échappèrent que lorsqu'une discussion éclata
        
        
          entre les deux frères qui s'adressèrent l'un à
        
        
          l'autre des menaces de mort, l'un, Ahmed
        
        
          pacha, celui qui a sucé le sang arménien,
        
        
          se retira à Erzeroum et l'autre à Aïntab.
        
        
          Les campagnes arméniennes sont de plus
        
        
          en plus occupées par les Kurdes; aujourd'hui
        
        
          sont tombées sous la puissance des Kurdes
        
        
          les campagnes suivantes :
        
        
          La campagne d'Amade d'Alachguerte est
        
        
          occupée par Salim pacha de Zilan qui a ac–
        
        
          caparé les terrains et les moulins et tous les
        
        
          biens de Mélik Ohan; ce sont les soixante
        
        
          maisons arméniennes qui doivent supporter
        
        
          toutes les charges des deux cents maisons
        
        
          kurdes; ce sont les Arméniens qui pourvoient
        
        
          à leurs besoins, et nourrissent leurs bestiaux;
        
        
          Salfar agha occupe la campagne de Hatchi
        
        
          Sail'ar; les Kurdes d'Achkhal, ont occupé
        
        
          toute la campagne d'Achkal; les Arméniens
        
        
          de ces campagnes sont extrêmement mal–
        
        
          heureux et se trouvent sous l'autorité d'un
        
        
          Kurde influent; Moughdad bey et ses fils se
        
        
          sont approprié aussi la campagne de
        
        
          Erètze.
        
        
          Parmi les campagnes de Karakilissé, Kup-
        
        
          goan, Zéro, sont complètement détruites par
        
        
          Aïbe pacha de Zilan, ses fils Rassoul bey et
        
        
          Asko. Les Arméniens sont dispersés çà et là;
        
        
          l'église arménienne a été transformée en écu–
        
        
          rie ; la campagne de Zéro renfermait soixante
        
        
          familles; cinquante-huit ont émigré en Russie
        
        
          pour sauver les femmes et les jeunes filles
        
        
          des mains de ces bandits ; aujourd'hui i l n'y
        
        
          a que huit maisons, dont les habitants ont
        
        
          été réduits en esclavage. Dans la campa–
        
        
          gne de Khidir se trouve un nommé Haro; ses
        
        
          moulins et ses terrains sont occupés par Ras–
        
        
          soul bey, l'assassin; les paysans de cette
        
        
          campagne ont émigré aussi. L a campagne de
        
        
          Jionghali à Karakilissé se trouve opprimée
        
        
          par les Kurdes de la tribu de Bachma, et les
        
        
          campagnes de Ghazi et de Mongassar sont
        
        
          soumises aux vexations des tribus de Aïbe
        
        
          pacha; les Kurdes ont massacré le fils de
        
        
          Sahagh agha, nommé Mélik, après s'être in–
        
        
          troduits, de nuit, dans la maison, ils ont em–
        
        
          porté toutes les richesses après les avoir pil–
        
        
          lées; le lendemain matin on connut les au–
        
        
          teurs du crime; c'étaient Rassouz bey, Atch-
        
        
          gon et Miner; Sahagh agha ne pouvant
        
        
          résister aux malheurs arrivés, mourut frappé
        
        
          d'apoplexie.
        
        
          Le malfaiteur fameux, Eamène, en hiver,
        
        
          distribue ses bestiaux dans trois ou quatre
        
        
          campagnes arméniennes où l'on doit les gar–
        
        
          der gratis jusqu'au printemps; Eamène est
        
        
          surtout connu par ses atrocités dans les cam–
        
        
          pagnes de Karakilissé; i l fut arrêté pour
        
        
          avoir tué deux agents de police et deux
        
        
          Kurdes; mais quand on a appris que c'était
        
        
          un oppresseur et un pilleur des Arméniens
        
        
          on le relâcha aussitôt.
        
        
          La campagne de Navronz qui appartenait
        
        
          au couvent célèbre de Sourpe Ohan et aux
        
        
          paysans, fut donnée aussi au Cheikh-Calife,
        
        
          venu des environs de Bitlis; le couvent et les
        
        
          paysans furent réduits à la misère et ces der–
        
        
          niers furent obligés d'émigrer en Russie;
        
        
          quinze maisons arméniennes seulement y
        
        
          restent à peine.
        
