i n f a i l l i b l emen t si le régime actuel c on –
tinue ; et il enest de même p ou r la Macé–
do i ne . Personne ne songe à substituer
l'hégémonie d'une race n i d'une r e l i g i on
à l'hégémonie mu s u lmane et turque ,
mais b i en à établir l'égalité réelle de
toutes les races et d ' abo rd à sauvegar–
der les droits les plus élémentaires des
Arméniens à l a v i e , à la liberté, à l ' h o n –
n e u r ; et le peuple turc lui-même n ' a
qu'à gagner à l'exécution loyale des
traités.
Pu i sque les plus honnêtes et les
mi e u x intentionnés des Ottomans ne
peuvent pas pa r leur seule force d é –
t ru i r e l a t y rann i e hami d i enne , i l faut
b i en que le salut vienne d u dehors.
Beauc oup d'entre eux et n o n les mo i ns
clairvoyants pensent ainsi et Ismaïl-
K e m a l bey a exprimé l eur o p i n i o n
dans une lettre que nous pub l i ons p l us
l o i n , mais dont i l faut mettre en l u –
mière le passage cap i t a l :
C'est la France qui a eu l'insigne hon–
neur de rompre les relations, non pas avec
la Turqu i e , mais avec Abd-ul-Hamid
qui depuis un quart de siècle se sert de
tous les instruments administratifs et po–
litiques que la couronne l u i procure pour
détruire son pays et pour opprimer ses
sujets. Nous, les Ottomans, nous applau–
dissons sans exception l'heureuse initia–
tive de la République française, à laquelle
nous nous attachons de cœur et d'âme
pour la seconder dans son action de coer–
cition contre le régime de la terreur et de
la ruse. Nous sommes prêts à accepter
tout compromis qui viserait à établir à
Constantinople un gouvernement honnête
et humain, capable de garantir les bons
rapports avec les nations étrangères et
d'apprécier la valeur des engagements i n –
ternationaux ; d'installer en outre dans les
provinces une administration répondant
aux aspirations légitimes des différents
peuples et procurant aux individus la
jouissance de l a liberté individuelle et du
droit de l'initiative privée.
Imaïl-Kemal bey connaît mi eux que
personne l'état réel de l a Tu r q u i e . I l
est mu s u l ma n et fut longtemps sujet
fidèle ; c omme tel i l a souvent averti
le fou d ' Y l d i z des catastrophes où le
précipitait sa démence homi c i d e .
Ma i n t enan t , n o n sans une secrète ame r –
tume et une grande tristesse, i l se r e –
fuse à encourager désormais pa r une
appr oba t i on même indirecte et i n c on s –
ciente l a résistance de l a Bête. I l sait
b i en que si des navires français forcent
les Dardane l l es , n o n pour toucher des
créances, ma i s pour faire payer l a dette
du sang versé, seul H a m i d tremblera
dans sa peau d'assassin ; et du haut
des mura i l l e s croulantes des Sept Tou r s
à la Po i n t e du Sérail, le peuple de
S t amb o u l , Tu r c s , Arméniens, Pe r sans ,
Hellènes, saluera au large de l a P r o -
pontide la venue de la flotte libératrice.
P I E R R E
Q U I L L A R D .
UNE L E T T R E D'ISMÂIL-KÉMAL
On l i t dans le
Matin
:
Bruxelles,
26
septembre
1901.
M
Monsieur le rédacteur,
La visite de l'empereur de Russie à la
France n'est pas une de ces banales cour–
toisies qui se répètent si souvent entre les
souverains de l'Europe. Le plus puissant des
souverains de la terre serre la main à la plus
brillante des Républiques. Cette fraternité
entre l'absolutisme et la démocratie consti–
tue en elle-même un de ces faits remarqua–
bles qu'on ne rencontre pas dans l'histoire
politique des nations. Au commencement du
siècle passé, te tsar Alexandre I
E R
vint en
France à la tête de l'armée des alliés pour
extirper le germe de la Révolution française;
à l'aube du siècle présent, c'est le tsar Nico–
las
I I qui y vient en ami, en allié de cette
grande nation, toujours oublieuse des injures
passées, toujours prête à se lancer dans de
nobles entreprises pour le bien et le progrès
de l'humanité.
