cédoine de la part de l a Sublime Porte.
        
        
          Cet article n'est pas caduc; i l est simple–
        
        
          ment violé par l a Turquie. Les Macédo–
        
        
          niens réclament l a mise en vigueur de cet
        
        
          article qui constitue un engagement obli–
        
        
          gatoire et solennel pour l a Turquie. C'est
        
        
          tout leur crime. Par l'application de cet
        
        
          article, l'Europe pourra pacifier l'Orient,
        
        
          étouffer tout genre de conflit politique,
        
        
          et assurer l a vie à deux millions d'êtres
        
        
          humains voués à l a mort par le Sultan.
        
        
          Les événements sanglants que le Sultan
        
        
          p r é p a r e en Macédoine peuvent être ren–
        
        
          dus impossibles par la révolte de l a cons–
        
        
          cience universelle : c'est à elle que notre
        
        
          appel s'adresse par l'organe de l'Alliance
        
        
          universelle des Femmes pour l a Paix. L a
        
        
          Crète ne fut dotée d'un régime légal qu'a–
        
        
          p r è s que son peuple héroïque eût donné
        
        
          d'innombrables victimes; nous sollicitons
        
        
          l'intervention du monde civilisé avant
        
        
          que tout le mal ne soit consommé en Ma –
        
        
          cédoine.
        
        
          L ' Al l i a n c e universelle des Femmes
        
        
          pour l a Pa i x peut, par sa puissante
        
        
          action sur l'opinion, coopérer dans une
        
        
          grande mesure à l a solution de ce tra–
        
        
          gique p r ob l ème . Nous croyons qu'elle
        
        
          n'hésitera pas devant cette grande et noble
        
        
          mission. Dans cet espoir nous proposons
        
        
          au vote de ses membres l a motion sui–
        
        
          vante :
        
        
          «
        
        
          L a Ligue de l a Paix, après avoir pris
        
        
          connaissance du mémoire présenté parles
        
        
          femmes bulgares, envoie ses sympathies
        
        
          aux populations opprimées de Macédoine,
        
        
          émet le vœu que le gouvernement ottoman
        
        
          soit tenu d'assurer aux Macédoniens les
        
        
          libertés nécessaires, stipulées dans l'ar–
        
        
          ticle
        
        
          
            23
          
        
        
          du Traité de Be r l i n et espère que
        
        
          l'opinion publique finira par imposer aux
        
        
          Grandes Puissances une solution équitable
        
        
          de l a question macédonienne qui puisse
        
        
          pacifier l'Orient par l a justice et par l a
        
        
          liberté. »
        
        
          Mémoire présenté au Congrès de l a L i –
        
        
          gue de la Paix au nom des femmes bul–
        
        
          gares parles associations féminines et par
        
        
          les sociétés macédoniennes « Eka t é r i na
        
        
          Sémitchieva », au nombre de trente-trois.
        
        
          LETTRES
        
        
          DE CONSTANTINOPLE ET DE M.
        
        
          
            L E T T R E D E C O N S T A N T I N O P L E
          
        
        
          Des nouvelles sinistres nous parviennent
        
        
          des provinces de l'intérieur surtout de Mouch,
        
        
          de Van et de Zeïtoun. J'ai eu l'occasion de
        
        
          causer plusieurs l'ois avec le prêtre-vicaire
        
        
          de Mouch qui fut amené ici sans surveillance.
        
        
          Il raconte qu'il est impossible de représenter
        
        
          par la plume ou par la langue, les souffran–
        
        
          ces et les privations inénarrables subies par
        
        
          les paysans arméniens de Mouch ; qu'il faut
        
        
          voir tout par ses propres yeux, pour qu'on
        
        
          puisse se faire une idée exacte sur l'état de
        
        
          la population malheureuse. Après le massa–
        
        
          cre de Khassdour, résultat de la vengeance
        
        
          des beys kurdes bien connus, des centaines
        
        
          de femmes et de jeunes filles, nous dit-il,
        
        
          étaient restées moitié nues, comme des
        
        
          oiseaux sans protection poursuivis par des
        
        
          faucons avides de sang sur des montagnes et
        
        
          dans des vallées.
        
