boraleur parisien — le
        
        
          
            Journal d'Al–
          
        
        
          
            sace
          
        
        
          du 9 juillet — un article intitulé :
        
        
          
            Nos interviews
          
        
        
          et signé :
        
        
          
            Osios,
          
        
        
          résu–
        
        
          mant quelque peu inexactement un
        
        
          entretien que j'avais eu avec l u i .
        
        
          Là-dessus, le directeur de
        
        
          
            l'Orient,
          
        
        
          organe spécial pour la défense des i n–
        
        
          térêts de l'empire ottoman, M . N . N i –
        
        
          colaïdès s'est permis d'adresser une
        
        
          lettre au journal en question pour dé–
        
        
          mentir certains passages de cet article.
        
        
          Je n'aurais certes pas fait à ce per–
        
        
          sonnage l'honneur immérité d'une
        
        
          réponse, s'il ne me fournissait assez à
        
        
          propos l'occasion de m'exprimer i c i
        
        
          clairement sur le point incriminé par
        
        
          lui, relatif au rôle qu'Abd-ul-Hamid
        
        
          a songé à jouer en France lors du bou-
        
        
          langisme. Je n'ai pas dit que le sultan
        
        
          avait précisément envoyé de l'argent
        
        
          au général Boulanger; j ' a i dit, et je
        
        
          maintiens
        
        
          
            qu'Abd-ul-Hamid
          
        
        
          
            télégra–
          
        
        
          
            phia à celte époque par l'entremise de
          
        
        
          
            son premier chambellan Hadji Ali bey,
          
        
        
          
            à un des agents les plus dévoués qu'il
          
        
        
          
            eût à Paris, qu'il était prêt à mettre à
          
        
        
          
            la disposition du général une somme
          
        
        
          
            pouvant l'aider efficacement à renver–
          
        
        
          
            ser la République ;
          
        
        
          car vous n'ignorez
        
        
          pas que le tyran qu'est le sultan dé–
        
        
          teste naturellement cette République,
        
        
          symbole à ses yeux de la Révolution
        
        
          d'où elle est née .
        
        
          Quant à l'amour de Hamid pour la
        
        
          France, dont parle ledit Nicolaïdès, i l
        
        
          est peu qualifié, ce me semble, pour
        
        
          s'en porter garant; i l attaque lui-même
        
        
          régulièrement le pays où i l est venu,
        
        
          avec un dévouemen t chevaleresque,
        
        
          exercer son industrie toute désinté–
        
        
          ressée : et si ce fait est inconnu du pu–
        
        
          blic français, c'est que la feuille où s'é–
        
        
          tale sa prose, quoique impr imée en
        
        
          français, ne fut jamais lue par qui–
        
        
          conque a quelque respect de soi.
        
        
          Que le sultan ait dit du bien de la
        
        
          France, surtout à un Français, un
        
        
          «
        
        
          ancien député », comme l'affirme
        
        
          M . N . Nicolaïdès, cela doit-il tant l'é–
        
        
          tonner? Ignore-t-il ce que c'est que
        
        
          l'hypocrisie et le mensonge ou en
        
        
          croit-il exempt le maître dont i l est
        
        
          le digne valet?
        
        
          La même lettre de M . N . Nicolaïdès
        
        
          contient d'autres inexactitudes. Il af–
        
        
          firme que je suis un ancien élève du
        
        
          lycée de Galata-Seraï, où je serais en–
        
        
          tré comme boursier, ce qui lui fournit
        
        
          l'occasion de me reprocher mon i n –
        
        
          gratitude (?) envers le gouvernement
        
        
          turc. Je n'ai jamais été élève de ce lycée
        
        
          et je n'ai jamais été redevable de rien
        
        
          à ce gouvernement, si ce n'est de mon
        
        
          profond mépris.
        
        
          Avant de terminer et tout en vous
        
        
          priant, mon cher ami, de m'excuser
        
        
          d'abuser de l'hospitalité de vos co–
        
        
          lonnes, laissez-moi saisir cette occasion
        
        
          pour relever quelques autres erreurs
        
        
          qui se sont glissées dans l'article de
        
        
          M . Jean Bernard. Je ne suis pas venu
        
        
          en effet en France, comme je semble
        
        
          le déclarer par sa plume pour réclamer
        
        
          l'application des réformes en Turquie,
        
        
          ma très modeste personnalité ne me
        
        
          désignant nullement à jouer ce rôle,
        
        
          mais bien plutôt pour me soustraire
        
        
          aux persécutions de la police hami-
        
        
          dienne. Je n'ai pas dit davantage que
        
        
          mes biens eussent été séquestrés, pour
        
        
          la bonne raison que je n'en possède
        
        
          point. Ce que je puis dire, seulement,
        
        
          c'est que le gouvernement ottoman,
        
        
          après avoir eu le mauvais goût de
        
        
          m'offrir en vain depuis six mois, —
        
        
          par l'entremise du directeur du bureau
        
        
          de la presse étrangère de la Porte,
        
        
          Nichan-Effendi, — pour mon silence,
        
        
          toutes sortes d'avantages... et notam–
        
        
          ment un poste de consul général et
        
        
          une
        
        
          
            indemnité
          
        
        
          pécuniaire (?), désespé–
        
        
          rant sans doute de me voir accepter
        
        
          ses aimables propositions, vient de
        
        
          m'inviter par le canal du consulat de
        
        
          Turquie à Paris de me présenter de–
        
        
          vant le tribunal criminel de Constan–
        
        
          tinople ; faute de quoi, je serai sous
        
        
          peu condamné à mort, de quoi je
        
        
          m' émeus méd i oc r emen t .
        
