ÏIO
          
        
        
          
            P R O
          
        
        
          
            
              i
            
          
        
        
          
            A R M E N I A
          
        
        
          si nous avions à mettre par écrit un à un,
        
        
          nous pourrions remplir, chaque semaine de
        
        
          grands cahiers.
        
        
          Le prix légal pourun passeport dans le pays
        
        
          est de treize piastres, mais ici le respect de
        
        
          cette loi n'est qu'une très rare exception pour
        
        
          un Arménien. Déjà aucune autorisation n'est
        
        
          donnée pour aller à l'étranger, et à l'inté–
        
        
          rieur de sa frontière, excepté pour Constan–
        
        
          tinople, pour aller à Jérusalem ou ailleurs,
        
        
          le prix du passeport est depuis quatre jusqu'à
        
        
          vingt médjidiés ; cela dépend du bon plai–
        
        
          sir du commissaire ou de la richesse de ce–
        
        
          lui qui demande le passeport ; l'habitude in–
        
        
          fâme du commissaire est devenue désormais
        
        
          une loi.
        
        
          Cet hiver, i l y a eu vingt-cinq à trente vols
        
        
          de nuit, tous commis dans des maisons ar–
        
        
          méniennes, mais le gouvernement n'arrêta
        
        
          personne ; on pense que ceux qui commettent
        
        
          ces vols, sont les soldats qui font la garde,
        
        
          établis çà et là dans la ville ; ceux-ci aussi à
        
        
          leur tour sont un fléau pour le peuple. Dans
        
        
          la saison des légumes, ils détruisent les jar–
        
        
          dins, ils volent le cheval ou l'âne du jardi–
        
        
          nier pendant que celui-ci travaille. Dans la
        
        
          saison des fruits, ils s'en vont par bandes
        
        
          dans les vignes et commettent des vols ; per–
        
        
          sonne ne peut protester contre eux ou dire
        
        
          quelque chose car ils sont des soldats, ou
        
        
          sinon ils prennent leur vengeance ; personne
        
        
          n'ose attribuer un pareil affront à un sol–
        
        
          dat du gouvernement, car cela coûterait trop
        
        
          cher au plaignant.
        
        
          Il y a une ou deux semaines, quelques
        
        
          paysans turcs, en se rendant à leur cam–
        
        
          pagne, rencontre dans les vignes un Armé–
        
        
          nien qui revenait de son travail, ils battent
        
        
          impitoyablement le pauvre Arménien, le
        
        
          blessent à la tête et lui enlèvent samontre et
        
        
          sa bourse. Quelques pas plus loin, ils en
        
        
          rencontrent un autre qui eut le même sort et
        
        
          ainsi jusqu'à leur arrivée à la campagne, ils
        
        
          battent quatre ou cinq Arméniens et ils les
        
        
          pillent ; ces derniers, malgré leurs protesta–
        
        
          tions, ne furent pas écoutés et les coupables
        
        
          qui sont connus, se promènent librement.
        
        
          Il y a quelques mois, alors qu'un Arménien
        
        
          s'en allait à une ville voisine, quelques bri–
        
        
          gands le rencontrèrent et le dépouillèrent
        
        
          d'une centaine de livres qu'il possédait ; le
        
        
          malheureux protesta çà et là mais en vain.
        
        
          Récemment, pendant la nuit, on a vidé
        
        
          deux dépôts de blé dans la ville, dont l'un
        
        
          renfermait soixante kilés et l'autre trente k i –
        
        
          lés ; les vols commis "dans les campagnes sont
        
        
          sans nombre ; i l n'y a pas de maison où un
        
        
          vol ne soit commis ; on emporte les vaches
        
        
          de celui-ci, les bœufs de celui-là, et les mou–
        
        
          tons d'un autre ; i l y a d'autres voleurs qui
        
        
          vendent les marchandises emportées, par
        
        
          intermédiaire ou à des prix escomptés, à
        
        
          leurs véritables propriétaires et l'intermé–
        
        
          diaire n'est souvent que le voleur lui-même ;
        
        
          enfin je ne sais que vous raconter ; le pays
        
        
          est condamné à une sorte d'anarchie.
        