        
          Environ trois cents de celles-ci étaient venues
        
        
          demander des secours à Févèché ; i l y avait
        
        
          parmi elles des jeunes filles de quatorze à
        
        
          quinze ans et des jeunes femmes qui par des
        
        
          larmes amères nous racontaient les mauvais
        
        
          traitements que leur avaient fait subir impi–
        
        
          toyablement les Turcs et les soldats sauva–
        
        
          ges dits hamidiés.
        
        
          Le prêtre était en faute d'avoir fait venir
        
        
          ces malheureuses au siège épiscopal pour
        
        
          leur distribuer les secours arrivés du Patriar–
        
        
          cat; cela fut considéré comme une manifes–
        
        
          tation de la part du gouvernement qui sou–
        
        
          mit le prêtre à un interrogatoire.
        
        
          Les habitants de Sassoun subissent des
        
        
          molestations de mille sortes jusqu'à leur ar–
        
        
          rivée en ville où ils pourvoient à leurs besoins
        
        
          de première nécessité; déjà personne ne
        
        
          peut aller de Mouch dans les campagnes de
        
        
          Sassoun car i l est aussitôt arrêté comme ré–
        
        
          volutionnaire. Notre interlocuteur ajoute que
        
        
          sur la frontière fa lutte perpétuelle règne
        
        
          même parmi les tribus kurdes et ce sont
        
        
          encore les pauvres paysans arméniens qui
        
        
          sont les victimes.
        
        
          Le prêtre Ohannès Varjabédian, vicaire
        
        
          épiscopal de Marach, écrit au Patriarcat le
        
        
          i5 mars, que des troubles avaient eu lieu à
        
        
          Zeïtoun le 5 mars. Les princes Gulvanessian
        
        
          et Passilossian, l'évêque Garabed, abbé du
        
        
          couvent de Zeïtoun, le prêtre Garabed, vi–
        
        
          caire, et quatre maîtres d'école furent arrêtés
        
        
          comme des gens suspects et entrepreneurs
        
        
          d'affaires révolutionnaires et ils furent jugés
        
        
          à Marach ; après un long interrogatoire, l'é–
        
        
          vêque, le prêtre et les deux princes furent relâ–
        
        
          chés, car on ne trouvait aucune preuve d'ac–
        
        
          cusation contre eux; les quatre maîtres d'école
        
        
          furent conduits à la prison centrale.
        
        
          Le vicaire épiscopal de Marach dit que les
        
        
          Arméniens des campagnes de Kirédjpounar,
        
        
          de Geulpounar, de Déïrmen-Déré, de Tacho-
        
        
          louk à Zeïtoun, sont soumis à des vexations
        
        
          terribles.
        
        
          Bedross Garabedian, de la campagne de
        
        
          Tacholouk, épouse une jeune fiile de quatorze
        
        
          àquinzeans,nomméeMartha. LesTurcsvoyant
        
        
          la beauté de la jeune tille, viennent, la nuit de
        
        
          la noce, attaquer la maison en disant qu'on
        
        
          y avait caché des révolutionnaires; dans le
        
        
          désarroi, deux vauriens font sortir dehors la
        
        
          mariée par force et après l'avoir attachée
        
        
          sur un cheval ils la conduisent à la campa–
        
        
          gne voisine des Tcherkesses, où ils la gardent
        
        
          pendant quarante-cinq j ours ; le père de la j eune
        
        
          fille s'en va à Marach pour protester; le gou–
        
        
          vernement du lieu ne pouvant dissimuler cette
        
        
          violence évidente, arrête l'un de ceux qui
        
        
          avaient enlevé la jeune mariée et l'emprisonne,
        
        
          mais ce qui est regrettable ou mieux ridi–
        
        
          cule, c'est qu'ils ne renvoient pas la mariée,
        
        
          et ils disent qu'elle a déjà embrassé l'isla–
        
        
          misme et qu'elle est enceinte ; le turc prison–
        
        
          nier fut relâché une semaine après.
        
