tail. Les paysans se divisaient en trois
classes :
mulkadaristes
ou
beckistes,
qui
payaient l'impôt aux mulkadars ;
iiou-
listes,
ceux qui payaient aux bénéfi–
ciaires des tiouls ;
rajatas,
ceux qui
payaient directement à l'État.
E n dehors de ces trois catégories
existaient encore des
radjbar
(
ouvriers)
qui ne payaient ni impôts ni contri–
butions, mais étaient obligés de labou–
rer les terres de l'État et des Khans
qui leur assignaient des terres et leur
fournissaient les semences et les ou–
tils agricoles en prélevant de la moitié
aux quatre cinquièmes du produit. E n
outre les radjbars surveillaient les jar–
dins des khans et servaient de domes–
tiques dans leurs maisons. C'étaient
des espèces de serfs sans domicile fixe
ni mobilier agricole : dans la province
d'Erivan ils formaient des villages en–
tiers dans la dépendance du sardar.
Des i ndemn i t és d'impôt étaient ac–
cordées aux mollahs, seïdes et der–
viches, au clergé arménien et aux
naïbs (baillis) des villages; les per–
sonnes dans cette condition étaient
appelées
maaf,
c'est-à-dire « pardon-
nés ». L a condition de maaf pouvait
être acquise à prix d'argent.
Après la conquête, en l'absence de
tout règlement écrit, le gouvernement
russe se trouva en face de deux corps
très différents quand i l s'agit de déter–
miner les terres et revenus de la cou–
ronne, d'une part les privilégiés, khans,
aghas, becks, méliks, d'autre part les
habitants urbains et ruraux qui se d i –
visaient selon la nature des terres et
le mode d'impôt en :
1
° Rajatas;
2
° Mulkadaristes;
3
° Tioulistes ;
4
° Jarikars qui payaient la moitié de
leur revenu au sardar d'Erivan ;
5
° Radjbars;
6
° Domestiques des Khans;
7
° Cavaliers;
8
° Maafs par rachat;
9
° Maafs par fonction (mollahs, der–
viches, clergé arménien).
Par une série d'enquêtes et de dé –
crets dont le plus ancien date de 1817
(
général Ermoloff) et le plus récent est
de 1883, mais dont le plus important
est le rescrit impérial de 1846 adressé
au prince Voronzoff, les paysans d'Etat
ont été définis ainsi qu'il suit :
Sont paysans d'Etat ceux qui ha–
bitent les terres :
1
° De la couronne;
2
° Du haut clergé musulman;
3
° Des domaines avec droit de tioul;
4
° Des domaines de mulkadar;
5
° Les paysans propriétaires;
6
° Ceux qui habitent des domaines
confisqués en tout ou partie aux per–
sonnes privées.
Ainsi les paysans d'État et par ana–
logie les paysans a rmén i ens de Tur–
quie et de Perse se trouvaient dans
une situation juridique et économi que
assez proche du servage. Mais ils gar–
daient une large autonomie commu–
nale et le pouvoir central ne s'immis–
çait directement pas dans les affaires
intérieures de la commune et n'y i n –
tervenait que par l'intermédiaire des
naïbs.
L a constitution de ces communes
rurales n'est pas sans analogie avec ce
que nous connaissons des commu–
nautés primitives telles que la commu–
nauté germanique ou de survivances
comme le
mir
russe.
(4
suivre.)
ARGISTIS.
DE DIVRIG, DES FRONTIÈRES TURCO-RUSSES,
DE KHARZAN
L E T T R E D E D I V R I O
Divrig, mai
6/19, 1901.
Chers camarades,
Nous vous communiquons par la présente
la situation de notre ville et des environs
pour qu'elle soit publiée dans
Pro Armenia.
I. —
Changement de religion.
