dire : « Soumettez-vous, et vous aurez
        
        
          la paix et l a tranquillité ! » P a r m i ceux
        
        
          qui se r end i r ent à ces promesses m e n –
        
        
          songères, soixante jeunes gens furent
        
        
          enterrés vifs au p i ed du Ha n d o k -
        
        
          Da g h ; les femmes, les v i e i l l a rds et les
        
        
          enfants furent brûlés dans l'église de
        
        
          T a l o r i , et des centaines d'autres, pour
        
        
          échapper aux tortures et au v i o l , se
        
        
          précipitèrent dans l a rivière Bébatman
        
        
          ou du haut du r o che r de Terfer. A
        
        
          Gu e l l i e h - Gu z a n , sur le conseil du
        
        
          prêtre Ohannès, de Sema i , deux cents
        
        
          personnes sans armes s'étaient fiées
        
        
          aux bonnes paroles d u m u c h i r ; sous
        
        
          les yeux de Zékhi pacha , elles furent
        
        
          poussées, à coups de baïonnette, vers
        
        
          une grande fosse creusée à l'avance
        
        
          dans un c hamp de mi l l e t , où blessés
        
        
          et mo r l s s'entassèrent; le prêtre Oh a n –
        
        
          nès fut l a première v i c t ime ; i l eut l a
        
        
          peau du crâne décollée et rabattue sur
        
        
          la figure.
        
        
          L e même Zékhi pacha c ommande
        
        
          en chef, toujours, le quatrième corps
        
        
          d'armée : i l a l'expérience du mas –
        
        
          sacre et connaît parfaitement le pays
        
        
          où ses troupes évoluent.
        
        
          Il est à c r a i ndr e que déjà l'œuvre
        
        
          mauva i se ne soit a c c omp l i e ; mais elle
        
        
          a été i n t e r r ompue peut-être, et i l suffit
        
        
          de v ou l o i r pour qu'elle soit arrêtée.
        
        
          Une première fois, au mo i s de j a n –
        
        
          vier de cette année, l'envoi de l ' e s ca –
        
        
          dre de l a Méditerranée sur les côtes
        
        
          de C i l i c i e empêcha l'exécution de mas –
        
        
          sacres préparés à Aïntab pa r En i s
        
        
          pacha et dénoncés au ministère des
        
        
          affaires étrangères tant par ses agents
        
        
          que pa r des homme s de cœur b i en
        
        
          informés des choses orientales.
        
        
          Depu i s , p ou r défendre les intérêts
        
        
          matériels de que l ques -uns de nos n a –
        
        
          tionaux, le gouvernement français a
        
        
          pris à l'égard de l'Assassin une attitude
        
        
          menaçante : i l a rappelé M . Constans
        
        
          et expulsé les policiers ottomans en
        
        
          résidence à P a r i s , décision qu i a dû
        
        
          être particulièrement sensible à A b d -
        
        
          u l - H a m i d .
        
        
          Le s temps sont donc passés où
        
        
          M . Gab r i e l Hano t aux refusait de rece–
        
        
          vo i r le témoignage direct des Armé –
        
        
          niens échappés aux pr emi e r s massa–
        
        
          cres de Sassoun et invitait ceux de ses
        
        
          agents qu i l u i disaient l a vérité sur l a
        
        
          Bête à ne pas envoye r au quai d ' Or –
        
        
          say « des dépêches sensationnelles » .
        
        
          E t aussi l a preuve a été faite que l ' o n
        
        
          pouvait emp l o y e r envers A b d - u l - H a -
        
        
          m i d , sans danger pour l a pa i x , les
        
        
          mesures de c oe r c i t i on auxquelles s'é–
        
        
          taient refusés précisément M . Ga b r i e l
        
        
          Hano t aux et le pr i nc e Lobano f f , en
        
        
          pleine t ourment e de sang et de feu.
        
        
          Cependant le prétexte de l ' i nt e r vent i on
        
        
          pouvait paraître de m i n i me i mp o r –
        
        
          tance et en F r an c e même i l a été jugé
        
        
          parfois insuffisant ou médiocrement
        
        
          hono r ab l e .
        
        
          A u c ont ra i r e , o n a estimé unan ime –
        
        
          ment qu ' une telle i n t e r ven t i on aurait
        
        
          été justifiée au momen t des massacres
        
        
          arméniens et qu'elle le serait encore
        
        
          au j ou r d ' hu i alors que r e c ommenc ent
        
        
          les grandes tueries. Per sonne en
        
        
          F r a n c e maintenant n'aurait l a naïveté
        
        
          de c r o i r e que les Arméniens ont p r o –
        
        
          voqué le Sultan p ou r favoriser des i n –
        
        
          trigues anglaises; personne en A l l e –
        
        
          magne ne s'imaginerait qu'ils se sont
        
        
          fait tuer pour favoriser des intrigues
        
        
          russes.
        
