cience publique finira bien par être
entendu ; et malgré toutes les fictions
parlementaires et diplomatiques, i l ne
se trouvera pas un ministre, ni un dé –
puté pas même M . Paul Deschanel,
pour s'opposer à ce que le titre de
Grand Assassin soit solennellement dé–
cerné à Abd-ul-Hamid.
Pour l'honneur de M . Delcassé, on
aimerait que le mot fût p r ononcé par
lui.
PIERRE
QU I LLARD .
L i r e
ARMENIA
P a r H . - F . -B . L Y N C H
2
vol.,
197
gravures et plans et une carte
de l'Arménie turque, russe et persane.
Chez Longmans, Grccn et C°, Londres, 3g,
Pater noster road. — Prix :
42
sh.
LES PAYSANS D'ÉTAT
ET LA
COMMUNE RURALE EN TRANSCAUCASIE
M. de Contenson, dans son livre
Chrétiens et Musulmans
et dans la let–
tre généreuse et précise que nous
avons publiée i c i , constatait que l ' Ar –
ménien n'est pas apte seulement au
commerce et à l'industrie, mais aussi
à l'agriculture ; M . Lynch dans l'œu–
vre magistrale qu'il vient de consa–
crer à l'Arménie après deux longs
voyages dans les provinces russes et
dans les provinces turques, aboutit
aux même s conclusions. Il a constaté
au cours de ses explorations en des
pays mal ou peu connus que partout
où le mauvais vouloir des autorités l o–
cales ou l'état de perpétuel massacre et
de vexations continues ne s'oppose pas
trop sauvagement à l'existence même
de la race, l'Arménien plus que ses
voisins slaves, Kurdes, Arabes, Per–
sans ou Turcs est capable de conduire
une exploitation agricole et de renon–
cer aux procédés rudimenlaires qu'il
employait jusqu'ici. On sait d'ailleurs,
qu'en Egypte, par exemple, Boghos
Nubar pacha a mis en pratique les
méthodes les plus récentes et les
mieux éprouvées scientifiquement et
qu'il est l u i -même un inventeur et un
initiateur.
Nous voudrions donner en un bref
exposé une idée des conditions où se
trouvent très souvent les paysans ar–
méniens d'après les documents russes
officiels :
Svod malerialov po izoulche-
niou economitcheskago bgta gossou-
darstvennich krestian
Zakavkazkago
Kraja. — Recueil de matériaux pour
l'étude
de l'Elal
économique
des
paysans d'Etat en Transcaucasie. (Ti–
flis 1887).
Ce recueil de cinq cents
pages in-folio fut rédigé sur Tordre
du Ministre des Domaines de l'État
Ostrovky, d'après des monographies
détaillées par dépa r t emen t s et par dis–
tricts. Il a été rédigé en grande partie
par MM . Eghiazaroff et Zélinsky, fort
compétents en ces matières.
Comme avant la conquête russe,
les Arméniens de Transcaucasie vécu–
rent sous la domination de la Turquie
et de la Perse où les coutumes ne va–
rient guère avec le temps, les notices
historiques consacrées aux paysans
d'Etat et à l'organisation de la com–
mune rurale conservent une valeur
actuelle pour l'état des Arméniens en
Turquie et en Perse. Nous utiliserons
du reste exclusivement la partie du
recueil qui concerne les gouverne–
ments d'Elizavetopol, de Bakou et
d'Erivan avec les districts de Tiflis
(
Akhaltzykh, Akhalkalaki et Boot-
cheli). E n effet, la population a rmé –
nienne est de plus en plus nombreuse à
mesure qu'on avance vers le Sud et
elle p r édomi ne dans le département
d'Erivan.
I.
—
ORIGINE D E S PAY S AN S D ' É T A T
Toute cette partie de la Transcau–
casie s'est trouvée longtemps sous la
domination musulmane turque ou
persane, avec cette différence selon
les deux pays que chez les Turcs sun–
nites le droit à la terre conquise est
passé des mains de l'imam aux mains
du sultan, chef de l'État, au lieu que
chez les Persans chiites le droit restait
à l'imam. D'ailleurs, avec le temps,
chez ceux-ci aussi, la loi religieuse a
été violée et la terre conquise a été à
la disposition du pouvoir civil.
E n général, tout territoire conquis
était partagé en provinces et confié à
des gouverneurs qui moyennant un
tribut annuel, percevaient à leur guise
le reste des revenus et constituaient
une féodalité presque i ndépendan t e .
Les gouverneurs à leur tour remet–
taient à leur entourage et à leurs fa–
voris l'administration de la province
et c'est ainsi que s'est établi peu à peu
le corps des employés musulmans.
Nulle loi ni règle fixe ne dé t e rmi –
nait les rapports entre les gouverneurs
et leurs délégués. Ceux-ci ne rece–
vaient aucun traitement, mais rete–
naient une partie des revenus qu'ils
avaient mission de percevoir et deve–
naient ainsi co-intéressés des gouver–
neurs et du pouvoir central.
Ils touchaient leurs revenus en na–
ture par l'intermédiaire d'employés
appelés
sarkiar
qui représentaient
l'État dans telle ou telle circonscrip–
tion, mais n'avaient aucun droit de
propriété sur la terre et étaient investis
de fonctions viagères ou héréditaires.
Les titres des gouverneurs étaient
fort variés :
Khan
(
Perse),
Agha
(
Seigneur),
Sardar
(
le gouverneur d ' E–
rivan),
Beck
(
Commandant),
Melik
(
seigneur ou prince), nom donné aux
Arméniens nobles.
Tous ces gouverneurs et délégués
portaient le nom collectif de
mulka-
dar,
ceux qui ont le
muelk
(
domaine).
Ils n'étaient pas en rapport direct avec
le paysan qui payait outre la contri–
bution personnelle à l'État 2/10 de la
récolte dont moitié aux fonctionnaires
d'Etat ; l'autre moitié était conférée
par le shah aux sardars d'origine mu –
sulmane ou aux Arméniens notables
en r écompense de leurs services. Ce
droit, viager ou provisoire, appelé
tioul,
ne pouvait être donné à aucun
mulkadar : i l était perçu directement
par le bénéficiaire. Une autre partie
de la récolte, 2/10, était payée aux chefs
militaires et conférée par bérat du
sultan. Aghas et Meliks en surveil–
laient la rentrée.
Ainsi dans les provinces turques et
persanes le corps des privilégiés se
composait de fonctionnaires hé r éd i –
taires, à vie ou temporaires.
Le corps des non privilégiés com–
prenait la population urbaine, arti–
sans et comme r çan t s et la population
rurale, laboureurs et éleveurs de bé -
Fonds A.R.A.M