentes.
Quelles sont maintenant nos relations avee
la Turquie ? Depuis que le présent gouverne–
ment est au pouvoir, i l n'y a eu dans ces
relations aucun changement. L a question
macédonienne, n'est pas résolue et sa solu–
tion seule pourrait changer les relations.
Je me suis efforcé de prendre à t'égard de
la Turquie l'attitude la plus correcte et de
remplir le plus strictement du monde nos obli–
gations internationales. Mais si néanmoins
aueuns bons résultats n'ont été atteints, ce
n'est pas notre faute.
A la frontière i l y a encore beaucoup de
territoires contestés. Pour la solution de ces
questions de frontières, une commission a
été constituée, if y a des années ; etlc a sus–
pendu ses travaux en
1895
sans avoir rien
fait. Il s'ensuit que la Turquie prend posses–
sion de terrain bulgare tandis que nous re–
vendiquons des terres en Turquie. 11 en est
ainsi aussi à Saratasch. Il s'agit là d'une
étendue de 45 kilomètres carrés réclamée par
nous et par la Turquie. N'êtes-vous pas per–
suadés que nous sauvegardons les intérêts
du pays et que nous n'abandonnerons pas à
un autre État une parcelle de notre terri–
toire ?
A Constantinople des diffieuîtés ont été
faites aux voyageurs bulgares ; mais une
note tranchante a suffi pour y mettre fin et on
s'en est excusé comme d'une erreur.
Personne ne peut contester que nous ac-
Fonds A.R.A.M