        
          Le gouvernement mit comme gardien du
        
        
          couvent de Sourpe Ohan, le capitaine Shakir
        
        
          agha avec trente-cinq soldats; i l enleva de
        
        
          nuilavec quinze soldatsla lille de RcsseEgho,
        
        
          âgée de douze ans, toute nue ; on déshonora
        
        
          aussi la femme de Ohan, frère de Resse.
        
        
          Le
        
        
          
            2
          
        
        
          juin
        
        
          
            1900,
          
        
        
          la fille de Sarkissian Avé-
        
        
          disse de Baïazite, nommée Aghavni fut enle–
        
        
          vée aussi par des soldats.
        
        
          Le Turc nommé Bikchin, de Païazite, enleva
        
        
          par la force, au mois de février, la jeune lille
        
        
          Satone, belle-fille de Resse Kévork, de la
        
        
          campagne d'Artzap. Un sergent enleva de la
        
        
          môme campagne, la femme de Haïro, mère
        
        
          de six enfants et après l'avoir déshonorée
        
        
          deux nuits, i l la renvoya. Trois jeunes fdles
        
        
          et trois jeunes femmes, furent enlevées d'A–
        
        
          lachguerte; quatre de Karakilissé; une de
        
        
          Poti; une de Karoughen.
        
        
          La campagne de Poti fut occupée par le
        
        
          commandant hamidié, Békir effendi de
        
        
          Tchilal; les paysans arméniens, environ trente
        
        
          familles, se sauvèrent tous en Russie ; Mou–
        
        
          rad bey Térékémé occupa la campagne de
        
        
          Koumliboudjak; Husséïne agha, commandant
        
        
          hamidié de Haïdar occupa la campagne de
        
        
          Karapazar ; les beys, Mehmed et Motaffa,
        
        
          de la tribu de Haïdar, occupèrent la campagne
        
        
          de Tchoutchan ; vingt familles de la tribu de
        
        
          Zilan, émigrées de Russie, vinrent s'établir
        
        
          dans les susdites campagnes et confisquèrent
        
        
          les terrains des Arméniens et les réduisirent à
        
        
          la misère ; la campagne de Massoun, qui est
        
        
          presqueun camp retranché, est habitéeparun
        
        
          capitaine, nommé Héssan agha, avec quatre
        
        
          cents soldats, qui se trouvent tous dans les
        
        
          maisons arméniennes ; c'est un homme mé–
        
        
          chant et sans moralité ; i l ruina la campagne
        
        
          habitée par soixante familles ; beaucoup de
        
        
          jeunes femmes s'enfuirent en Russie ; les
        
        
          Arméniens doivent lui procurer gratis tout le
        
        
          nécessaire, la nourriture, le fourrage, l'orge,
        
        
          etc., etc. L a campagne d'Arszat, qui est con–
        
        
          sidérée comme la campagne la plus histo–
        
        
          rique de la province d'Alachguerte, près des
        
        
          frontières russo-persanes, ne pouvant résister
        
        
          —
        
        
          i l y a six ans — aux vexations graves et
        
        
          terribles, se vit enlever toutes ses richesses
        
        
          par Ahmed agha (commandant hamidié de
        
        
          la tribu de Tchilal) ; le gouvernement et le
        
        
          clergé de la nation adoucirent les souffrances;
        
        
          mais aujourd'hui, les vexations vont en
        
        
          augmentant ; depuis deux ans, le produit du
        
        
          travail des Arméniens est accaparé ; la
        
        
          situation est devenue intolérable, et si cela
        
        
          continue, tous vont émigrer ; le gouverneur
        
        
          n'a aucune influence; les Kurdes sont libres;
        
        
          ils font ce qui leur plaît ; ils sont indépendants;
        
        
          les tribunaux, les cours du gouvernement,
        
        
          dans les provinces, ne sont que pour les Ar–
        
        
          méniens ; le Kurde est libre de torturer les
        
        
          Arméniens ; i l ne connaît pas de tribunal.
        