        
          Ma i s i l faut que l ' o p i n i o n déjà av e r –
        
        
          tie et émue par des i n f o rma t i ons p r i –
        
        
          vées soit mise au courant des faits pa r
        
        
          la pub l i c a t i on de document s officiels :
        
        
          les rappo r t s de l'ambassade et des
        
        
          consuls français réunis en un
        
        
          
            Livre
          
        
        
          
            Jaune
          
        
        
          f ormera i ent les éléments d ' un
        
        
          irréfutable réquisitoire contre l a Bête.
        
        
          M . Ernest Lav i s s e , en 1897, dans une
        
        
          l uc i de et généreuse préface au l i v r e de
        
        
          M . V i c t o r Bérard sur
        
        
          
            La Politique du
          
        
        
          
            Sultan,
          
        
        
          regrettait que pendant trois
        
        
          ans le ministère des affaires étrangères
        
        
          eût fait le silence sur les massacres et
        
        
          i nd i qua i t le danger d'une telle p o l i t i –
        
        
          que ; autrement, écrivait-il : « des d i s –
        
        
          cussions se seraient produi t es sur des
        
        
          textes précis dans le parlement, au lieu
        
        
          de ces échanges de vagues paroles qu i
        
        
          n ' appr ennent à peu près r i e n à pe r –
        
        
          sonne et qu i ont l ' a i r de scènes a r r a n –
        
        
          gées pour l a galerie » .
        
        
          M . Ernest Lav i s s e mon t r a i t aussi
        
        
          q u ' « u n incident violent à Cons t an t i no –
        
        
          p l e ou a i l l eur s pouva i t a v o i r des consé–
        
        
          quences incalculables » , que le pays
        
        
          pouvait être appelé à pr endr e des réso–
        
        
          lutions graves et q u ' i l impo r t a i t qu'elles
        
        
          fussent prises en connaissance de
        
        
          cause.
        
        
          Ces graves et sages paroles sonnaient
        
        
          en ce temps c omme u n r epr o che ; elles
        
        
          ont gardé toute l eur va l eur et tout
        
        
          l eu r p r i x .
        
        
          Il faut agir immédiatement p ou r ne
        
        
          pas se trouver encore en face de l'irré–
        
        
          médiable et du fait a c c omp l i , si
        
        
          l ' on ne veut pas enc our i r le r e p r o –
        
        
          che d ' avo i r accepté par inertie et avec
        
        
          des intentions excellentes, les c omp l i –
        
        
          cités qu'assumèrent autrefois, de p r o –
        
        
          pos délibéré, avec tous les mi n i s t r e s et
        
        
          chefs d'États européens, M . Ga b r i e l
        
        
          Hano t aux et le p r i n c e Lobano f f .
        
        
          L e Président de l a République f r an –
        
        
          çaise p r o c l ama i t , ces j ou r s d e r n i e r s ,
        
        
          que l'alliance franco-russe était « faite
        
        
          et acquise d'avance aux solutions
        
        
          qu ' i nsp i r en t l a j us t i c e et l'humanité » ;
        
        
          à mo i n s que sur les lèvres augustes
        
        
          des chefs des peuples, les mots ne
        
        
          prennent u n sens tout différent de c e –
        
        
          l u i que l e u r attribue le c o mmu n des
        
        
          homme s , n i l u i n i son hôte ne peuvent
        
        
          tenir pour conf orme à l a justice et à
        
        
          l'humanité l ' e x t e rmi na t i on pa r u n
        
        
          exécrable assassin de toute une race
        
        
          intelligente et pacifique que les traités
        
        
          les autorisent et les obligent à défen–
        
        
          dre contre son égorgeur.
        
        
          
            Voilà Moush et sa plaine en feu et en
          
        
        
          
            flamme! Voilà Sassoun en agonie!
          
        
        
          P I E R R E
        
        
          Q U I L L A R D .
        
        
          
            P. S.
          
        
        
          —
        
        
          J ' appr ends au de rn i e r mo –
        
        
          ment que le comité central du pa r t i
        
        
          révolutionnaire hentchakiste de L o n –
        
        
          dres a envoyé à Compiègne, dès l ' a r –
        
        
          rivée du T s a r dans cette v i l l e , u n mé –
        
        
          mo i r e en deux e x emp l a i r e s , l ' un
        
        
          adressé au Président de l a République
        
        
          française, l'autre à l ' Emp e r e u r de
        
        
          Rus s i e . Ce mémo i re attire l'attention
        
        
          sur l'effroyable situation de l'Arménie
        
        
          et en particulier sur les événements
        
        
          de Mou s h et de Sassoun, et invite l a
        
        
          F r a n c e et l a Russie à pr endr e l ' i n i t i a –
        
        
          tive d'une ac t i on énergique p ou r
        
        
          mettre fin à un état de choses q u i
        
        
          constitue u n danger pe rmanent pour
        
        
          la pa i x , en- faisant app l i que r en A r –
        
        
          ménie les réformes proposées pa r les
        
        
          Fonds A.R.A.M