ne fut-ce pas peut-être u n adieu déses–
péré à l a foule dolente des ma r t y r s
arméniens en agonie, un appe l aux
libérateurs i nc onnus qu i luttent e n –
core en quelques gorges sauvages du
Zeïtoun et du Sassoun, frères l o i nt a i ns
des pa l i ka r e s p o u r qu i mou r u t B y r o n ?
E t de leur sang renaquit l a Grèce,
mo r t e depuis c i n q siècles.
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LA QUINZAINE
L e 25 novemb r e , le gouvernement
turc a adressé à ses représentants à
l'étranger une c i r cu l a i r e où les récents
événements sont exposés selon l a mé –
thode hami d i enne . I l y est dit en p a r –
t i cu l i e r que « des br i gands arméniens
ont fait prisonniers et condui t au c ou –
vent d ' A r a k soixante enfants et f em–
mes et que, sur l a demande de l'évêque
de Mo u s h , les soldats impériaux ont
cerné le couvent pour délivrer les cap –
tifs ; ma i s qu'ils ont été reçus à coups
de fusil pa r les br i gands que c ommand e
u n chef nommé An t r a n i k et q u i s em –
blent avo i r en abondance des m u n i –
tions et des pr ov i s i ons de toutes s o r –
tes » . L e c onsu l de Russie et le c onsu l
d'Angleterre seraient témoins oculaires
des faits et pour r a i en t attester l a c o r –
r e c t i on des troupes impériales.
Des rapports l o c aux d'une au t h e n –
ticité certaine et qu i très pr obab l ement
sont connus du gouvernement français
nous permettent de rectifier et de c om –
pléter l a note turque. Ils portent n o n
seulement sur l'affaire de Sourp
Arakélotz V a n k , mais sur l'ensemble
de l a situation à Mo u s h et à B i t l i s .
L e couvent historique de Sour p
Arakélotz, à quelques lieues au sud
de Mo u s h , est entouré d'une enceinte
fortifiée et situé sur une hauteur
c ommandan t les gorges q u i conduisent
au Sassoun. I l renf erme u n o r ph e l i –
nat où sont recueillis soixante enfants,
les soixante captifs razziés par les
«
br i gands » , d'après l a note turque .
A u mo i s d'octobre, le v a l i de B i t l i s
fut informé que « des révolutionnaires
arméniens » s'étaient réfugiés à Sourp
Arakélotz. I l eut aussitôt l'idée de
b omb a r d e r le monastère. Ma i s à cette
date le c onsu l russe Th o uma n s k y l u i
fit en effet observer que Sourp Araké–
lotz servait d'asile à des enfants ino f –
fensifs et q u ' i l serait fâcheux de détruire
les richesses d'art qu i y sont conser–
vées. L e v a l i abandonna donc ses
intentions premières. Ma i s des s o l –
dats furent envoyés pour oc cuper
le couvent. Ils n'y trouvèrent au –
cune trace de « révolutionnaires » .
Cependant le v a l i manifesta l a préten–
t i on d'installer là une garnison p e rma –
nente et de couper a i n s i à nouveau l a
route du Sassoun. C'est alors sans
doute q u ' An t r a n i c k , le successeur d u
légendaire et héroïque Serop, s'est jeté
dans le couvent, s ' i l est pe rmi s d ' a j ou–
ter une foi quelconque à l a note tur–
que. Cependant sa présence inquiéte–
rait assez H a m i d p o u r que l a Po r t e a i t
demandé au Pa t r i a r c a t arménien de
s'interposer : selon sa coutume le
bour r eau solliciterait ainsi contre ses
victimes récalcitrantes les bons offices
de ceux q u i doivent être leurs défen–
seurs naturels. Ma i s i l ne semble pas
que le patriarche O rma n i a n désire
j oue r le rôle od i eux de l'infâme
locum
tenens
Bar thogh imeo s q u i pendant les
massacres de Cons t ant i nop l e , louait le
sultan très b o n et très ma gnan ime et
e x c ommun i a i t ce les perturbateurs a r –
méniens » .
