puis cette défaite des Arabes, aucune lutte
n'a eu lieu ; le gouvernement est néanmoins
inquiet et envoie des soldats tous les jours
car tous les Turcs de notre ville disent que
l'Angleterre est avec les Arabes, et que pro–
chainement Ibn-Rachid qui a une armée ré–
gulière viendra au secours des Arabes.
Tous les Turcs de notre ville sont irrités
contre le Sultan et les Hamidiés et disent :
«
Nous avons massacré les pauvres Armé–
niens, sous prétexte qu'ils étaient des giaours
et qu'ils attaquaient nos mosquées ; ces Ara–
bes sont nos coreligionnaires, des agricul–
teurs et des pâtres malheureux qui ne nui–
sent à personne. Pourquoi donc massacrer
ces innocents ? »
Ces jours-ci les Turcs, sans rien cacher
aux Arméniens, parlent contre le Sultan et
les Hamidiés, et craignent beaucoup l'Angle–
terre qui dans leur idée pourrait aider les
Arabes.
L'iradé du Sultan au sujet des arriérés de
l'impôt militaire n'est nullement mis en exé–
cution ; les impôts sont toujours sévèrement
perçus, par des bastonnades, des emprison–
nements, etc.
On avait parlé que les émigrés seraient
rayés du registre des impôts militaires ; mais
aujourd'hui on prétend que les émigrés de
notre ville n'avaient pas pris leurs passe–
ports, qu'ils étaient partis seulement à Jéru–
salem, à Constantinople et dans d'autres
villes turques, qu'ils devaient par conséquent
payer les impôts.
Il y a quatre ans, on pouvait obtenir un
passeport moyennant quatre livres, mais de–
puis trois mois on nous les refuse môme ainsi.
Toutes les lettres arrivant d'Amérique,
d'Europe, d'Egypte, sont décachetées et tra–
duites et une semaine après, on remet aux
destinataires celles qu'on veut bien leur per–
mettre de lire. Malheur à celui qui a des pa–
rents à l'étranger et est en correspondance
avec eux.
NOUVELLES D'ORIENT
E N
M A C É D O I N E .
Par une extrême,
voire excessive complaisance aux volon–
tés hamidiennes dans l'affaire des « cons–
pirateurs macédoniens ». le gouvernement
bulgare pa r a î t avoir encouragé Hami d à
d'insolentes manifestations. Nedjil effendi
Melhamé, commissaire impérial ottoman,
selon son titre turc, en réalité préposé
aux Vakoufs et chargé simplement d'ad–
ministrer les immeubles appartenant aux
communautés religieuses turques, vient
d'entreprendre un grand voyage dans l a
principauté ; i l a h a r a ngu é un peu partout
la population musulmane et distribué, au
nom de Son Maître, des montres et des
chaînes de montre, en guise de cadeau
impérial. C'est déjà beaucoup que ce per–
sonnage plus que taré soit encore toléré
à Sofia ; on estime maintenant qu'il s'est
permis une trop audacieuse incartade et
qu'il ne serait pas mauvais d'atteindre
Hami d en exigeant le rappel de son valet.
A u reste, bien que Boris Sarafof attende
indéfiniment en prison le jour d'être jugé,
bien que les geôles de Monastir et de Sa–
lonique soient pleines de Macédoniens,
Hamid ne veux pas que le pays soit pa–
cifié et i l continue à y établir, selon sa
méthode, l'ordre réclamé par M . Zino-
wieff et les ambassadeurs européens. Mais
i l désire accomplir ce travail modestement
et n'en veut tirer aucune vanité ; i l désire
même qu'aucun personnage oiliciel n'y
assiste. I l a donc envoyé une circulaire
aux représentants étrangers de Constan–
tinople les priant de recommander à leurs
consuls en Macédoine de ne pas étendre
trop loin leurs promenades par crainte
des
Gomitas ;
pour le même motif, i l a
demandé aux ambassades de France et
d'Italie de rappeler les attachés Pelletier
et Càrlotti, qui avaient entrepris une
excursion dans le pays v i a Salonique, et
les ambassadeurs dociles ont télégraphié
aussitôt à leurs subordonnés de rebrousser
chemin.
S'ils avaient pu continuer leur route,
ceux-ci auraient pu directement rendre
compte des faits suivants :
A Nevrokop.
Arrestation de Georges
Théodoroff et Christo Lazarolf, à l a suite
d'une perquisition. L a police a trouvé des
lettres compromettantes qu'elle avait fait
jeter dans leurs maisons.
A AkhjT-Keny.