        
          Il y a quelques mois, les Turcs ont enlevé
        
        
          d'une campagne arménienne voisine, une
        
        
          Arménienne; le frère de celle-ci et ses parents
        
        
          ont protesté mais en vain.
        
        
          De même, i l y a quelques mois, un Turc
        
        
          enleva dans la ville un garçon arménien de
        
        
          six à sept ans.
        
        
          Des faits de ce genre, des souffrances et
        
        
          des tourments sont des choses habituelles
        
        
          pour ce pays ; la situation devient intolérable
        
        
          de plus en plus ; si l'autorisation était donnée
        
        
          i l y aurait beancoup d'Arméniens qui émi-
        
        
          greraient, caria crise économique prend une
        
        
          tournure terrible.
        
        
          J'ai oublié de vous dire plus haut qu'à
        
        
          l'occasion du payement annuel de la dette de
        
        
          la guerre de Russie, outre la perception de
        
        
          plus de la moitié des impôts de l'année pro–
        
        
          chaine, le gouvernement lit des emprunts aux
        
        
          commerçants du pays, trente livres à l'un,
        
        
          quarante à l'autre, et cinquante à un troi–
        
        
          sième, comme i l l'avait déjà fait l'année der–
        
        
          nière. Situation incertaine, état indécis,
        
        
          voyons où va aboutir tout cela.
        
        
          
            
              P. S.
            
          
        
        
          —
        
        
          Outre l'augmentation des impôts or–
        
        
          dinaires, depuis quelques années, de nou–
        
        
          veaux impôts sont créés ; le gouvernement
        
        
          perçoit, depuis huit à dix ans, l'impôt sur les
        
        
          routes, alors que les routes sont toujours
        
        
          dans le même état pitoyable, et si la néces–
        
        
          sité absolue se fait sentir de réparer une
        
        
          route quelconque, on la fait faireparlepeuple.
        
        
          L'autre jour, on a construit ici un bâtiment
        
        
          pour les soldats ; ce sont les Arméniens en–
        
        
          core qui en ont payé les frais et au double.
        
        
          On construit à A... un pont en bois et on ra–
        
        
          masse par force des secours de tous les Ar–
        
        
          méniens qui payent chacun cinq piastres. On
        
        
          va construire un hôpital à S... et ici onramasse
        
        
          des souscriptions par force ; depuis deux
        
        
          jours aussi le crieur public annonce qu'on
        
        
          doit ramasser des souscriptions pour la
        
        
          construction des chemins de fer de Hidjaz ;
        
        
          le peuple pense toujours à gagner son pain
        
        
          quotidien, le gouvernement ne s'en soucie
        
        
          guère et c'est par force encore qu'on va per–
        
        
          cevoir de tous ces souscriptions pour la cons–
        
        
          truction du chemin de fer de Hidjaz.
        
        
          NOUVELLES D'ORIENT
        
        
          
            E N
          
        
        
          
            M A C É D O I N E .
          
        
        
          
            —
          
        
        
          A Constantinople,
        
        
          à Pétersbourg et à Sofia, les commentaires
        
        
          ne cessent point sur l'exposé fait aux
        
        
          délégations par le comte Goluchovvski.
        
        
          Les termes en sont contradictoires, selon
        
        
          la bonne méthode diplomatique et chaque
        
        
          phrase détruit l a précédente. Vo i c i le pas–
        
        
          sage le plus important en ce qui concerne
        
        
          les affaires de Macédoine où l'Autriche
        
        
          s'intéresse tout particulièrement.
        
        
          On désirerait hautement que cette attitude
        
        
          aujourd'hui correcte de la Bulgarie fût com–
        
        
          plétée par une amélioration des conditions
        
        
          administratives des vilayets macédoniens,
        
        
          car les amples mesures de répression que le
        
        
          gouvernement turc a prises de son côté ne
        
        
          sauraient à elles seules extirper le mal dans
        
        
          sa racine et i l sera beaucoup plus possible
        
        
          de compter sur un apaisement durable si à
        
        
          ce point de vue aussi i l est porté remède.
        
