Je ne parle pas seulement des poli–
        
        
          tiques qui, comme Guillaume II, ont
        
        
          cru devoir, par raison d'Etat, flatter le
        
        
          Sultan et traiter en ami et en allié l'au–
        
        
          teur responsable de tant de crimes.
        
        
          Certains esprits forts se croient origi–
        
        
          naux parce qu'ils répudient toute hu–
        
        
          manité.
        
        
          Ces dilettantes de l ' a rménophob i e ne
        
        
          contribuent que trop à prévenir l'opi–
        
        
          nion publique contre un peuple qui a
        
        
          droit aux sympathies effectives du
        
        
          monde civilisé. Il ne faut pas oublier
        
        
          que les Arméniens n'ont pas seulement
        
        
          à lutter contre l'oppression du Sultan,
        
        
          contre les razzias des Kurdes et contre
        
        
          les abus d'autorité des pachas et des
        
        
          beys.
        
        
          A l'heure même oû l'Europe appre–
        
        
          nait avec horreur le massacre systé–
        
        
          matique d'une nation pacifique, un
        
        
          grand empire, dont l'intérêt politique,
        
        
          à défaut de sentiments humains sem–
        
        
          blait devoir faire le protecteur des A r –
        
        
          méniens, inaugurait contre ses sujets
        
        
          de cette race une persécution adminis–
        
        
          trative. Le rapport secret du prince
        
        
          Galitzyne, gouverneur général du Cau–
        
        
          case, au Tsar est un acte d'accusation
        
        
          contre les Arméniens inculpés de dé–
        
        
          loyalisme et de tendances révolution–
        
        
          naires et anti-russes.
        
        
          E n vain, une commission dont faisait
        
        
          partie le prince Oukhtomskky a étudié
        
        
          sur place ces allégations et les a réfu–
        
        
          tées dans un rapport à l'ex-ministre
        
        
          de l'intérieur Goremykine. Rien n'a
        
        
          prévalu contre la néfaste politique de
        
        
          panslavisme et de réaction qui est en
        
        
          train d'écraser la Finlande après la
        
        
          Pologne et les provinces Baltiques.
        
        
          L'Arménie russe, qui a donné au Tsar
        
        
          des hommes d'Etat et des généraux
        
        
          comme Lazareff, Loris Melikoff, Ter-
        
        
          Goukassoff et Schelkovnikof, est traitée
        
        
          en pays suspect, presque rebelle. Suc–
        
        
          cessivement, les mesures les plus arbi–
        
        
          traires ont été prises.
        
        
          D'innombrables Arméniens ont été
        
        
          exilés, transportés dans l'Asie centrale.
        
        
          En 1890, en quelques semaines, plus
        
        
          de 500 écoles a rmén i ennes ont été fer–
        
        
          mées et ont vu leurs ressources con–
        
        
          fisquées. L a société a rmén i enne de
        
        
          bienfaisance du Caucause a été para–
        
        
          lysée par une prétendue réforme de
        
        
          ses statuts.
        
        
          Il y a un mois la société a rmén i enne
        
        
          pour la propagation des livres à Tiflis
        
        
          a été supprimée purement et simple–
        
        
          ment. Grâce à l'activité du censeur, i l
        
        
          ne paraît plus à Tiflis que deux pério–
        
        
          diques, un hebdomadaire et un men–
        
        
          suel.
        
        
          C'est une tyrannie cruelle et imbécile.
        
        
          C'est tout ce que la sainte Russie offre
        
        
          à la chrétienne Arménie.
        
        
          Décidément, entre le Sultan et le
        
        
          Tsar, —
        
        
          
            between the devil and the
          
        
        
          
            deep sea,
          
        
        
          —
        
        
          les Arméniens n'ont plus
        
        
          à compter que sur eux-mêmes , sur leur
        
        
          organisation, leurs laborieux efforts et
        
        
          les sympathies des partisans de la jus–
        
        
          tice et de la Révolution dans le monde
        
        
          entier.
        
        
          
            FRANCIS DE PRESSENSÉ.
          
        
        
          Ii')lFii)éi)ie deVai)t les Guipes
        
        
          Il n'était pas possible aux congrès qui
        
        
          se sont r éun i s pendant
        
        
          l'Exposition
        
        
          d'ignorer la situation lamentable du peu–
        
        
          ple a rmén i en . Quelques-uns des plus im–
        
        
          portants l'ont compris ; de fortes résolu–
        
        
          tions ont été votées au Congrès Universel
        
        
          de l a Paix, au Congrès Socialiste Inter–
        
        
          national, au Congrès International des
        
        
          Etudiants et anciens Etudiants socia–
        
        
          listes, au Congrès de l'Humanité, à la
        
        
          Conférence Internationale des Journa–
        
        
          listes socialistes.
        
        
          L a manifestation fut particulièrement
        
        
          grande et belle au Congrès de la Paix,
        
        
          dans l a séance du 4 octobre, présidée par
        
        
          Charles Richet.
        
