D E U X I È M E A N N É E .
—
N° a .
Le numéro : France, 4 0 cent. — Etranger : SO cent.
10
D É C E M B R E
1901
Pro Armen i a
Rédacteur en chef :
P i e r r e
Q U I L L A R D
Adresser
tout ce tui concerne la direction
à M. Pierre Quillard
Î O , r u e N o l l e t ,
P a r i s
A B O N N E M E N T S :
France
8 »
Étranger
10 »
paraissant le 10 et le 25 de chaque mois
COMITÉ DE RÉDACTION :
G . Cl emenceau, Anatol e France , Jean Jaurès
Secrétaire de rédaction
J e a n
L O N G U E T
Vendredi
de
11
h. à midi, 17, rue cujas
Franc i s de Pressensé, E . de Rober ty
Pro
Armenia
est en vente chez les libraires et dans les principaux kiosques de Paris.
ADMINISTRATION :
Société nouvelle de Librairie
et d'Édition
(
Librairie G.
BELLAIS)
1 7 ,
r u e C u j a s , P A R I S
T É L É P H O N E : 801-04
S O M M A I R E
Nécrologie : L e père L . - M .
A l i s c h a n .
L a Quinzaine .
. . . . .
Pierre Quillard.
Le nouveau
g r a n d - v i z i r
Saïd pacha
Georges Dorys.
Correspondance
pendant
les années
1899, 1900,
et
1901
U n vicaire du pa –
triarcat.
Le service sanitaire en T u r –
quie
D' Lou t f i .
Lettres de Trébizonde et
d ' A d a n a .
Nouvelles d'Orient: L a R u s –
sie et les réfugiés armé–
niens.— E n Macédoine. —
E n A l b a n i e . —AD . j e d d a h .
—
E n T r i p o l i t a i n e . —
L'émigration des mu s u l –
mans. — Condamnations.
P . Q.
NÉCROLOGIE
L E P È R E L . - M . A L I S C H A N
L e 22 novembr e , à s ix heures d u
ma t i n , le père Léon-M. A l i s c h a n est
mo r t à Ven i s e , au couvent de Sa i n t -
La z a r e dont i l était vicaire-général
depuis 1876. I l était âgé de quatre-
v i ng t - un ans.
I l était entré p ou r l a première fois,
à douze ans, le 5 j u i l l e t 1832, dans ce
même couvent de Sa i n t - Laza r e , tout
enfiévré encore du souvenir de B y r o n
q u i y avait fait de fréquents séjours,
avant d'aller mo u r i r à Mi s s o l ongh i
pour les Hellènes révoltés.
Pendan t huit ans, i l étudiâmes s c i en –
ces religieuses et profanes. Pu i s en
1848,
pendant l a tourmente révolution–
na i r e q u i secoua l a F r a n c e et l ' Eu r o p e ,
i l v i n t en F r a n c e ; i l d i r i gea successi–
vement l'école Rapha e l i an puis l'école
Mo u r a d i a n , après u n court voyage en
Angleterre.
C'est entre cette date et l'année 1848
q u ' i l c omposa les c i n q vo l ume s de
poésies qu i l'égalent aux p l us grands
de sa na t i on .
A pa r t i r de 1872, i l s'occupa au c o u –
vent de littérature et d'histoire armé–
nienne. I l était aidé dans ses t ravaux
pa r une connaissance profonde du
l a t i n , du français, de l'anglais et de
l ' i t a l i e n ; et i l avait aussi des notions
de grec, d'arabe, de tur c , de pe r san ,
d ' a l l emand et de russe. I l a d'ailleurs
laissé, outre ses œuvres en langue a r –
ménienne, des t ravaux impo r t an t s en
français, en anglais et en i t a l i en ,
no t ammen t une étude sur les rapports
entre les Arméniens et Ven i s e et une
notice sur le manu f ac tur i e r arméno -
venète, E l i a d'Alessandro et l a f ami l l e
des A l e s s and r i ; i l a publié égale–
ment une t r aduc t i on de B y r o n en A r –
ménien.
Ma i s l'œuvre capitale de sa vie fut ce
pr od i g i eux t r ava i l encore inachevé sur
la géographie et l'histoire de l'Arménie.
P a r là plus que personne, i l fut u n
b o n artisan de l a renaissance armé–
n i enne selon le vœu de Mékhitar :
faire connaître à l ' Eu r o p e l a langue, l a
littérature et l e peuple de Haïk. C'est
ainsi qu'à l a f in du siècle de rn i e r , u n
obscur mo i ne bulgare, Païssi, réveilla
la conscience de sa race et prépara
aux raïas, courbés sous l e doub l e j oug
des turcs et du clergé grec, u n aven i r
de liberté.
Le s quatre grands livres du père
A l i s c h a n
Ararat, Shir.ak, Sisaçan, Si-
souan,
aussi haut que ses poèmes, cé –
lèbrent les gloires et les douleurs de
l a terre o r i g i ne l l e , s i rude et s i c h a r –
man t e ; i l s disent les âpres h i ve r s et l a
fête d ' un pr i nt emps r i che de fleurs i n –
connues sous d'autres ciels ; i l s disent
les luttes, les défaites, l ' i nd omp t ab l e
espoir de l a race calomniée pa r ceux
q u i ignorent son histoire et q u i en
connaissent seulement l'espèce l e v a n –
tine, n i me i l l eur e n i p i r e que l'Hellène,
le L a t i n ou le Tu r c des ports méditer–
ranéens; géographie, ethnographie, a r –
chéologie, hagiographie, n um i sma t i –
que, bo t an i que , c'est tout u n pays q u i
est évoqué, homme s , bêtes et plantes
et dur s profils des roches aux cimes
des montagnes sacrées.
Ju s qu ' au de rn i e r j o u r , le père A l i s –
c han t r ava i l l a avec l a v i gueu r et l a
fougue d ' un j eune h omme , silencieux,
presque anonyme , conduisant pa r les
couloirs de San L a z a r o les visiteurs
étrangers q u i ignoraient avo i r devant
eux en ce s imp l e mo i ne l a gloire v i –
vante d'une na t i on .
Il est entré dans l ' omb r e éternelle à
une heure mauva i se p o u r son peuple :
i l avait v u des catastrophes plus t r a –
giques et p l us sanglantes qu ' aucune de
celles q u i furent enregistrées pa r les
annalistes anciens au temps des i n v a –
sions turques, mogoles ou persanes ;
i l avait v u massacrer trois cent
mi l l e de ses compatriotes avec l'assen–
t iment des chefs d'État q u i se disent
chrétiens et civilisés.
Quelle pensée suprême le han t a ? et
Fonds A.R.A.M