do r i c o l o r » , c omme disaient les v i eux
latins.
E U G È N E D E
R O B E R T Y .
LA QUINZAINE
L e même j o u r , par mesure de symé –
trie d i p l oma t i que , M . Constans r e n –
trera à Constantinople et Mu n i r bey,
mu n i d ' un maigre v i a t i que de c i n –
quante mi l l e francs, r ep r end r a pos–
session de l'ambassade ottomane à
P a r i s .
Que l a mi s s i on de c e l u i - c i do i ve
être désormais longue ou courte peu
impo r t e ; l ' o p i n i o n de M . P a u l C amb o n
q u i priait M . Gab r i e l Hano t aux de
n'ajouter aucune foi aux paroles, de
Mu n i r est devenue t ard i vement celle
du gouvernement français, et trop de
communiqués officieux ont, pendant
la crise, discrédité le représentant de
H a m i d et les moucha r ds à sa suite
p ou r que les personnes même q u i
l'ont si congrûment déshonoré l u i
puissent témoigner à l'avenir l a m o i n –
dre confiance apparente ou s imp l e –
ment l a plus froide politesse.
M . Constans était arrivé naguère à
Cons t ant i nop l e avec une réputation
légendaire et en partie usurpée de
«
v i eux f o rban » qu i le désignait à l a
faveur d ' A b - u l - Ham i d c omme u n m o –
deste émule, selon les extraordinaires
propos de feu Félix Fau r e .
C'était à l a fois l'ogre pa r l a férocité
et, par l a belle hume u r avisée et u n
peu c yn i que , Sancho Pança, d i p l o –
mate, c omme on sait, b i en supérieur
à D o n Quichotte.
Il siérait cependant que des i n s t r u c –
tions l u i eussent été données avant
son dépari, u n peu différentes de celles
q u ' i l paraît avo i r reçues dans le passé,
soit q u ' i l les ait alors sollicitées l u i -
même, soit que contre son gré i l ait
dû entreprendre des démarches q u ' i l
désapprouvait et accepter l ' humi l i an t e
tutelle d'une ambassade étrangère.
S i le vote sur la priorité de l ' o rdr e du
j o u r Sembat avait laissé quelque doute
au gouvernement français sur les sen–
timents réels de l a Chamb r e , la récente
entrevue de M . le Mi n i s t r e des affaires
étrangères avec M M . d'Estournelles,
Deny s Co c h i n et Ma r c e l Sembat les a
dissipés. Tr o i s homme s , que tout d i –
vise, se sont trouvés d ' ac cord pour
déclarer que l'impunité accordée au
Sultan avait trop duré et q u ' i l était
temps par une entente avec les p u i s –
sances de rappeler H a m i d au respect
de ses engagements, n o n seulement
envers ses créanciers, mais aussi e n –
vers l ' Eu r o p e e l l'humanité.
Il est impos s i b l e que le Mi n i s t r e
n'ait tenu au c un compte de cette dé –
ma r che et i l se sera trouvé au contraire
d'autant plus fort pour i nv i t e r M . Cons –
tans à faire connaître au Sultan le
sentiment unan ime des députés f r a n –
çais. M . Gab r i e l Hano t aux lui-même,
b i e n que c omp l i c e de l a Rête, se crut
obligé dans des circonstances analogues
de faire avertir H a m i d par M . C amb o n
et dans sa dépêche du 4 novembr e 1896
i l soulignait l a phrase :
Quon ne verse
plus une goutte de sang.
Très pr o cha i nemen t , soit à pr opos
de l a question d ' Es t ou r ne l l e s , soit
quand sera discutée l ' i n t e rpe l l a t i on
Rouane t , M . Delcassé ne manque r a
pas de dire quelles décisions i l a prises
pour se c on f o rme r à u n désir d ' huma –
nité, de justice et même de réelle sa –
gesse pratique s i nettement exprimé.