        
          De longs applaudissements se produi–
        
        
          sirent lorsque M . Arakelian vint lire la
        
        
          vibrante protestation contre les massacres,
        
        
          protestation qui, à côté de la sienne, por–
        
        
          tait les signatures de nos éminents colla–
        
        
          borateurs Maxime Kowalevsky, Edmond
        
        
          de Roberty, de M M . H . L a Fontaine,
        
        
          sénateur belge, Gambaroff, J . Novikoff,
        
        
          L . Marillier, professeur à l'Ecole des
        
        
          Hautes Etudes, Luc i en Le Foyer, D
        
        
          r
        
        
          Loris-
        
        
          Melikoff, Mikaël Joannissian, Minaz
        
        
          Tcheraz, directeur du journal
        
        
          
            VArménie,
          
        
        
          Tchobanian, directeur de
        
        
          
            YAnahit,
          
        
        
          Bas-
        
        
          madjian, directeur de la revue
        
        
          
            Banaser.
          
        
        
          C'est à l'unanimité et par acclamation que
        
        
          fut votée la motion suivante, dont l a pre–
        
        
          mière partie avait été présentée par la
        
        
          commission, et dont la seconde fut pro–
        
        
          posée comme adjonction par notre colla–
        
        
          borateur de Roberty :
        
        
          Le Congrès,
        
        
          Après avoir pris connaissance d'un mé–
        
        
          moire sur l'Arménie, présenté par M . Arake–
        
        
          lian, publieiste arménien, et d'autres, émet
        
        
          l'opinion que les massacres des Arméniens
        
        
          constituent un des actes les plus odieux com–
        
        
          mis dans ces derniers temps ; i l exprime sa
        
        
          sympathie pour ce malheureux peuple et i l
        
        
          émet le vœu que le gouvernement ottoman
        
        
          soit tenu de respecter les droits imprescrip–
        
        
          tibles des Arméniens, garantis par le traité
        
        
          de Berlin.
        
        
          Le Congrès regrette que la division, les
        
        
          jalousies et une conception étroite des inté–
        
        
          rêts particubers de chaque Etat aient empê–
        
        
          ché jusqu'ici les Puissances signataires des
        
        
          traités de San-Stefano et de Berlin de rem–
        
        
          plir leurs obligations les plus strictes envers
        
        
          un peuple que des engagements formels,
        
        
          ayant une valeur juridique incontestable,
        
        
          leur faisaient un devoir de protéger. Mais le
        
        
          Congrès en même temps espère que le soulè–
        
        
          vement de la conscience universelle et l'indi–
        
        
          gnation du monde civilisé iiniront par im–
        
        
          poser aux gouvernements européens une
        
        
          solution rationnelle et radicale de la question
        
        
          arménienne.
        
        
          Enfin, au banquet qui suivit le Congrès
        
        
          de la Paix, Séverine dit quelques paro–
        
        
          les touchantes sur les « races victimes de
        
        
          la conquête, à la Pologne, à l'Irlande, à
        
        
          l'Arménie, à la Finlande, à l'Alsace-Lor-
        
        
          raine, au Transvaal. »
        
        
          «
        
        
          Le prolétariat, déclarait J a u r è s dans
        
        
          son beau discours prononcé à la Chambre
        
        
          le
        
        
          
            3
          
        
        
          novembre
        
        
          
            1896,
          
        
        
          doit prendre en main
        
        
          cette cause. I l faut que partout i l mani–
        
        
          feste son indignation et sa volonté et
        
        
          qu'il oblige ainsi les Puissances miséra–
        
        
          bles qui, pour ne pas se dévorer entre
        
        
          elles, laissent assassiner tout un peuple,
        
        
          à accomplir leur devoir d'élémentaire
        
        
          huma n i t é avec un ensemble qui suppri–
        
        
          mera toute possibilité de résistance et de
        
        
          conflit et qui conciliera l'œuvre de paix
        
        
          et de justice. »
        
        
          C'est aussi ce qu'a pensé cette anné e le
        
        
          vaste parlement du Prolétariat Interna–
        
        
          tional r é un i à Pa r i s . C'est à l'unanimité
        
        
          des dix-neuf nationalités représentées, au
        
        
          milieu d'applaudissements chaleureux,
        
        
          que la motion proposée au nom de l a
        
        
          commission, par Rosa Luxembourg, fut
        
        
          votée parle Congrès. E n voici le passage
        
        
          relatif à l'Arménie :
        
        
          Le Congrès Socialiste International de Pa–
        
        
          ris, affirmant une fois de plus les sentiments
        
        
          de sympathie fraternelle qui doivent unir
        
        
          tous les peuples, s'élève avec indignation
        
        
          contre les violences, les cruautés, les mas–
        
        
          sacres commis en Arménie, dénonce aux tra–
        
        
          vailleurs des deux mondes la criminelle
        
        
          complicité des différents gouvernements ca–
        
        
          pitalistes, engage les groupes parlementaires
        
        
          socialistes à intervenir à chaque occasion en
        
        
          Fonds A.R.A.M