        
          Entrez au centre de la province, à Païazite :
        
        
          la loi n'y est pas égale pour tous ; si le juge ou
        
        
          le président réclament l'obéissance aux lois,
        
        
          ils sont révoqués ; les événements de Khass-
        
        
          > dour se produisirent en
        
        
          
            1899
          
        
        
          par suite de la
        
        
          présence de quelques voyageurs émigrants ;
        
        
          les Kurdes, de concert avec les soldats, ont
        
        
          librement emporté toutes les richesses ; ils
        
        
          ont tué environ trois cents personnes,hommes,
        
        
          femmes et enfants ; trente-cinq personnes
        
        
          furent emprisonnées à Alachguerte pendant
        
        
          un an, chargées de chaînes, et journellement
        
        
          torturées par des bastonnades ; quand elles
        
        
          furent transportées à Païazite, les tourments
        
        
          prirent lin, mais deux moururent à leur arri–
        
        
          vée ; parmi les pauvres innocents habitants
        
        
          de Khassdour, arrêtés comme des criminels
        
        
          politiques, vingt-huit furent mis en liberté
        
        
          après un an et demi d'emprisonnement ; cinq
        
        
          personnes, dont deux, le maître d'école
        
        
          Khatchadour, Avédisse de Boulanik, furent
        
        
          condamnés à l'emprisonnement pour toute la
        
        
          vie ; les trois autres, Khazandjion frères,
        
        
          Ohannès et Khatchadour etKouzinalKassbar,
        
        
          chacun à trois ans d'emprisonnement ; la
        
        
          prison du lieu, à Païazite, est un véritable
        
        
          enfer; les cinq prisonniers arméniens, au
        
        
          milieu des Kurdes, brigands et voleurs sau–
        
        
          vages, environ une centaine, sont soumis à
        
        
          des supplices terribles.
        
        
          Païazite et ses environs sont encore dans
        
        
          la terreur et l'épouvante ; le gouvernement,
        
        
          qui craint son ombre, veille jour et nuit; des
        
        
          soldats furent amenés, ces jours-ci, des pro–
        
        
          vinces; des gardiens furent mis aux frontières
        
        
          russo-persanes pour faire une garde active ;
        
        
          les chrétiens sont épouvantés par les Turcs
        
        
          et les Kurdes, par leurs injures et leurs me–
        
        
          naces ; on craint que ces barbares ne portent
        
        
          toute leur colère sur les pauvres habitants
        
        
          qui ont à peine leur gagne-pain.
        
        
          Si cela continue ainsi, aucun Arménien ne
        
        
          pourra résister; à cause de la faim et de la
        
        
          violence, ils seront tous dispersés. Quelques-
        
        
          uns sont emprisonnés, d'autre islamisés par
        
        
          force, d'autres privés de leurs droits ; le pays
        
        
          est dans un complet état de siège, et surtout
        
        
          cette année.
        
        
          Les Kurdes et les Turcs du lieu sont tous
        
        
          armés avec des armes neuves et forment la
        
        
          majorité par rapport aux chrétiens. Le mois
        
        
          passé, soixante-douze émigrés de la Russie,
        
        
          dans le nombre se trouvaient aussi des
        
        
          femmes, furent arrêtés aux frontières turques
        
        
          par les gardes turcs, dont l'un était un ca–
        
        
          poral et deux soldats ; ceux-ci promirent aux
        
        
          émigrés de les laisser continuer leur chemin
        
        
          vers Van, s'ils leur donnent un medjidié à
        
        
          chacun ; les émigrés y consentirent ; les sol–
        
        
          dats, après avoir touché l'argent, les condui–
        
        
          sirent par force à Païazite ; ils les y firent
        
        
          travailler quatre jours par force et gratis,
        
        
          pour la construction d'un tribunal ; d'après
        
        
          l'ordre arrivé, on lit rebrousser chemin aux
        
        
          émigrés vers les frontières russes pour les
        
        
          confier au gouvernement russe; les Russes
        
        
          ne les ont pas reçus ; ramenés à Païazite et
        
        
          on les fait travailler pendant huit jours à la
        
        
          construction du tribunal ; tous les jours on
        
        
          les faisait travailler durement, et les soirs on
        
        
          les emprisonnait; après toutes ces mesures
        
        
          vexatoires, on prit même aux émigrés leurs
        
        
          bâtons ; un nommé Manouk, alors qu'on lui
        
        
          prenait aussi son bâton, ne pouvant tolérer
        
        
          cela, déclara : « Vous nous prenez même
        
        
          nos bâtons, pour que nous ne puissions pas
        
        
          nous défendre contre les chiens ». Le capi–
        
        
          taine, Salih effendi, ayant entendu cela, lui
        
        
          prit son bâton et lui en donna un coup sur la
        
        
          tête ; le malheureux Manouk fut renversé par
        
        
          terre, les émigrés furent reconduits à Van
        
        
          sous surveillance.
        
        
          Le gouvernement a commencé à arrêter
        
        
          Fonds A.R.A.M