Suicide du vieil–
lard Koleff, que l a police traquait après
avoir arrêté ses deux fils.
A Tachly-Mustelin
(
vilayet d'Andri-
nople). — Assassinat de Ivan Petcoff par
le domestique de A l i m bey, Ahmed el
pacha Keny. L'assassin condamné autre–
fois en Bulgarie à dix ans de prison pour
brigandage, est libre, quoique tout le v i l –
lage ait déposé contre l u i .
A Akhy-Tchélébjy
. —
Sadyk agha a re–
pris son ancien métier : le brigandage.
Comme i l avait à se venger du kaïma–
kam Salith pacha, i l rencontra unjour son
fils Nourry et six de ses gardes. Sadyk
agha tua avec sa bande les gens de Nourry,
le blessa lui-même et continua son chemin.
Une foule de témoins prouvent ce fait no–
nobstant que le sous-préfet poursuit
les chrétiens auxquels i l attribue l'attaque
de Nourry. I l cherche des comités (révo–
lutionnaires). De là des perquisitions, des
tortures. Les conseillers municipaux de
Tchomacovo, A . Karamphyloff, Chris-
toctanassouloff et Nasso Ghenin furent
forcés à coups de fouet de signer une dé–
position contre un grand nombre de leurs
compatriotes.
Nombre d'arrestations à l a suite de cet
acte. Quatre des inculpés purent s'échap–
per. Une grande terreur dans les villa–
ges.
Parmi les arrêtés :
Ivan Karamandjoukolf, de Tchoma–
covo;
Son fils Christo, de Tchomacovo ;
Nasso Kyssymoff, de Tchomacovo ;
Gheorghi Milcoff, de Tchomacovo ;
Nasso Gouim, de Tchomacovo ;.
Le négociant Danaïl, de Baïkovo;
Todji Christo, Kiatcho, le libraire Dyat-
cho et Ko l n Soulinadjiatd, de Oustovo ;
Ilia Mollaïvonofl, de Levotchevo.
E n outre, quinze personnes de Tchoma–
covo et autant de Fatovo et Alamidéré; les
prêtres de Raïcovo et le ma î t r e d'école
Mavreff.
E N
A L B A N I E .
Autant qu'il est capable
d'éprouver une émotion autre que la peur,
Hami d doit être fort ma r r i de la dispari–
tion récente de l'un de ses meilleurs ser–
viteurs. A la fin de j u i n dernier, un Alba–
nais déguisé en mendiant a pénétré dans
la tour de Klissoura, sur l a route de Per–
met à Zavalau, et a tué le seigneur de
céans, Djélal ben Klissoura. Celui-ci était
un parfait bandit : petit, bossu, l a figure
jaune, criblée de marques de petite vérole,
i l parcourait le pays avec une bande de
quarante autres chenapans et extorquait
des sommes variées aux paysans, quand
i l ne jugeait pas plus expéditif de les
assassiner. I l avait pour associés le vali
de Janina, Osman pacha, personnage
stupide et malfaisant, et Essad pacha,
commandant de l a gendarmerie de la pro–
vince ; Essad pacha a de qui tenir : i l est
le propre frère de l'illustre Gassi bey, l'un
des assassins à l a solde de Hamid, qui fut
abattu à son tour dans une brasserie de
Pera ; encore Gan i avait-il quelques scru–
pules : i l l u i advint de refuser de tuer un
de ses amis malgré les sollicitations de
Hamid, tandis qu'Essad n'hésiterait pas à
égorger ses propres enfants sur un signe
dè l a Bête.
Le trio Djelal, Osman, Essad opérait
avec une admirable maestria. L ' u n de ses
plus beaux coups fut, i l y a trois ans, le
coup de Permet. Ils se saisirent du chef
des derviches Bekhtachis, Baba Ahmète,
moine très riche et très paisible, et l'expé–
dièrent à Tripoli. Une protestation armée
des habitants de Permet fut étouffée dans
le sang par le chef de l a gendarmerie.
Baba Ahmè t e parvint à s'échapper de
Tripoli et vécut quelque temps à Naples,
à Br i nd i s i et à Corfou. Puis, épuisé de
misère et de maladie, sur promesse qu'il
ne serait pas inquiété, i l rentra en Albanie
où i l fut aussitôt arrêté et expédié cette
fois à Mossorel, hien qu'innocent de tout
méfait.
L a correspondance de Corfou, d'où nous
tenons ces détails, ajoute que l a mort de
Djélal a causé dans le pays un immense
soulagement et, pour donner une idée de
Fonds A.R.A.M