En dé–
cembre de l'année passée, une jeune tille de
la campagne de Sis est enlevée et islamisée
par ibrce, par Emine bey, malfaiteur célèbre
d'Andrias, et par ses auxiliaires ; malgré les
supplications de la jeune fille et le rapport du
vicaire, le vortabed Simpat, la victime reste
toujours Turque ; deux jeunes filles lurent
enlevées aussi de Atzibdéré et de Yénikeny
et islamisées par force. Souvent aussi, ils se
contentent d'assouvir leurs passions par vio–
lence ; les Turcs prêchent toujours librement:
«
Arméniens, convertissez-vous à l'islam et
vivez libres. »
II. —
Chômage.
Par suite de l'interdic–
tion de circuler, le chômage et la misère
régnent partout, de sorte que les paysans se
trouvent par centaines dans la ville pour
trouver une occupation et avoir leur gagne-
pain ; en travaillant durement pendant douze
heures, ils ont une rémunération de deux et
demi à trois piastres ; 5o pour cent restent
sans ouvrage ; d'autres ont de l'ouvrage pen–
dant deux jours et sont sans travail pendant
quatre jours ; voilà la situation générale des
Turcs et des Arméniens; l'Arménien n'a pas
de champs, le Turc n'a pas de semences, les
fonctionnaires sont sans pitié, les vicaires
n'ont pas la parole, les riches sans cœur
n'ont pas d'esprit et de sentiment; nous ne
savons comment Dieu travaille...
III. —
Orthodoxie.
Maintenant la plus
grande partie de la population (svirtout tous
les paysans), pour mettre fin à cette situation
intoiérable, se proposent d'accepter i'ortho-
doxie et mener ainsi au moins une vie digne
de l'homme ; cette idée est une question de
jours et se généralise et se développe de jour
en jour malgré nos preuves persuasives et
les difficultés que nous leur soulevons; de
tous côtés on nous répond désespérés et dé–
couragés que, n'importe comment, on est
forcé d'accepter t'orthodoxie ; ie patriarche
ne craint-il donc pas la suppression de son
siège qu'il garde toujours le silence ? En
avril, un jeune homme de la campagne
d'Aneghri, Sahak Sarkissian accepta l'ortho–
doxie, prit un passeport et partit pour Cons–
tantinople ; beaucoup suivront son exemple ;
avenir terrible !
IV. —
Perception d'impôt.
Les percep–
teurs s'en vont dans les campagnes de Pous-
séïde, de Tamghara, de Sévindik, de Va -
ghaver, de Komechdoun. de Michaknotz, de
Guitanotz, de Tzibéri, d'Albana, d'Avghanitz,
d'Aneghri, de Tchirdikhi, de Purke, d'At-
zibder, de Sis, d'Aghravis, etc. ; ils empor–
tent tout ce qu'ils trouvent, ils en vendent et
touchent le prix ; ils vendent même aux
enchères la farine qui est dans les sacs, les
draps des lits à deux piastres et demie, et ils
ramassent ainsi les impôts ; c'est avec cela
que le souverain fera vivre sept corps d'ar–
mée énormes. Je ne vous parle pas i c i des
atrocités que les agents percepteurs com–
mettent sur les pauvres paysans ; l'honneur
de famille des paysans est devenu un objet
de risée dans les mains des créatures effron–
tées.Dernièrement, dans une campagne grec–
que, appeiée Ovadjik,une femme a été violen–
tée et déshonorée ; quand le prêtre envoie un
rapport, les fonctionnaires du gouvernement
répondent effrontément : « Est-ce qu'un mu–
sulman est capable d'une telle chose ? » Nous
apprenons que la Sublime Porte, grâce à un
rapport patriarcal, a promis l'ouverture des
chemins, l'ajournement de la perception des
impôts, la libération des prisonniers, mais
je crois que toutes ces promesses sont trop
sublimes pour venir. Non seulement on n'ou–
vre pas les chemins, mais encore on ferme
ceux qui sont ouverts. Dernièrement i l fut
défendu d'aller au Pont, à Smyrne et à d'au–
tres villes maritimes, sous prétexte que les
Arméniens allaient à l'étranger de ces en–
droits ; voilà la situation enviable du peuple.
V . —
L'immigration des Lézkis.
Les
Lézkis déclarent librement qu'ils se sont re–
pentis de leur émigration et ils disent : « Où
Fonds A.R.A.M