sont les maisons, les termes, les champs, les
vignes, les bois, qui nous ont été promis ?
Que faire ici ? Pourquoi vous nous avez fait
venir ici ; n'importe, nous exercerons notre
vieux métier, ou renvoyez-nous chez nous ».
Ils ont demandé à s'établir dans le vilayet
de Sivas ; le gouvernement a voulu les en–
voyer à Kaperse ; les Lézkis ont télégraphié
à la Sublime Porte, et enlin par ordre impé–
rial ils furent envoyés aux environs de Sivas ;
le kaïmakam de ï c h a s s a a mis à la disposi–
tion des Lézkis la forêt et le pâturage de la
campagne arménienne appelée Alakilissé ; les
Arméniens ont protesté ; le chef de la pro–
vince répondit qu'il fallait leur donner aussi
leurs animaux et ils devaient aller s'établir
dans les endroits d'où venaient les Lézkis,
sinon ils devaient aller travailler et laisser
les Lézkis manger, etc. Une partie des Léz–
kis, alors qu'ils passaient par Andrias, ayant
voulu rester une nuit, avaient pris une
chambre, et pendant qu'ils priaient à
i
heures
de la nuit, six malfaiteurs turcs, poussés par
Emine bey, s'introduisent dans la chambre
où ils se trouvaient et ils veulent enlever une
jeune mariée, mais sur la résistance des Léz–
kis, aussitôt des agents de police surviennent
et arrêtent trois des malfaiteurs, mais à ce
moment là un bébé de deux mois fut foulé
aux pieds et meurt ; la jeune femme a avorté
et un jeune homme est grièvement blessé ;
voilà en général, la situation morale et as–
surée de notre pays. Peut-on résister ?
L E T T R E D E S F R O N T I È R E S R U S S O - T U R Q U E S
3
j u i n
1901.
D'après une lettre reçue de Mouch, de
nouveaux troubles y auraient lieu entre
Kurdes et Arméniens. A Hasskeny ont été
tués trois Arméniens dont les noms sont :
Bedross Sahakian, Garo Abagarian et Ambo
Hovssogan. Dans la campagne de Arvarindj
ont été tuées deux personnes et une dans la
campagne de Mornik, nous ne connaissons
pas les noms de ces derniers.
A Mingounk a été tué le chef d'une tribu
kurde, Chériff agha de Kathanek, qui était
depuis de longues années la terreur et le
fléau de toutes les campagnes arméniennes
environnantes. On raconte que ce person–
nage avait commis tous les méfaits ; enlève–
ment de jeunes tilles, assassinats, pillage,
c'était des faits habituels. Par suite de la
nouvelle de sa mort, à Mingounk sont en ce
moment emprisonnées trentre-trois personnes
et les autres habitants sont dans la terreur
et l'épouvante.
Les relations, les communications ont cessé
même entre campagnes. On dit que le gou–
vernement envoie des troupes à Van, et cela
est un signe de nouveaux malheurs pour les
paysans, car ces soldats dévastent tous les
endroits par où ils passent.
L E T T R E D E L ' A R R O N D I S S E M E N T D E K H A R Z A N
Du village Z...
Depuis dix-sept ans tu vis loin de moi; i l
tarde de te voir, à la tante qui vit encore
dans la campagne dans la plus grande souf-
frauce et la plus grande misère. Ah ! fasse le
ciel que je sois auprès de toi pour te raconter
en détail mes soulfrances ; cela rafraîchirait
mon cœur. Il n'y a plus de foyer, plus de
famille, plus d'enfants ; comme un oiseau
posé sur une branche morte, nous attendons
la mort de jour en jour. Ah ! te rappelles-tu,
mon fils, les jours où tu étais encore ici ? le
Kurde, Fatah bey, de l'arrondissement de
Kharzan, nous commandait en maître; nous
autres nous n'étions pas contents, car le
Kurde enviait toujours ce que nous possé–
dions ; mais aujourd'hui c'est le Turc qui
s'est emparé de nos campagnes et i l les a
toutes ruinées et dévastées. Tu sais que notre
campagne comptait plus de cent maisons
arméniennes ; les uns sont tués, d'autres isla–
misés, on ne laisse pas tranquilles ceux qui
restent, le kaïmakam d'aujourd'hui est un
Turc barbare.
Ah ! comment mon cœur pourra-t-il vous
dire et ma langue vous raconter qu'on a isla–
misé mon bien-aimé fils, Garabed, avec sa
femme et ses cinq enfants ; que mes yeux
fussent aveuglés, que mes oreilles fussent
sourdes pour ne pas voir et entendre tout
cela. C'est à peine si j'ai pu sauver de leurs
mains mon (ils, Mourad ; je le garde en
secret, si on le trouve ou on le voit, on l'isla–
misera aussi.
