mal profond, mais bien exiger l'exécu–
        
        
          tion de traités, jamais observés, et de
        
        
          promesses mensongères qui n'ont pas
        
        
          été tenues. Une occasion excellente
        
        
          s'offre en ce moment : en exécution
        
        
          des décisions prises par le Congrès de
        
        
          la Paix, le bureau international de la
        
        
          Paix vient d'adresser de Berne un mé –
        
        
          moire aux gouvernements européens,
        
        
          et leur demande de faire exécuter les
        
        
          clauses du traité de Berlin concernant
        
        
          les Arméniens, sujets turcs, comme
        
        
          c'est leur droit et leur devoir.
        
        
          C'est à quoi i l faudra aboutir un
        
        
          jour : i l serait mieux que ce jour fût
        
        
          prochain ; sinon les puissances ris*
        
        
          queraient de pacifier trop tard une
        
        
          Arménie exclusivement peuplée de
        
        
          tombes.
        
        
          
            PIERRE QUILLARD.
          
        
        
          
            le Conseil patriarcal arménien
          
        
        
          Le conseil patriarcal a rmé n i e n a sus–
        
        
          pendu ses séances, en alléguant que le
        
        
          mépris systématique de l a Porte pour ses
        
        
          requêtes le rendait impuissant.
        
        
          Il n'est, en effet, humiliations qu i ne
        
        
          lui aient été infligées par l'insolent des–
        
        
          potisme du Sultan, qui fit perquisitionner
        
        
          à Koum-Kapou, dans le local même des
        
        
          séances.
        
        
          Aussi bien le conseil mixte compte, en–
        
        
          tre autres, parmi ses membres, des per–
        
        
          sonnages qui n'ont guère qualité pour re–
        
        
          présenter leur nation, et seraient plutôt
        
        
          portés à l a trahir. De ce nombre est
        
        
          A r t i n pacha Dadian, sous-secrétaire du
        
        
          ministère ottoman des affaires étran–
        
        
          gères : i l n'a point de louches que les yeux
        
        
          et c'est une étrange duplicité que d'être
        
        
          l'un des plus fidèles serviteurs de l'Assas–
        
        
          sin et le mandataire des victimes.
        
        
          Chaque fois qu'Abd-ul-Hamid essaie
        
        
          d'endormir l a vigilance et l'activité des
        
        
          comités a rmén i en s résidant en Europe,
        
        
          c'est un parent ou une créature d ' Ar t i n
        
        
          pacha qui sert d'intermédiaire. On con–
        
        
          naît de l u i une correspondance avec le
        
        
          comité de Genève, qui égale en impu–
        
        
          dent cynisme l a correspondance d'Euver-
        
        
          bey, gouverneur de Péra, avec le comité
        
        
          central de Paris, publiée l'an dernier par
        
        
          la
        
        
          
            
              Revue de Paris.
            
          
        
        
          Nous en donnerons un court extrait qui
        
        
          fera juger du ton général et permettra
        
        
          d'apprécier le caractère de l'auteur :
        
        
          Je dis franchement que la liberté et la
        
        
          tranquillité ont été depuis de longs siècles
        
        
          assurées aux Arméniens de Turquie, et que
        
        
          S. M . I. le Sultan a, en différentes occasions,
        
        
          témoigné à moi et à S. B. le Patriarche de
        
        
          ses bonnes dispositions envers la nation
        
        
          arménienne. Nous avons déjà été témoins
        
        
          des ordres qu'il a donnés et qu'il ne cesse de
        
        
          donner aux ministres et aux valis, leur en–
        
        
          joignant de ne pas laisser molester le mal–
        
        
          heureux peuple arménien
        
        
          
            A R T I N D A D I A N .
          
        
        
          Cette lettre est datée de Constantino–
        
        
          ple,
        
        
          
            14
          
        
        
          
            /26
          
        
        
          novembre
        
        
          
            1898.
          
        
        
          Elle est donc
        
        
          postérieure aux grandes tueries et émane
        
        
          d'un homme qui a pu voir de ses propres
        
        
          yeux couler le sang a rmén i en dans les
        
        
          rues de Constantinople et emporter dans
        
        
          des tombereaux au cimetière de Pancaldi
        
        
          les cadavres à peine refroidis de ses com–
        
        
          patriotes.
        
        
          Quelle autorité peut avoir auprès du
        
        
          Sultan le conseil où prend séance un
        
        
          A r t i n pacha Dadian ? I l faut se taire en
        
        
          présence d'un tel homme, capable de
        
        
          louer son Maître avec une si sérieuse i n –
        
        
          conscience.
        