        
          Déjà lors des massacres a rmén i en s , le
        
        
          comte Goluchowski pratiquait la réticence
        
        
          et l'ironie supérieure avec tant d'art que
        
        
          l'ambassadeur anglais sir Edmond Mou -
        
        
          som en était émerveillé. Cependant Hami d
        
        
          ne peut s'habituer à l'idée que les tueries
        
        
          et les méfaits cesseront un jour dans son
        
        
          empire, cette idée fût-elle donnée comme
        
        
          ici à titre de souhait et d'hypothèse. I l n ' a
        
        
          donc pas été en t i è r emen t satisfait du lan–
        
        
          gage tenu par le comte Goluchowski et
        
        
          comme les nouvellistes y découvrent des
        
        
          menaces cachées, l'exécution du traité de
        
        
          Berlin par exemple, comme aussi les jour–
        
        
          naux les plus fidèles à l'ombre de Dieu en
        
        
          Autriche-Hongrie, se permettent l'éloge
        
        
          des Jeunes Turcs et annoncent mystérieu–
        
        
          sement l'aube d'une ère nouvelle, l a Bête
        
        
          en ressent quelque i nqu i é t ude .
        
        
          Elle continue toutefois, tandis qu ' i l en
        
        
          est temps encore, la mé t hode ancienne.
        
        
          On tue presque chaque jour autour de
        
        
          Lossovo et pour les procès futurs on a con–
        
        
          duit à Salonique plus de trois cents p r i –
        
        
          sonniers r ama s s é s dans toute la Macé–
        
        
          doine. Quatre nouvelles condamnations
        
        
          à mort ont été prononcées et le nouveau
        
        
          v a l i Tewfik bey a reçu avant de partir de
        
        
          Constantinople des instructions conformes
        
        
          à la magnanime bonté du souverain : ses
        
        
          administrés ne tarderont point à connaî–
        
        
          tre les bienfaits de l a sollicitude imp é –
        
        
          riale.
        
        
          
            L E S
          
        
        
          
            É M E U T E S D E K A S S I M P A C I I A .
          
        
        
          —
        
        
          Les
        
        
          ouvriers de l'arsenal en huit jours ont
        
        
          fait deux émeutes. Ces malheureux, pour
        
        
          la plupart des Lazes venus d'Asie, après
        
        
          huit ans de service, demandaient leur
        
        
          congé et leurs soldes arriérées. Hassan
        
        
          Pacha, ministre de l a marine, qu i partage
        
        
          avec son ma î t r e le produit de ses vols,
        
        
          entendait conserver gratis les esclaves
        
        
          mis à sa disposition par le recrutement
        
        
          maritime. Ceux-ci ont brisé les portes et
        
        
          menaçaient déjà de faire une manifesta–
        
        
          tion tumultueuse vers Y l d i z .
        
        
          Une p r emi è r e fois, l'envoi de troupes
        
        
          d'abord et ensuite une visite précipitée de
        
        
          l'aide de camp teherkesse Mehmed Pacha,
        
        
          réussirent à les apaiser. Mais comme les
        
        
          promesses de Hami d semblaient purs
        
        
          mensonges,le
        
        
          
            26
          
        
        
          mai, une nouvelle émeute
        
        
          a éclaté. Le sultan a o r donné de payer
        
        
          les soldes en retard et de renvoyer dans
        
        
          leurs foyers ses serviteurs insoumis.
        
        
          Mais sa confiance est si précaire que le
        
        
          
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          mai, l a garde du palais a été renforcée.
        
        
          Mi l l e Albanais amenés par train spécial
        
        
          ont été conduits directement par mer de
        
        
          Stamboul à Béchiktacb : ils auraient ris–
        
        
          qué en traversant l a ville d'y respirer le
        
        
          mauvais air du mé con t en t emen t .
        
        
          
            G R È V E
          
        
        
          
            A
          
        
        
          
            L ' A M B A S S A D E D E P A R I S .
          
        
        
          
            —
          
        
        
          Nabi bey, conseiller d'ambassade à Paris,
        
        
          le premier, le second et le troisième se–
        
        
          crétaire, plus un attaché, plus Ve l i Chemsi
        
        
          bey, consul général à Paris ont avisé le
        
        
          Fonds A.R.A.M