tous les moyens. I l n'est pas inutile de
dire que les iradés impériaux, les firmans,
les instructions n'ont i c i aucune force. Le
gouvernement est entre les mains des
cheiks, des séïts ; le plateau de la ba–
lance baisse toujours de leur côté et les
valissont poussés par eux et se conduisent
selon leurs ordres.
III. — Dans l'état actuel des choses, un
«
Aratchnorte » surtout quand i l est regardé
seulement comme un chef spirituel et n'a
pas de siège et de voix dans le conseil d'ad–
ministration, comme Votre humble fils,
reste désespéré et embarrassé dans les diffi–
cultés du lieu et du gouvernement entre lés
abus, lesmachinations et les protestations
du peuple, c'est-à-dire qu'il se trouve lié
et enchaîné et maltraité entre deux épées.
Réfléchir sur tout cela, diriger, s'en
occuper et surveiller, tout cela appartient
à l'administration centrale nationale, à
l'amour de l a nationalité.
E X T R A I T D E L A L E T T R E D U IO, M A I
i g O I
L'affaire du pauvre G . B . (au sujet du–
quel j'avais écrit en détails plusieurs fois)
prend un caractère de plus en plus aigu
et triste ; sa situation devient plus intolé–
rable, au point de désespérer de sa vie :
tout cela, à cause des fonctionnaires et de
la haine du clergé musulman).
E X T R A I T D E L A L E T T R E D U
2
J U I N I 9 O I
Bientôt deux mois environ, et nous ne
recevons aucune lettre du Patriarcat ; cet
état nous porte à de différentes supposi–
tions et nous énerve et nous désespère à
jamais.
Aujourd'hui, puisque je ne suis pas
dans le cas agréable de répondre à
une lettre, je communiquerai un peu
des nouvelles désagréables et tristes, à
l'honorable administration centrale natio–
nale.
Je vous avais déjà écrit en des rapports
et des notes de mon diocèse, au sujet de
la situation et de mauvaises influences
des aghas et des beys delà paroisse. Celui
qui possède un fusil et quelques centaines
d'hommes est i c i un agha ou un bey. I l
est maître et un « va l i » absolu sur une ou
plusieurs campagnes et sur l a population
des campagnes qui sont dans les limites
de la souveraineté d'un agba (population
islam et surtout chrétienne); l a vie, les
biens, l'honneur, sont à la disposition du
même agha ; l'autorité officielle locale
n'est pour eux que nominale et comme
une ombre, et n'est, semble-t-il, réelle
que pour les populations chrétiennes,
puisqu'on voit toujours qu'elle ne peut ou
qu'elle ne veut rien faire contre les tribus
et leurs chefs qui sont perturbateurs, p i l –
lards, et réfractaires et révoltés contre
elle-même (même dans les questions
d'intérêts etd'autres affaires importantes) ;
elle ne réserve qu'à ses sujets et n'exécute
que pour eux, tant l'abus de l a loi et son
injustice (non pardon, la justice) et son
influence...
Les aghas-beys de ces tribus, quelque–
fois poussés par l'instinct de conquête et
par un plaisir infernal, s'attaquent l'un
l'autre et luttent armés; les campagnes
arméniennes sont ainsi foulées aux pieds
et endommagées pendant l'attaque,
d'abord par les tribus, et ensuite quand
l'autorité daigne se mettre au courant de
l'affaire et faire des recherches, les tribus
sont réconciliées et s'accordent facilement
par l'intervention des fonctionnaires du
gouvernement et des cheiks, alors que
les pauvres chefs des campagnes armé–
niennes sont appelés au tribunal et soumis
à des décrets lourds et à des amendes
graves, comme s'ils avaient pris part aux
luttes des tribus et avaient agi dans l'in–
térêt de tel ou tel parti...
Tel fut le cas, l'année passée, du chef
du village de G . N . L . ; et i l en sera de
même cette année très probablement poul–
ies chefs chrétiens des villages de G . B .
et V . à l'occasion de l'attaque des tribus,
qui a lieu depuis un mois.
Vo i c i les noms des tribus et ceux des
chefs: C. K . , chef-agha de la tribu de B .
de L . ; son adversaire est P . D . , chef de
la tribu J . de B . ; jusqu'aujourd'hui cinq
à six personnes sont tuées de l'une et de
l'autre tribu. On raconte que les cam–
pagnes chrétiennes, H . et B . sont pillées
par P . , et les campagnes E . et G . par C.