E n dehors de l'affaire de Sourp
Arakélotz l a situation demeure assez
grave p ou r que le consul Th o uma n s k y ,
d ' o rd i na i r e en résidence à V a n , ait
loué une ma i s o n à Mo u s h , et se prépare
à y passer l ' h i v e r . Ce n'est pas seul e –
ment p ou r y recevo i r de nouvelles
conversions à l ' o r t hodox i e , en sus des
2,500
signatures récoltées une première
fois p a r m i les Arméniens de Mo u s h .
L e
c onsu l
anglais de Diarbékir,
M . F i g g e rma nn , est v enu de son côté
à Mo u s h et y r e v i end r a encore après
u n cour t séjour à V a n .
I l serait à désirer que le c onsu l
français de Diarbékir se rendît égale–
ment à Mo u s h afin que son g ouv e rne –
ment fût renseigné d'une façon directe :
le père Defrance, chef de l a mi s s i o n
de V a n , q u i fut n ommé à titre p r o v i –
soire agent consulaire en 1896, est en
ce mome n t en F r an c e . Cependant, b i e n
qu ' i l s n'aient été vérifiés pa r au c un
f onc t i onna i r e français, les faits s u i –
vants sont vrais et peuvent être versés
à l'enquête toujours ouverte sur le
régime h am i d i e n et dans le débat,
retardé mais inévitable, sur l a ques t i on
arménienne, i l sera impo s s i b l e de n ' en
pas faire état.
A Sassoun même le projet de c ons –
t ruc t i on de casernes est momentané –
ment abandonné ; ma i s les soldats
réguliers et les Ku r d e s hamidiés d e –
meur ent installés dans les villages et
y comme t t ent les atrocités o r d i na i r e s .
I l est évident que pa r l a présence i n –
tolérable de ces garnisons le gouver–
nement cherche à exaspérer l a p o p u –
l a t i on et à amener u n conflit q u ' i l
noierait dans le sang ou décider
enfin les Arméniens à quitter leurs
villages et leurs montagnes et à de s –
cendre dans l a plaine où l eur exter–
m i n a t i o n serait p l us aisée.
L e procès des Arméniens de M o -
g o unkh , accusés du meur t r e de Chériff-
A g h a - K h o t a n l i , est terminé. Es t he r
M i h o y a n s'était constituée v o l o n t a i r e –
ment prisonnière et reconnaissait av o i r
tué le band i t ku r d e qu i l'avait v i o l e n –
tée ; ses deux frères sont en fuite.
Malgré ses déclarations f o rme l l es ,
vingt-sept Arméniens de Mo g o u n k h , e n –
tièrement étrangers à son acte de j u s –
tice, ont été condamnés à des peines
va r i an t entre d i x et qu i nz e ans de t r a –
vaux forcés. Ils avaient en v a i n de –
mandé le transfert de l eur procès p ou r
cause de susp i c i on légitime et refusé
de répondre à tous i nt e r r oga t o i r es .
Au t o u r de Mo u s h , les chefs ku r d e s ,
auteurs notoires des derniers pillages
et assassinats, sontlaissés l i b r e s d e c o n –
t i nue r leurs exploits.
Me h eme d A l i , de P a z o u , s'est i n s –
tallé à Khn i s s et y séjourne en toute sé–
curité.
Saïd D j i b r a n l i a d i s p a r u .
Haïdar, de B o u l a n i k , dont les b r i –
gandages et atrocités ont été énumérés
i c i , a été amené à Mo u s h p ou r l a f orme
et relâché immédiatement.
Ibo a quitté sa résidence de Ba g h l o u
et voudr a i t s'établir à Pa z o u , à p r o x i –
mité du couvent de So u r p - Ga r a b e d ,
estimant l ' endr o i t plus pr op i c e a u p i l -
Fonds A.R.A.M