toutes ses demandes. Le bétail pillé de Shé-
kbil nous est retourné.
Le 3o mai, trois Tcherkesses, marchands
de bestiaux, pendant leur voyage, sont
assaillis soudain par des brigands kurdes
qui étaient en embuscade, à cinq ou six
heures de notre ville vers le-Nord, aux envi–
rons de la campagne de Sipinkor « Sourp
Krikor », habitée par des Kurdes ; deux des
marchands sont tués et le troisième fut
grièvement blessé; les Kurdes, après avoir
pris une somme de cent cinquante livres, des
armes et les chevaux, prennent la fuite ; les
pâtres en ont aussitôt averti le gouverne–
ment ; des gendarmes à cheval et un batail–
lon de soldats ont poursuivi la bande des
brigands; i l n'y a eu aucun résultat jusqu'au–
jourd'hui; le Tcherkesse blessé, transporté
dans un hôpital militaire, y est mort trois
jours après; on dit que ce dernier était le
parent du commandant de notre ville ; on
attache une très grande importance à l'af–
faire.
Le i3 juin, quelques Arméniens et quelques
Turcs s'en vont ensemble de Pitaridj à
Paperte pour y vendre des cerises. A leur
retour, l'un des Turcs soulève une querelle
intentionnellement contre les Arméniens ; le
résultat en fut que les Arméniens et les Turcs
tirent roule séparément ; soudain les Turcs
assaillent les Arméniens et blessent l'un
grièvement, son état est inquiétant ; les Armé–
niens protestent au chef du village de Pitaridj
qui, après avoir emprisonné le coupable
pendant une heure, l'a relâché.
LES PAYSANS D'ÉTAT
Commune rurale arménienne en Transcaucasie
C
Suite)
ORGANISATION DE LA COMMUNE
R U R A L E
Malgré l'arbitraire des autocrates
orientaux et la confusion administra–
tive et financière, la commune avait
une large autonomie : le pouvoir cen–
tral ne s'immisçait pas dans ses affaires
intérieures et n'avait avec elle que des
rapports indirects par l'intermédiaire
des
naïbs
et des fonctionnaires qui
surveillaient la rentrée des impôts et
représentaient les intérêts des gouver–
neurs. Les
naïbs
n'étendaient donc pas
leur autorité sur les mulkadars.
Peu à peu les personnes du corps
privilégié, provisoirement munies
d'avantages par le souverain et révo–
cables par son ordre immédiat,
jouirent des fonctions ou d ' immun i t é s
viagères; puispar consentementdusou-
verain elles transmirent à leurs fils
héréditairement ces charges et immu–
nités. Ainsi se produisit une évolution
analogue à celle de la féodalité euro–
péenne.
En même temps le territoire de
chaque commune était partagé en un
certain nombre de lots répartis suivant
l'importance des groupes familiaux ;
les types des lots étaient au nombre de
cinq :
1
° Ampa,
lot entier;
2
° Irek-tcharek,
lot de 3/4 ;
Kisan,
lot d'1/2;
4
°
Tchavek,
lot d'1/3 ;
5
° Javim-tcharek,
lot d'1/8.
UAmpa
était alloué à une famille
de seize membres ayant les contribu–
tions correspondantes aux terrains
exploités. Les grands lots d imi nuè r en t
en même temps que les grandes fa–
milles patriarcales de quarante à cin–
quante membres.
Jusque-là , les chefs des grandes fa–
milles dirigeaient les affaires de la
commune ; mais dès lors l'organisa–
tion devint plus démocratique.
Les lots n'étaient jamais d'une gran–
deur définie ; leur importance variait
selon le nombre des personnes consti–
tuant un groupe familial; selon le
nombre de la population, selon l'éten–
due du territoire communal.
L'augmentation du nombre des fa–
milles, de plus en plus fragmentées,
amena donc une augmentation et une
fragmentation correspondante des
lots, diminués d'étendue. Ainsi par
exemple, si une commune comptait
cent familles
d'awpa,
représentant
1,600
parts et possédait un territoire
de 1,000 arpents, chaque
ampa
équi–
valait à 100 arpents. Le nombre des
ampas
s'élevant à 150, chacun n ' équ i –
valait plus qu'à 7,5 arpents.
Les individus isolés s'agrégaient à
une famille proche pour former un
groupe. Les familles de nombre impair
étaient identifiées à des familles de
nombre pair pour faciliter les partages.
Mais le partage de la terre entre les
isolés et les groupes familiaux peu
nombreux de deux ou trois personnes
présentait de graves inconvénients
matériels et économiques.
Aussi le droit coutumier introdui–
sit-il une forme nouvelle d'exploita–
tion de la terre, le système d'association
entre leséléments épars de la commune
qui s'appelle
Haragaschoutioun (hara-
gasch,
associé de la propriété foncière.)
Ces associations devaient simplement
correspondre par le nombre de leurs
membres aux associations déjà éta–
blies
(
Ampa, irek-tcharek,
etc.) L a l i –
berté complète existe pour le choix des
associés et la réglementation intérieure.
Ces associations peuvent exister et en–
trer dans les grandes familles. Ainsi
les isolés et les petits groupes familiaux
participent à la récolte à titre de coo-
pérateurs.
ORGANISATION
ADMINISTRATIVE
La commune est divisée en dizaines
et centaines pour la répartition régu–
lière des contributions et des presta–
tions pour les chemins et routes tra–
versant leur territoire.
Ces divisions ne font que représenter
l'organisation libre de la commune qui
se renouvelait tous les ans au prin–
temps ou au moment du partage de
la terre. N i l'administration centrale
ni les autorités rurales ne se mêlaient
de l'organisation intérieure des di–
zaines et centaines, à condition seule–
ment que chaque division comprît un
nombre donné
d'ampas
et de
tchareks.
Les dizaines se forment par consente–
ment mutuel des parents ou des per–
sonnes qui ont les même s intérêts éco–
nomiques ; les gens intraitables et ceux
qui trichent à propos des eaux d'irri–
gation ou en toute autre circonstance
en sont exclues.
Chaque dizaine comprenait
10
am–
pas, 20 kizans
et
W tchareks.
Le sur–
plus des feux familiaux, une fois les
dizaines établies, s'ajoute aux autres
dizaines. Le nombre des
ampas
dans
la dizaine peut d'ailleurs être inférieur
ou supérieur à dix : selon la quantité
d'eau utilisable pour arroser et la
quantité de terre arrosable en un seul
jour, i l peut varier de vingt à cinq. On
s'arrange en général pour qu'il cor–
responde au nombre des jours de la
semaine, pour répartir plus aisément
les tours d'arrosage.
Ainsi chaque dizaine est d'abord
une unité économique : ses membres
sont liés par leurs intérêts dans l'ex-
Fonds A.R.A.M