        
          LA POLICE TURQUE
        
        
          L'une des demandes les plus fré–
        
        
          quemment répétées des comités a rmé –
        
        
          niens et du patriarcat de Koum-Kapou
        
        
          a trait à la mise en liberté des per–
        
        
          sonnes arbitrairement arrêtées. Chaque
        
        
          fois qu'une amnistie illusoire est ac–
        
        
          cordée par le Sultan, on a soin de
        
        
          ramasser auparavant un grand nombre
        
        
          de pauvres diables tout à fait inoffen–
        
        
          sifs que l'on relâche à cette occasion,
        
        
          tandis que l'on garde sous clef « les
        
        
          gens dangereux ». Ainsi la farce est
        
        
          j o u é e ; les ambassadeurs et les jour–
        
        
          naux bien pensants peuvent seuls
        
        
          célébrer sur le mode triomphal la
        
        
          magnanime clémence du Sultan Abd-
        
        
          ul-Hamid et les Deschanel en dépla–
        
        
          cement se donnent aisément un pré–
        
        
          texte presque honorable pour baiser
        
        
          la main sanglante.
        
        
          Mais parmi les « gens dangereux »
        
        
          qui demeurent indéfiniment dans les
        
        
          geôles ottomanes, les neuf dixièmes
        
        
          sont aussi inoffensifs que possible : un
        
        
          caprice intéressé de haut fonctionnaire
        
        
          ou d'agent subalterne leur a attribué
        
        
          de redoutables qualités qu'ils ne pos–
        
        
          sèdent point.
        
        
          Depuis que Chéfik bey a succédé à
        
        
          Nazim pacha comme ministre de la
        
        
          police, les arrestations pour des mo–
        
        
          tifs extravagants se multiplient dans
        
        
          une proportion extraordinaire, et c'est
        
        
          depuis bientôt quatre ans une sorte de
        
        
          terreur policière installée à Constan–
        
        
          tinople.
        
        
          Chéfik, lors de son avènement, avait
        
        
          cru devoir assurer son Maître qu'il
        
        
          n'y avait plus en Turquie ni en Europe
        
        
          de comités a rmén i ens , comme si l'exis–
        
        
          tence de ces comités ne correspondait
        
        
          pas à des causes profondes et perma–
        
        
          nentes et pouvait être supprimée d'un
        
        
          trait de plume. Mais de temps à autre,
        
        
          de menus faits révèlent que le peuple
        
        
          a rmén i en n'est pas entièrement résigné
        
        
          à disparaître, sans même faire enten–
        
        
          dre une plainte : aussitôt la meute po–
        
        
          licière est de nouveau en éveil et s'en
        
        
          donne à cœu r joie.
        
        
          C'est ainsi qu'au moment du jubilé
        
        
          et de la venue du Shah de Perse, pour
        
        
          parer à une manifestation peu probable
        
        
          des Jeunes-Turcs unis aux Arméniens
        
        
          dont l'idée seule affolait le Sultan et sa
        
        
          clique, le ministre de la police et ses
        
        
          subordonnés travaillèrent en grand.
        
        
          C'est par centaines qu'ils arrêtèrent
        
        
          les Arméniens ; on ne saurait dire
        
        
          d'ailleurs que leur zèle seul pour la
        
        
          sainte personne d'Abd-ul-Hamid les
        
        
          entraînât à ces hauts faits : i l s'y mêlait
        
        
          quelques considérations financières ;
        
        
          ceux des prisonniers qui avaient un
        
        
          peu d'argent étaient mis en liberté au
        
        
          bout de quelque temps, pour peu qu'ils
        
        
          vidassent leurs poches ; les autres res–
        
        
          taient et restent encore dans leurs ca–
        
        
          chots.
        
        
          Chaque agent se considère comme
        
        
          un Abd-ul-Hamid au petit pied et agit
        
        
          en conséquence dans la mesure de ses
        
        
          forces. Quelques exemples pris dans
        
        
          un seul quartier de Stamboul donne–
        
        
          ront une idée des pratiques policières :
        
        
          l'auteur de la plupart des méfaits c i -
        
        
          dessous est le commissaire de police
        
        
          kurde Ali effendi ; i l sévit à Koum-Ka –
        
        
          pou, c'est-à-dire aux alentours mêmes
        
        
          du patriarcat arménien, où i l semble–
        
        
          rait que les coreligionnaires de Mgr Or–
        
        
          manian dussent joui r d'une sécurité
        
        
          relative. Vo i c i , avec les noms des
        
        
          victimes, les motifs de leur arresta–
        
        
          tion :
        
        
          
            
              Garabed
            
          
        
        
          est arrêté vers neuf heures du
        
        
          soir par un agent qui l u i demande de l'ar–
        
        
          gent sous peine de l'envoyer en prison.
        
        
          Refus de Garabed. L'agent éteint le lam–
        
        
          pion dont l'Arménien était porteur, con-
        
        
          Fonds A.R.A.M