ces Arméniens, à les emprisonner, à leur
imposer des amendes prétextant qu'ils ont
émigré secrètement en Russie et qu'ils en sont
retournés ; trois personnes à Païazite payèrent
chacun une livre.
Le commandant Zéki pacha a appelé ces
jours-ci les chefs hamidiés à Karakilissé et
s'est entretenu avec eux ; le bruit court que
les Hamidiés vont se concentrer aux fron–
tières de Païazite et d'Alachguerte.
L E T T R E
D ' A L E X A N D R E T T E
3/
I
5
mai
1901.
Les émigrants crétois sont transportés ici.
Le gouvernement turc leur donne des ter–
rains, des habitations et soixante paras par
jour à chacun; mais ils n'oublient pas pour
cela leurs mœurs innées. Ces derniers temps
ils ont commencé à détruire les jardins et les
champs se trouvant en dehors de la ville ; le
jardin du consul persan, Antoine bey Banna,
est journellement victime de leur rapacité et
de leurs pillages ; le gardien est incapable
de les arrêter; i l en a averti plusieurs fois
Antoine bey ; celui-ci a écrit au Kaïmakam
pour protester, mais en vain. Ces derniers
jours, le consul envoie l'un des siens pour
examiner le jardin : ce dernier en y arrivant,
voit des Crétois au nombre de quinze à vingt
qui, entrés dans le jardin, cassaient les ar–
bres fruitiers et battaient le gardien, qui est
un Turc. Il court au secours du gardien et en
fait avertir le consul en même temps ; le ca-
vasse (huissier) arrive avec deux agents ;
on arrête l'un des Crétois et on prend cinq
ou six moutons qu'ils avaient volés. Le consul
intente un procès et réclame l'indemnité pour
les dégâts causés à son jardin. Le lendemain,
des inspecteurs du gouvernement s'en vont
avec Antoine bey pour inspecter le jardin, et
font un rapport des dégâts causés s'élevant à
3,
ooo piastres. Les Crétois arrêtés sont relâ–
chés le soir même. Le consul apprenant cela
s'irrite, mais ne peut rien faire, étant sûr et
certain que c'est le gouvernement qui les
encourage.
Le mécontentement du peuple est extrême
contre les Crétois et contre les agents de po–
lice ; les Turcs même sont ennuyés par les
émigrés crétois et disent aussi que « s'ils
étaient des gens comme i l faut leur pays ne
leur serait pas enlevé ».
C'est l'enfer partout. De tous côtés se
commettent des pillages, des vexations com–
mis même par les fonctionnaires du gouver–
nement. Celui qui ouvre la bouche ; celui
qui prononce deux mots pour défendre ses
droits voit aussitôt les portes de la prison
s'ouvrir pour lui.
Si un consul ne peut même défendre ses
biens, jugez ce qui peut en être pour les pau–
vres gens.
L E T T R E D E C I L I C I E
Souffrances sans fin.
Des nouvelles alarmantes arrivent au sujet
de Zeïtoun, de Hadjine et des campagnes
des environs. Zeïtoun est maintenant dans
une triste situation; des casernes nouvelles
sont construites de quatre côtés ; les campa–
gnes deGirgisson, deMacholouk, deKiredje-
Pounard, de Gold-Pounar, de Déïrmen-Dé-
ressi sont soumises à de terribles tourments,
on avait déjà, il y a six ans, enlevé aux pay–
sans, comme à des révolutionnaires, les mou–
tons, les bœufs, les vaches, les fermes et les
vignes ; ceux qui avaient réussi à s'échapper
à Zeïtoun et à Firnarz étaient sauvés. Ces
derniers jours, les Turcs enlèvent de la cam–
pagne de Macholenk une jeune fille armé–
nienne de quatorze ans ; après avoir torturé
et maltraité la pauvre fille pendant quatre
jours, ils la conduisent dans la campagne des
Tcherkesses, qui se trouve à l'Est de Girgis-
son, à une distance de six heures, ils la gar–
dent pendant quarante-trois jours, et quand
les parents de la jeune fille et son fiancé ont
le courage de venir jusqu'à Marach et d'en
avertir le gouvernement local, on avait fait
déjà embrasser l'islamisme à la jeune fille et
ils l'avaient mariée avec un filou qui l'avait
enlevée.
Le gouvernement de Marach fait venir les
quelques malfaiteurs de la campagne de
Dach-Oulouk ; mais à peine restent-ils en
prison pendant dix à quinze jours, qu'ils sont
relâchés ; le prêtre arménien de Marach,
Der Ohannès Varjabédian a écrit le
18
mars
au patriarche des Arméniens, que les enlève–
ments de jeunes fdles et de jeunes femmes,
les assassinats, les pillages sont devenus là
des faits habituels ; les paysans de Girgisson
sont soumis à des vexations inouïes et leur
faute est de s'être réfugiés à Zeïtoun, pen–
dant ces événements.