Pendant les attaques de ces tribus, les
campagnes arméniennes passent des
heures d'agonie inimaginables ; elles sont
obligées de nourrir des centaines de
bandes qui sont en lutte et de leur don–
ner l'hospitalité ; ces tribus, quand elles
n'ont pas les facilités de s'attaquer l'une
l'autre, pillent les campagnes chrétiennes.
Toutes ces tribus kurdes possèdent toutes
sortes de fusils. Les cheiks, le gouverne–
ment, malgré leurs efforts pour réconci–
lier ces tribus, ne purent arriver à leur
but ; ils ne sont que de simples spectateurs
de leurs luttes.
Les susdits aghas-beys sont maîtres
dans leurs circonscriptions, de leurs su–
jets, chrétiens-arméniens, de leur vie, de
leurs biens et de leur honneur. Ils peu–
vent demander autant d'argent qu'ils dé–
sirent de leurs sujets ; celui qui ne donne
pas, paye de sa vie ; i l n'y a aucun autre
remède et moyen tant est absolue la dé–
cision des aghas.
Vo i c i deux exemples de faits qui ont eu
lieu dernièrement dans notre paroisse ; le
premier à H . , le second à D .
i° L'agha de la campagne de II. K . ,
près de la campagne de C , à une distance
de deux heures de l a campagne de V . , où
réside le kaïmakam, demande une fois
au prêtre J.,de la campagne de C , située
dans la petite province de H . à R. , une
somme de trois cents piastres et une autre
fois une somme de deux cents piastres.
Le pauvre prêtre déclare qu'il est l u i -
même excessivement pauvre et qu'il ne
pouvait payer; i l l u i rappelle que la cam–
pagne de C. était bien florissante huit ou
dix années auparavant, renfermant cin–
quante à soixante maisons, et qu'aujour–
d'hui i l n'en restait que quatre ou c i nq ;
i l l u i dit qu'il avait eu les moyens dans
ce temps-là, et qu'il avait déjà souvent
payé, etc. L'agha, appelé B
1
.,
fils de B . ,
l u i fait des menaces et s'en va ; quelques
jours après, le
24
mai, le jeudi,vers l'aube,
le frère cadet de F . , avec trois hommes
armés, assaille la maison du prêtre ; i l
tire deux coups de feu qui atteignent mor–
tellement à la poitrine N . , âgé de vingt-
cinq à trente ans, fils de J . ; le prêtre
arrive à se sauver, les coups ne l'ayant
pas atteint.
J ' a i présenté l'affaire au mutessarif-
pacha ; mais on ne donna aucune suite à
l'incident...
2
0
L'Arménien appelé B . D . de l a cam–
pagne de G . située dans la petite province
de B . à R., le
1
e1
'
j u i n dans la journée,
qu'il travaillait dans son champ avec ses
trois bœufs, à une distance d'une demi-
heure de l a campagne ; quelques Kurdes
arrivés de la campagne de Kagh située à
une distance de deux heures de K i k a n ,
viennent l'assaillir et après l u i avoir passé
la corde au cou, le tuent et on l u i enlève
ses trois bœufs. Ses proches parents
n'ayant pas encore protesté, le cadavre
n'est pas inhumé ; les malheureux Armé–
niens pensant que leurs protestations non
seulement seraient vaines, mais encore
qu'ils seraient obligés de faire de grandes
dépenses pour payer les fonctionnaires
chargés de l'examen du cadavre et
d'autres dépenses injustes pour les t r i –
bunaux, gardent le silence et ne font
aucune réclamation et protestation,
surtout qu'ils n'osent pas indiquer le c r i –
minel véritable, et l'accuser, car ils ris–
queraient ainsi leur propre vie.
(
A
suivre.)
L-
E T T R
ES
D E B I T L I S E T D E V A N
L E T T R E D E U I T L I S
23
juillet.
Nous avions déjà écrit dans notre*précé–
dente lettre au sujet de l'assassinat de Mel-
kon, (ils du prêtre Ter Hovhannès, du village
de Bara. Ter Hovhannès, après l'assassinat
de son lils, ne pouvant résister aux tyrannies
des Kurdes, abandonne le village aux Kurdes
et s'en va .ailleurs. Le Turc qui avait assas-
Fonds A.R.A.M