Le séjour du grand autocrate parmi les
marins, les soldats et les citoyens français,
est la consécration de la grande Révolution;
l'extrême urbanité de ces derniers envers
leur auguste hôte proclame la laïcisation du
droit divin. Ce que les grands patriotes de la
première République, les grands capitaines,
les grands empereurs et rois des Français
n'ont pu obtenir par tant de sacrifices, tant
de conquêtes, les hommes simples mais dé–
voués et sincères de la troisième République
l'ont réalisé. La France, sous la véritable
forme, est assise solidement parmi les gran–
des nations et, du haut de sa grandeur, elle
est libre d'exercer son influence bienfaisante
sur le sort de l'humanité. Les hommes d'Etat
de la République peuvent en être tiers, et
ceux qui voudraient profiter de la grandeur
de la France sont les premiers à s.'en félici-
'
ter.
Nous autres Orientaux, sans distinction de
race ni de religion, nous sentons, entre tous,
l'effet salutaire de cette situation politique de
la France; nous fondons tous notre espoir en
son désintéressement et son esprit de jus–
tice. Son attitude envers celui qui, par les
méfaits les plus abominables, souille et les
siècles les plus éclairés et les pays les plus
sacrés, nous fait entrevoir l'inauguration
d'une ère de justice pour les malheureux
peuples de l'Orient.
C'est la France qui a eu l'insigne honneur
de rompre les relations politiques, non pas
avec la Turquie, mais avec Abd-ul-Hamid
qui, depuis un quart de siècle, se sert de
tous les instruments administratifs et politi–
ques que la couronne lui procure pour dé–
truire son pays et pour opprimer ses sujets.
Nous, les Ottomans, nous applaudissons,
sans exception, l'heureuse initiative de la
République française, à laquelle nous nous
attachons de cœur et d'âme pour la seconder
dans son action de coercition contre le ré–
gime de la terreur et de la ruse. Nous som–
mes prêts à accepter tout compromis qui
viserait à établir à Constantinople un gou–
vernement honnête et humain, capable de
garantir les bons rapports avec les nations
étrangères et d'apprécier la valeur des enga-
gagements internationaux; d'installer, en
outre, dans les provinces, une administration
répondant aux aspirations légitimes des dif–
férents peuples, et procurant aux individus
la jouissance de la liberté individuelle et du
droit de l'initiative privée.
Nous aimons à espérer que le fruit immé–
diat de l'alliance si solennellement proclamée
entre la République libérale et l'Autocrate
juste et pacifique, sera le rétablissement de
l'ordre et de la justice parmi les peuples de
l'Orient, qui demeurent sous l'oppression
d'un caprice sans nom et sans précédent,
ainsi que la disparition de la seule tache
noire qui menace continuellement l'horizon
serein de l'Europe.
L'initiative que la France a prise dans un
ordre purement humanitaire appuyée par
son auguste allié dont le cœur est plein d'a–
mour pour la justice et la paix, ne saurait
rencontrer que l'approbation unanime de
toutes les puissances civilisées et la recon–
naissance éternelle de tous les peuples déshé–
rités et abandonnés si longtemps au plus
odieux des régimes.
Agréez, je vous prie, monsieur le rédacteur,
l'expression de mes sentiments très distin–
gués.
I S M A I L
K É M A L .
C O R R E S P O N D A N C E
d'un vicaire du Patriarcat pendant
les années 1899, 1900 et 1901
E X T R A I T D U R A P P O R T D U
6
N O V E M B R E
1899
Vo i c i les impressions et les renseigne–
ments recueillis pendant ma tournée
d'inspection pastorale.
J'ai visité, j ' a i vu de mes propres yeux
et j ' a i pleuré sur la misère de notre pau–
vre peuple sans protection... Et jusqu'à
présent, je me repens, et je me dis tou–
jours: n'aurait-il pas mieux valu ne pas
visiter ma paroisse et ne pas voir l a triste
situation du peuple?... Le nombre des
Fonds A.R.A.M