        
          Veuillez agréer, mon cher ami ,
        
        
          l'expression de mes meilleurs senti–
        
        
          ments.
        
        
          Georges
        
        
          
            DORYS.
          
        
        
          LETTRE •ERZINGHIAN
        
        
          Erzinghian, juin
        
        
          19/2
        
        
          juillet
        
        
          1901.
        
        
          Le
        
        
          
            I
          
        
        
          
            E R
          
        
        
          mai, quelques paysans arméniens
        
        
          viennent en ville pour vendre leur blé et
        
        
          pour payer leurs dettes gouvernementales ;
        
        
          à une distance de une heure à une heure et
        
        
          demie de la ville, un Tcherkesse s'approche
        
        
          d'un jeune homme arménien qui, séparé de
        
        
          ses camarades, les devançait un peu, et lui
        
        
          demande, du pain; le jeune homme répond
        
        
          qu'il n'a pas de pain sur lui, et lui dit d'at–
        
        
          tendre un peu pour en prendre à ses cama–
        
        
          rades et lui. donner. Le Tcherkesse, pour
        
        
          toute réponse, tire son revolver et le blesse ;
        
        
          ses camarades arrivent ; le Tcherkesse
        
        
          comme une bête féroce les attaque ; mais les
        
        
          coups n'atteignent pas ; un ou deux Turcs
        
        
          qui s'étaient associés au groupe, par un
        
        
          effort collectif, arrêtent le Tcherkesse et l'a–
        
        
          mènent à la ville avec le blessé ; le Tcher–
        
        
          kesse est emprisonné; le blessé est mort
        
        
          deux ou trois jours après; il s'appelle Harou-
        
        
          tioun, âgé de vingt-quatre à vingt-cinq ans,
        
        
          natif de la campagne de Hardong à Tert-
        
        
          chan ; on doit l'emprisonnement du Tcher–
        
        
          kesse au bon témoignage de l'un des Turcs
        
        
          qui l'accompagnaient; si l'affaire était sim–
        
        
          plement portée devant le tribunal, le témoi–
        
        
          gnage des Arméniens n'aurait pas eu de va–
        
        
          leur. Le pays est livré à l'anarchie ; tout dé–
        
        
          pend du bon plaisir des brigands, des assas–
        
        
          sins; malheur à celui qui est sans pro–
        
        
          tection !
        
        
          Le
        
        
          
            21
          
        
        
          du mois passé a eu lieu le pillage de
        
        
          la campagne de Shékhil (campagne située à
        
        
          une distance de quatre heures de la ville,
        
        
          vers l'Est, entre les deux affluents de l'Eu-
        
        
          phrate, environ cent à cent-vinq familles
        
        
          dont dix ou douze seulement arméniennes et
        
        
          toutes les autres turques; leur occupation
        
        
          est l'agriculture). Bako, le célèbre chef de
        
        
          brigands qui, l'année dernière, a déjà pillé
        
        
          le consul russe d'Erzeroum, renouvelle ses
        
        
          atrocités encore une fois ; cent cinquante à
        
        
          deux cents personnes de sa suite, armées,
        
        
          gardent le chemin qui conduit à Erzeroum
        
        
          pour sauver leurs camarades qui sont les
        
        
          Kurdes arrêtés l'année dernière, qui étaient
        
        
          envoyés ces jours-là à Erzeroum sur la récla–
        
        
          mation du consul russe, pour être jugés. Le
        
        
          gouvernement ayant appris cela change de
        
        
          chemin et envoie ses prisonniers via Paperte
        
        
          avec l'accompagnement d'un grand nombre
        
        
          de soldats. Bako, déçu dans son espérance,
        
        
          s'en va dans la plaine et fait tomber sa
        
        
          colère sur la campagne de Shékhil; i l n'y a
        
        
          pas eu perte d'hommes,[mais tous les mou–
        
        
          tons et les chevaux sont emportés, environ
        
        
          quatre cents, parmi lesquels se trouvaient
        
        
          aussi le bétail des beys turcs de notre ville ;
        
        
          le gouvernement leva des soldats sur les
        
        
          frontières de Dersime. Les soldats attendent
        
        
          encore sous des tentes. Je crois qu'ils y sont
        
        
          allés pour changement d'air! Une partie de
        
        
          ces soldats, qui ont pour fonction de garder
        
        
          le passage de Merdjane, se livrent dans les
        
        
          campagnes arméniennes à des choses qui
        
        
          sont plus que le brigandage ; ils ramassent
        
        
          effrontément du pain, des moutons, etc., et,
        
        
          qui pis est, la femme arménienne est con–
        
        
          damnée à ne pas sortir de chez elle; situa–
        
        
          tion qui l'ait préférer le brigand kurde au
        
        
          soldat turc pour l'Arménien, car le premier
        
        
          au moins, par ses mœurs montagnardes, se
        
        
          trouve au moins très noble envers l'hon–
        
        
          neur.
        
        
          Nous apprenons par des sources authen–
        
        
          tiques que le célèbre A l i pacha, le monstre
        
        
          qui fit le massacre de Spaghank, a eu ces
        
        
          jours derniers une entrevue avec Bako et
        
        
          que des négociations ont eu lieu. Il a con–
        
        
          seillé à ce dernier de rester tranquille et
        
        
          Bako, comme réponse, a réclamé du susdit
        
        
          pacha l'acquittement des prisonniers kurdes
        
        
          et demandé satisfaction du préjudice à lui
        
        
          causé el prétend en outre être amnistié ; dans
        
        
          le cas contraire i l ferait ce qui lui semble
        
        
          bon ; le pacha aurait promis d'accomplir
        
        
          Fonds A.R.A.M