maisons arméniennes. Après l'événement,
Husseïne bey, de Takour, qui est un kaïma–
kam hamidié, par diverses violences, y
fit habiter plus de soixante familles kurdes
et ayant enlevé aux Arméniens leurs immeu–
bles, les donna aux Kurdes. Aujourd'hui il
n'existe plus que trente maisons armé–
niennes.
Les vexations du susdit bey ont tellement
dépassé la mesure que les pauvres Armé–
niens, ne pouvant plus résister, ont fait des
démarches auprès du vali de Van et lui ont
demandé de leur permettre d'abandonner
leurs foyers, leurs champs et leurs prairies
et d'immigrer à Van. Le gouverneur a télé–
graphié au kaïmakam, mais Husseïne bey
s'oppose et ne les laisse pas; i l a ses rai–
sons. Husseïne bey retire d'énormes prolits
des susdits Arméniens ; ce sont les Armé–
niens qui font toutes ses semailles, mois–
sonnent les champs et gardent ses troupeaux.
11
emploie tous les Arméniens du village,
hommes, femmes, enfants, comme des bêtes.
Il fait construire une caserne sur une colline
pour sa protection. Des femmes arméniennes,
portant de l'eau à une distance d'une demi-
heure préparent les briques et lemorticrpour
la bâtisse. Aucun paysan n'a le droit de la–
bourer son champ, ensemencer, moissonner,
sans avoir accompli, auparavant, les mêmes
tâches pour le compte du bey ; c'est un dé–
bauché de premier ordre ; malheur à la femme
arménienne qui plaît aux yeux du bey ; le
soir, elle est amenée au château, dans le
harem du bey, pour y passer une nuit ; il a
trente-cinq ans et a deux femmes. Dernière–
ment, le i
c r
juin, Movsès et Sahak, de vingt-
cinq et de quinze ans, deux frères du même
village, furent tués dans leur moulin par les
hommes du bey. Les soldats qui gardent les
frontières, le kaïmakam, même le vali, sont
persuadés que c'est le bey qui les a fait tuer,
mais personne n'ose le saisir par le collet;
comme le cousin des susdits jeunes gens,
Mourad, est parti pour la Russie et y est
marié, le bey a cru nécessaire cet assassinat
pour empêcher aussi l'émigration des susdits
frères. Le pauvre peuple, après avoir aban–
donné son foyer, le cimetière de ses aïeux,
son église, ses biens, ne peut encore se sauver
de ses mains.
Un Arménien de Boulanik, de retour de
Russie, fut arrêté le 8 juillet, et on trouve
sur lui un revolver et une épée à deux tran–
chants. Le susdit jeune homme, qui s'appelle
Samouël et a à peine vingt-deux ans, avait
pris ces armes pour la sûreté de son voyage;
on l'a emprisonné comme fédaï après lui
avoir fait subir mille tortures. Jeudi passé,
la nuit, l'ayant retiré de sa prison en ca–
chette, on l'amène à la caserne, et deux
commissaires, Féhim et Suleyman, le tortu–
rent sans pitié jusqu'au malin. On casse sur
lai deux grosses cannes et on l'oblige de
force d'avouer qu'il est un fédaï et qu'il a des
camarades. Le pauvre jeune homme, qui est
arrivé à Van il y a à peine deux jours, insiste
en vain qu'il n'est' pas un fédaï et qu'il n'a
pas de camarades. On le reconduit en prison
moitié mort; nous ne savons pas encore ce
qu'il est devenu.
L E T T R E D E S M Y R N E
Smy r n e ,
10
septembre
1901.
Depuis quelques jours on raconte que le
gouvernement du vilayet s'occupe de perce–
voir les impôts avec une rapidité incroyable.
On réclame les arriérés de vingt années d'im–
pôts et on impose au peuple des charges
inimaginables. Tout, jusqu'aux plus petits
vases en cuivre de beaucoup de villages est
vendu, et maintenant on emploie des vases
en argile. L a situation générale est terrible
et extraordinaire. Avec tout cela, dans beau–
coup d'endroits, i l y a aussi un malheur
exceptionnel, c'est-à-dire que les habitants
sont soumis à la surveillance d'un filou, une
sangsue, qui a la police des villages.
Voici un incident, qui a eu lieu, i l y a un
mois, à quelques heures de notre endroit, à
Pergame, et à une distance d'une heure et
demie, dans le port de Déguéli. Le chef de la
police de Déguéli, connu par ses méfaits, ses
crimes et ses vexations, fait enfin perdre pa–
tience aux habitants qui protestent au vali
de l'endroit, qui, ne pouvant résister aux
protestations, télégraphie au chef du village
de Pergame ponr qu'il aille faire un examen
sur place et lui en envoyer le rapport. Le
chef du village de Pergame, arrivant à Dé–
guéli, passe la nuit chez un commerçant grec
qu'il connaissait déjà et qui était aussi un
des adversaires du chef de la police de Dé–
guéli. Il est évident que cela ne pouvait pas
plaire au chef de la police de Déguéli, qui
pense non seulement à tendre un piège aux
chrétiens, ses adversaires, mais aussi au chef
du village de Pergame qui avait fonction de
l'interroger.