Toutes nos vignes sont depuis longtemps
entre les mains des Turcs, ils mangent, ils
boivent, à leur plaisir, et ils ne nous recon–
naissent pas même comme un pauvre devant
leur porte. A h ! que faire? où aller? N'y
a-t-il donc pas un moyen pour échapper à
cette situation intolérable ?
L E T T R E
D ' A D A N A
Environ dix nobles turcs de notre ville ont
été exilés comme libres-penseurs à Ourfa,
Mossoul, Bagdad, etc.; ils étaient les repré–
sentants du parti du gouverneur.
L'élément qui menaçait d'anéantir les
Arméniens à Nadjarli, les immigrés turcs,
malgré les démarches, les supplications et
les protestations de désespoir, se sont éta–
blis définitivement. Le jour même de leur
installation, par leur conduite lâche et hon–
teuse, ils commirent des atrocités et des
barbaries sur les paysans. Ces derniers mal–
heureux, sont dans un découragement qui
prédit des malheurs. Fasse le ciel que cette
situation n'aboutisse pas à une fin aussi
malheureuse qu'on pense !
Les prisonniers sont encore en prison ; la
perception d'impôts continue avec la même
sévérité.
NOUVELLES D'ORIENT
E N
M A C É D O I N E .
Pendant que le
grand-duc Alexandre Mikliaïlowitch ren–
dait successivement visite au prince Fer–
dinand de Bulgarie, au r o i Ka r o l et à la
Bête, la gendarmerie hamidienne ne chô–
mait pas en Macédoine non plus que ses
collaborateurs bénévoles comme le bandit
qui sévit entre Di b r a et Kortchevo et
r a n ç onn e ou massacre, selon que son hu–
meur est bonne ou mauvaise.
Akhi-Tchelebi et Touloço.
Arresta–
tion de tous les hommes qui pourraient
porter des armes ; l'arrondissement est
proclamé en état de siège, e'est-à-dire livré
à toutes les fantaisies de la soldatesque.
L a population fuit en masse.
Oustovo.
Ont été arrêtés : Kavalampy
Costolf; G . Solinadjieff; Anghel Papout-
charolf; Ivan Vidroff; deux femmes.
Kaïcovo.
—-
Ont été arrêtés : Maéroff;
N . Koubacheff; Deleff; G . Roupstchoff;
M . Stoïtcheff.
Ont été arrêtés, encore, les prêtres
de
Tchokmenovo, Oustovo, Devekenj-,
Alamgdéré,
Toutovo, Levotchevo,
ainsi
que H . Kyssinoff et N . Dimolf de
Karlou-
kovo
et de
Tchokmanovo.
Dico, du village de
Paspalevo,
a été en–
levé par une bande de brigands albanais.
Ceux-ci l'avaient relâché en échange d'une
r ançon de 4 >
0 0 0
francs ; mais les soldats
de Sa Majesté Impériale le t uè r en t comme
i l rentrait chez l u i et a r r ê t è r en t en outre
quinze habitants du village, qui sont en–
core en prison.
Tas Tepé.
Sont exilés : S. Gheorgoff;
Bogdan Theodoroff.
Prodan Dimitroif, Bogaï Prodanoff, de
Routchas,
Gclezco, de
Koula,
Mikhaïl
Costoff, de
Kava Khadj'r,
âgé de seize
ans, ont été arrêtés et fouettés à mort.
Eni Keny,
une jeune fille de dix-neuf
ans, a été islamisée, ainsi que Ma r i a Gher-
manora de
Jelezcovo.
Le brigand Kew i c k Ky r a n a assommé à
coups de bâ t on Dimitre Vassileff, de
Edjli,
et Ilia Martinoff, de
Sofoular.
Ont été violés par cinq officiers, à
Di-
niotica :
Apostol, âgé de quinze ans ; par
quatre soldats : Dimitre Cliristoff, de
Yl-
dirini;
la jeune lille LambrynaTchomlekt-
cheeva par le mulyazini d'Ortakeni,
Hamdi effendi ; la femme de Mi l i o Stan-
coif, de Av r e n , sous les yeux du mari at–
taché, par Ka r a Hassan, Chéri, Drainly et
leurs compagnons. Aucun de ces viols,
tant militaires que civils, n'a valu de
poursuites à ses auteurs.
Quatorze habitants de
Karahardy
ont
été arrêtés et emprisonnés à Andrinople,
après avoir été savamment t o r t u r é s en
route à Ko r k Kilissé.
Enfin, contrairement à l a nouvelle que
nous avions donnée, les condamné s du
procès de Salonique n'ont pas été graciés
sur la demande de l'ambassade russe. Le
fait était tenu pour certain par les familles
même s des victimes. Brusquement, le
19
juillet, les portes de la prison s'ou–
vrirent en effet pour donner passage à la
police et à l a troupe, et les prisonniers
furent avisés de leur départ immédiat.
Encha î né s deux par deux, les menottes
aux mains, ils furent conduits sous l'es–
corte de deux régiments jusqu'au ba-
Fonds A.R.A.M