D E U X I È M E A N N É E .
N °
i .
Le numéro : France, 4 0 cent. — Etranger : 5 0 cent.
a5 N O V E M B R E
1901
Pro Armen i a
Rédacteur en chef :
P i e r r e
Q U I L L A R D
Adresser
tout ce ïui concerne la direction
à M. Pierre Quillard
Î O , r u e N o l l e t ,
P a r i s
A B O N N E M E N T S :
France . . . . . .
8 »
Étranger
10 »
paraissant le 10 et le 25 de chaque mois
C O M I T É D E
R É D A C T I O N :
G . Cl emenceau, Anatole France , Jean Jaurès
Secrétaire de rédaction
J e a n
L O N G U E T
Vendredi
de i l n. à midi,
17,
rue Cujas
Franc i s de Pressensé, E . de Rober ty
Pro
Armenia
est en vente chez les l i b r a i r e s et d a n s les p r i n c i p a u x k i o s q u e s de
P a r i s
ADMINISTRATION :
Société nouvelle de Librairie
et d'Édition
(
Librairie G. BELLAIS)
1 7 ,
r u e C u j a s , P A R I S
TÉLÉPHONE : 801-04
S O M M A I R E
Pro h P u d o r !
E .
de l t o b e r t y .
L a Quinzaine
P i e r r e Q u i l l a r d .
Le parti socialiste et les
massacres d'Arménie.
Lettre au Parlement fran–
çais
I s m a ï l K e m a l b e y
Correspondance
pendant
les années 1899, 1900, et
1 9
0 1
U n v i c a i r e d u p a –
t r i a r c a t .
Lettres de Bitlis et de V a n
Nous prions
ceux de nos abonnés
dont
Vabonnement
expire
avec
le présent
nu–
méro,
de nous faire
parvenir
au plus
tôt
le montant
de leur abonnement
pour
Van–
née nouvelle,
afin d'éviter
tout retard
dans
l'envoi
du
journal.
PROH PUDORI
Pendant quelques jours, o n a pu
follement c r o i r e que l a force, s'ap-
puyant de prétextes à peine avouables,
se mettait au service d u droit. Oc c u –
pation de Mitylène. Très vite, i l a fallu
déchanter.
Une fois de p l us , le droit a dû r e –
connaître l a profonde vanité, pour ne
pas dire l ' impa r d onnab l e sottise, de
son amb i t i o n outrancière. L u i , c om–
mander à l a force, quelle puérilité!
Pour se faire obéir, i l faut être le maî–
tre, —ce parangon du b o n sens, M . de
la Pa l i c e , nous l'atteste.
Mais qu'est-ce à d i r e ? Qu ' o n l a
nomme dr o i t , b i e n , ve r tu , ou i n j us –
tice, ma l , vice, la
force morale
ne
prend-elle pas, dans l ' impe c cab l e
hiérarchie des forces naturelles, le
rang le plus élevé? E t à_ ce titre, dans
l'histoire v r a imen t huma i n e , ne d i s -
pose-t-elle pas toujours des simples
forces phys i ques et physiologiques?
Ou i , et sans n u l doute. Ma l h e u r e u –
sement, les faiseurs de phrases v i b r a n –
tes sur le droit piétiné pa r l a force, et
le pub l i c qu i les écoute o u les l i t , c on –
fondent sans cesse les idées les plus
disparates. Ne précisant j ama i s l eur
pensée, ils font le j eu de leurs adv e r –
saires.
Opposer le droit a. force est u n pu r
enfantillage, u n
lapsus calami
q u ' un
écrivain mode rne eût dû se faire une
régie d'éviter. L a vérité est à l a fois
plus s imp l e et p l us consolante. Dans
la plus rud imen t a i r e ou l a plus triste
des sociétés huma i ne s , le dr o i t , l a force
mo r a l e , l'idée p r ime déjà et gouverne
tous les aspects de la force phy s i que .
E t l a flotte revenue de Mitylène,
embarquant de louches piastres, et
jetant par-dessus b o r d de précieuses
existences d ' homme s , de femmes et
d'enfants, a été l a servante soumise
de l'Idée. E l l e a été le soldat du D r o i t
tel que le conçoivent encore des m i l –
l i ons d'esprils, tel q u ' i l se répercute
encore dans des mi l l i on s de c ons c i en –
ces, tel que l ' app l i quent , tous les j o u r s ,
et à toute occasion, les chefs, les b e r –
gers, les mandataires et les élus de
ces troupeaux compacts, de ces foules
obscures, de ces majorités anonyme s
et irresponsables.
Au s s i , n'est-ce pas contre l a force
indifférente, n i contre l a lutte, même
meurtrière, que nous devons p r end r e
notre élan, que nous devons bande r
nos muscles, nos nerfs, nos désirs et
nos volontés. Ne soyons pas dupes des
mots et des formes, des apparences
passagères des choses. Au j o u r d ' h u i ,
ce n'est pas tant l a v i o l enc e
en soi,
que
certaines croyances, que certains d o g –
mes profondément ancrés dans les
cerveaux, que nous devons détester et
combattre. Contre le droit anc i en , des
élites déjà nombreuses quoique épar-
ses dans le monde , ont dressé le droit
nouveau . Ce l u i - c i ne c ommande pas
aux armées et aux flottes de guerre.
Ses partisans prétendent même que
le j o u r où i l pour r a i t s'en faire obéir,
le v i e i l outillage des temps barbares
aur a , de fait, cessé d'exister. Ma i s
qu ' impo r t e ? Sous une autre f o rme , l a
force matérielle, toule la force maté–
rielle, ne restera-t-elle pas aux ordres
de l'Idée victorieuse et souveraine ?
Désagrégeons les majorités p l us
malheureuses encore
qu'imbéciles
q u i croient pouv o i r assurer l eur salut
pe r s onne l par l'holocauste d ' au t r u i ,
par le v a i n et c rue l sacrifice des
Ch r i s t - i nd i v i du s ou des Christ-peuples
et races. Fa i s ons - l eu r honte d ' un tel
atavisme, aussi i nc ons c i ent qu'abject.
Soulevons-les contre eux-mêmes. L a
cause sacrée de l'Arménie ne saurait
être efficacement plaidée devant l ' E u –
rope que si celle-ci retrouve « le rouge
de l a pud eu r » qu'elle semble avo i r
perdue, que s i , rajeunissant sous l ' i n –
fluence des nouvelles idée sociales et
d u dr o i t nouv eau , elle redevient « p u -
Fonds A.R.A.M