Le lendemain, le chef du village, selon sa
l'onction, invite le chef de la police à se pré–
senter devant lui pour donner des explica–
tions au sujet de quelques questions, mais ce
dernier s'y refuse. Par conséquent, le chef du
village, après avoir examiné l'affaire par des
témoins à charge et à décharge, fait un rap–
port au vali d'ici. Celui-ci ordonne la révo–
cation du chef de la police, qui, ayant déjà
bien formé son plan, demande à examiner les
motifs de sa révocation, objectant en même
temps, que comme les chrétiens, ses adver–
saires, le chef du village de Pergame, sont
des gens hostiles au gouvernement, et en
donne la preuve parce que le chef du village
aurait fait celte déclaration aux chrétiens :
«
Oh ! quand vivrons-nous en liberté?... »
Ceciaété déjà suffisant, non seulement pour
le laisser en fonclion, mais encore de faire
regarder ses adversaires comme des gens
suspects. C'est ainsi que le chef du village de
Pergame est aussitôt disgracié et envoyé à
Constantinople, et le commerçant grec qui
lui avait donné l'hospitalité à Déguéli, et un
Arménien, Djivan effendi Moroukan, qui
avait été avec le chef du village, sont arrêtés
et amenés sous surveillance à Smyrne où ils
restent quelques jours et ensuite envoyés en
exil, on ne sait où et pour combien d'années.
CHRÉTIENS ET MU S U L MA N S
Par
L.
D E
C O N T E N S O N
U n volume in
-18,
chez Pion et Nourrit
NOUVELLES D'ORIENT
E N
M A C É D O I N E E T E N
V I E I L L E - S E R B I E .
—
Tandis que des personnages bulgares
importants déclarent « que l a tranquillité
ne se rétablira pas en Macédoine tant que
le gouvernement turc n'y fera pas les ré–
formes promises par le traité de Berlin »,
les conflits sanglants Continuent entre
les bandes révolutionnaires et les troupes
turques. A TJganatz, au commencement
du mois, bataille, plusieurs tués et blessés.
A Grodzko, station de chemin de fer entre
Uskub et Salonique, autre rencontre ; i l
y aurait eu dix Bulgares de tués et un
grand nombre de blessés. La ligne d'Uskub-
Salonique est surveillée par des patrôiïiU
les et gardée par des troupes à poste fixe.
E n Vieille-Serbie, les trois mille réfu–
giés de Kolaschin ne sont rentrés qu'en
très petit nombre. Cependant leur entre–
tien coûte fort cher au gouvernement
serbe qui les a installés dans les districts-
frontières de Javor et de Raschka. Mais
les quelques malheureux qui ont eu l ' im–
prudence de rentrer en se fiant à Tirade
de Hami d , qui les amnistie d'avoir été
torturés et pillés, ont été aussitôt jetés en
prison.
On comprend ensuite que dans son
discours du trône, le roi Alexandre ait
parlé de ses bonnes relations avec le
Sultan et loue la magnanimité de celui-ci:
c'est désormais l'euphémisme en usage
dans les cours pour désigner l'Assassin
et l a Bête elle-même ne se méprend plus
au sens des mots magnanimité, bonté,
bienveillance, appliqués à sa personnne,
pas plus qu'aux nouvelles où on parle de
sa bonne santé toujours plus florissante.
U N E L E T T R E D E B O R I S S A R A F O F F .
—
On
lit dans le
Temps :
Monsieur le Directeur,
Un certain nombre de journaux de tous
les pays m'ont accusé de complicité dans
l'enlèvement de miss Ellen Stone. On a
même prétendu que je suis, à l'heure actuelle,
à la tête de la bande qui détient captive la
missionnaire américaine.
J'oppose à toutes ces accusations le
démenti le plus formel et le plus catégo–
rique.
Je n'ai aucune attache avec les ravisseurs
de miss Stone.
Je ne sais pas ce qu'ils sont. Quelque
temps après mon acquittement par le jury
de Sofia, je me retirai à l'étranger. Depuis
un mois je suis à Paris. J'y vis dans une
retraite absolue. Je ne serais pas sorti du
silence que je me suis imposé, si les accu–
sations dont je suis l'objet ne se renouve–
laient constamment avec un déplorable parti
pris.
Je serais heureux si ces déclarations nettes
et précises mettaient fin à une légende ré-
Fonds A.R.A.M