Certesles héritiers L o r a n d o e t M . T u b i n i
ont reçu des promesses de paiement
et quelques satisfactions ont été accor–
dées pour les écoles d'Orient ; mais on
tue toujours en Arménie, pu i sque c'est
Uétat normal
en ce pays et i l faut p r é –
cisément que cet état n o rma l d i s p a –
raisse.
H a m i d lui-même semble v ou l o i r
donne r prétexte à de nouve l l es récla–
mations par de nouvelles insolences :
i l s'oppose, par u n o rdr e personnel
envoyé en son n om à Tewf l k pacha , au
retour d u second stationnaire français
q u i avait passé les Dardane l l e s p ou r
faire des manœuvres dans l a me r
Egée ; i l refuse le firman nécessaire
p ou r que l a
Mouette
traverse le détroit
et rentre ainsi à Constantinople. I l faut
se souven i r des longues négociations
auxquelles donna lieu le doub l ement
des stationnaires, si longues et si c o m –
pliquées que l a Russie faillit renoncer
à l a pr opo s i t i on suggérée pa r son p r o –
pre ambassadeur . I l faut se s ouven i r
qu'alors les ambassadeurs déclarèrent
dans une note collective qu ' « au doub l e
point de vue de l a sécurité des co l o –
nies européennes à Constantinople et
de l a dignité des puissances, i l y avait
lieu d'exiger l a délivrance des firmans
pour l'entrée de nouveaux s t a t i on –
naires en fixant u n délai par l eque l
des mesures seraient prises pour assu–
rer l'exécution d ' un droit strictement
r e c onnu par les traités. »
Il n'est pas j u s qu ' au changement
de g r and - v i z i r q u i ne permette de
r epr endr e avec l a Po r t e une c onve r –
sation c ommi na t o i r e . Ha l i l -R i f f aa t ,
qu i vient de mo u r i r , était, aux ma i ns
de son maître, une sénile marionnette
irresponsable. Saïd pacha , qu i c ommi t
autrefois l ' i nexp i ab l e faute de faire
passer tout le pouv o i r de l a Po r t e au
Pa l a i s , a c o nnu , par son expérience
personnelle, le danger de l a situation
q u ' i l avait créée. Le s massacres furent
organisés, malgré l u i , q u a nd i l était
g r and - v i z i r et i l encourut l a disgrâce
de H a m i d pour avo i r refusé de l u i
l i v r e r l ' o r i g i na l des dépêches échan–
gées entre l a Po r t e et les Ambas sades
européennes. P l u s tard même , injurié,
traité de c h i en , fils de c h i en , et d'âne,
fils d'âne, et giflé c omme u n enfant
par son souverain dont i l refusait de
devenir à nouveau le conseiller et
l ' i nvo l ont a i r e c omp l i c e , i l n'échappa
à l a mo r t qu ' en se réfugiant à l ' am –
bassade d'Angleterre.
A en c ro i re les dépêches, Saïd pacha
essaierait de rétablir dans l eur autorité
ancienne le g r and - v i z i r a t et l a Sub l ime
Po r t e . I l faudrait profiter de ces pr e –
mières heures pour obt en i r de l u i non
des promesses, ma i s des satisfactions,
avant qu ' un autre caprice de H a m i d
ne le rejette derechef dans le néant.
Avan t peu , nous connaîtrons les
intentions d u gouvernement français.
Puissent-elles démentir Tanière plainte
du chant arménien : l a plainte ac cusa –
trice contre l a d i p l oma t i e européenne :
C'est a s s e z ; v o u s p l e u r e z en v a i n
:1
e
d e u i l
[
est i n u t i l e .
E t v o u s , t o m b e a u x n o i r s des A r m é n i e n s en
[
deuil.
Re t o u r n e z - v o u s une fois et v o y e z
D'où est v e n u ce d é s a s t r e ;
Fonds A.R.A.M