L'évêque Garabed Kétchian, le prêtre Der
Garabed, quatre maîtres d'école, deux
chefs, étaient amenés à Marach le
18
mars,
sous une surveillance sévère, pour ne pas
leur permettre de tenter un autre mouvement.
Après un long interrogatoire, l'évêque et les
deux chefs ainsi que le prêtre furent mis en
liberté ; les maîtres d'école sont conduits à
la prison d'Halep, les mains liées.
A Hadjine, pendant les jours de Pâques,
une discussion éclata entre les enfants turcs
et arméniens à propos des œufs ; les enfants
arméniens ne veulent pas jouer avec les
turcs ; dans la lutte, un enfant turc est blessé
à la tête; la police disperse les enfants.
Quelques Turcs du lieu écrivent l'incident à
Bahri Pachan qui attribue la faute au Kaïma–
kam chrétien, et l'en accuse auprès de la Su–
blime Porte ; aujourd'hui le Kaïmakam
(
Iskander effendi,) est appelé à Adana ; celui-
ci n'était jamais aimé par les Turcs de Had–
jine, qui ne pouvaient pas souffrir l'au–
torité d'un Kaïmakam chrétien; déjà à la lin
de l'année
1899,
quand i l fut nommé au
poste de Hadjine, les Turcs du lieu (vingt-
cinq familles) ont protesté en disant qu'ils
ne voulaient pas d'un Kaïmakam chrétien,
sinon qu'ils émigreraient. Mais le sultan leur
persuada que c'était seulement pour un très
bref délai, afin de jeter de la poudre aux
yeux des Européens.
La sécurité manque à Zeïtoun, à Hadjine
et dans les campagnes environnantes ; des
atrocités se commettent aussi aux alentours
d'Adana. Les émigrés crétois et turcs de
Daghistan occupent les terres des campagnes
de Tchiok Marzaran ; les autorités turques
établissent ces émigrés barbares dans des
endroits où se trouvent des Arméniens.
NOUVELLES D'ORIENT
E N
M A C É D O I N E .
Sur le conseil de
l'ambassadeur russe, Hami d renonce à
envoyer une commission d'enquête en
Macédoine. I l s'est contenté de faire con–
damner par la cour criminelle d'Uskub les
dix-sept « agitateurs bulgares » de Cou-
manova.
L'Officiel
de Kossova donne la
liste des condamnations.
L a cour a condamné (par contumace) à
la peine capitale le sieur Xantbi, directeur
des écoles bulgares à Coumanova ; et aux
travaux forcés à perpétuité Anguéli, pro–
fesseur.
Ont été également condamnés aux tra–
vaux forcés à perpétuité : An t on Ilia,
tailleur, et Anastase Caralovios.
A cinq ans de détention dans une en–
ceinte fortifiée : D imi t r i Keuchi, profes–
seur.
A quinze ans de travaux forcés : Bojène,
fils de Petko ; Stoïtcha, fils de Lazo et
Tasso, fils de Bochko.
A six ans de la même peine : Stoyan
Belajo, professeur.
A quatre ans de la même peine : Anguel
Pétro.
A trois ans de la même peine : Stoïtcha,
moukhtar, et Petroch, négoc i an t ; D i m -
tché, fils de Pope ; Stoyan, fils de Costo.
Stoïtcha, fils de Carolo et Bojme, fils
de Stoïco, ont été acquittés.
Comme l a man s ué t ude des tribunaux
hamidiens ne peut que combler de joie
les opprimés de Macédoine, on a décidé
de renforcer la gendarmerie de Salonique
de cent cinquante hommes qui seront com–
mis à la garde de la voie ferrée.
Craindrait-on des représailles ?
S U R L A F R O N T I È R E M O N T É N É G R I N E .
A
Gusinje et à Rresovice, i l y a eu de sé–
rieuses rencontres entre Albanais et Mon –
ténégrins, sujets turcs.
Bi en qu ' à Gusinje, le nombre des morts
se soit élevé à sept, la Porte, selon la cou–
tume, p r é t e nd ne rien connaître de l'af–
faire. Elle découvrira d'ici peu que les
morts ont tué leurs propres assassins :
c'est le progrès ordinaire en ces sortes
d'aventures. Hami d , qui a l a mémoire or–
née des plus beaux aphorismes prononcés
par les assassins célèbres, ses devanciers,
estime, comme Av i n a i n , qu'il est préféra–
ble de n'avouer jamais.
L E
F E U A U P A L A I S .
On sait que le
feu a éclaté tout récemment dans une
chambre voisine de l'appartement où l a
Bête a coutume de dormir. C'est une es–
clave du harem qui aurait mis à exécution
le plan conçu par des complices qu'elle
ne veut pas livrer. Malheureusement l ' i n -
Fonds A.R.A.M