        
          Dans les campagnes arméniennes d'Andé"
        
        
          roun et les campagnes susmentionnées des
        
        
          enlèvements de jeunes filles et de mariées
        
        
          sont des faits habituels. Les épouses et les
        
        
          jeunes filles des campagnes ne peuvent pas
        
        
          aller dans les champs, dit le vicaire épisco–
        
        
          pal de Marach.
        
        
          Le gouvernement turc prend des précau–
        
        
          tions au sujet de Zeïtoun; depuis ces derniers
        
        
          trois ou quatre ans, i l fit construire d'assez
        
        
          vastes casernes en quatre endroits :
        
        
          i° Dans le lieu appelé Evidjek, qui est au
        
        
          nord-est de Zeïtoun ;
        
        
          
            2
          
        
        
          
            °
          
        
        
          Près de Bertiz, à l'est ;
        
        
          3
        
        
          ° Dans le lieu appelé Anitzor, près du pont
        
        
          Djihani;
        
        
          4
        
        
          ° Dans le lieu qui relie les défilés de Fir-
        
        
          nouz et de Zeïtoun.
        
        
          Les soldats de garde de ces lieux sontaunom-
        
        
          bre de six cents environ, et surveillent, comme
        
        
          des gardiens de frontières, les faits et gestes
        
        
          d'une poignée de Zeïtouniotes; la grande ca–
        
        
          serne qu'on a réparée et agrandie un peu se
        
        
          trouve dans le même lieu et renferme cinq
        
        
          cents soldats. Pour ne pas ê tre privé d'eau,dans
        
        
          une circonstance inattendue, on a creusé une
        
        
          très vaste citerne dans la caserne ; mais l'eau
        
        
          n'en étant pas si bonne, ils sont obligés de
        
        
          boire de l'eau qui arrive du couvent ou à la
        
        
          fontaine qui se trouve à côté du mur de la
        
        
          caserne environnée par des maisons que
        
        
          les nôtres étaient obligés de démolir pour
        
        
          s'emparer de la caserne.
        
        
          De très rares étrangers peuvent s'intro–
        
        
          duire à Zeïtoun et cela après mille et mille
        
        
          formalités; si l'autorité locale commet l'im–
        
        
          prudence de faire des perquisitions dans des
        
        
          maisons et d'arrêter les gens, elle aura trou–
        
        
          blé ces montagnards arméniens, généreux et
        
        
          invincibles, qui viennent de respirer et se
        
        
          tranquilliser un peu.
        
        
          
            L E T T R E D E
          
        
        
          M.
        
        
          M.,
        
        
          12
        
        
          mars
        
        
          1901.
        
        
          Ainsi que je vous avais écrit dans ma pré–
        
        
          cédente lettre, les menaces absolues d'un
        
        
          massacre probable occasionnées, ici aussi,
        
        
          par suite du massacre, ont diminué un peu ;
        
        
          par contre, l'état économique du peuple
        
        
          prend toujours une triste physionomie de plus
        
        
          en plus, de sorte que l'année présente nous
        
        
          fait regretter l'année passée et celle-ci les
        
        
          années précédentes. Peu après le massacre,
        
        
          la crise économique a étendu son bras silen–
        
        
          cieux, mais destructif et terrible ; elle a en–
        
        
          veloppé le pays de nuages noirs et sombres,
        
        
          pour semer partout la misère, et pour com–
        
        
          bler, semble-t-il, le vide de l'ignoble mas–
        
        
          sacre, mais cette fois-ci avec cette grande
        
        
          différence, que toutes les races et nations
        
        
          sont soumises à la même règle. Il règne ac–
        
        
          tuellement une situation incertaine et très
        
        
          pitoyable. Je puis dire que presque plus d'un
        
        
          tiers des habitants de la ville sont sans ou–
        
        
          vrage, car i l règne une disette absolue d'ou–
        
        
          vrage ; et ceux qui sont plus ou moins occu–
        
        
          pés à leurs propres affaires pour se procurer
        
        
          leurs moj
        
        
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          ens d'existence, ceux-là même se
        
        
          plaignent amèrement, car après avoir fait
        
        
          Fonds A.R.A.M