Après un recueillement de quelques années, employées à rétablir
les affaires de la nation, quelques familles arméniennes qui n'avaient
pas souffert des luttes religieuses, envoyèrent leurs enfants s'in–
struire à l'étranger, et principalement en France et en Angleterre.
Ceux qui étudièrent en France occupèrent dans la hiérarchie
ottomane des positions élevées, tels que les Aghaton, les Servitchen,
les Fchamitch, lesVartan, les Mihran, etc. Ceux qui étaient partis
pour l'Angleterre s'établirent pour la plupart à Londres et à Man–
chester, et y formèrent une colonie prospère qui s'adonna surtout
au commerce des cotonnades anglaises introduites par eux, petit à
petit, jusque dans les centres les plus reculés de l'Anatolie. L'esprit
pratique de la vie anglaise pénétra dans ces milieux avec l'aisance
que procure le travail. Des sociétés se formèrent pour propager
l'instruction dans le peuple en Asie Mineure, et partout des écoles
furent fondées. C'est alors que des missionnaires américains péné–
trèrent dans le pays, y trouvèrent un terrain facile et cultivèrent
ce petit mouvement de renaissance. Ils réussirent à convertir au
protestantisme un certain nombre d'Arméniens dont les fils allè–
rent fonder quelques comptoirs aux Etats-Unis.
Le régime gouvernemental actuel du Turc, essentiellement
réfractaire à toute idée de progrès, vit d'un œil inquiet ce mouve–
ment naissant.
L'ouverture de nouvelles écoles fut interdite, et les gouverneurs
de province provoquèrent la fermeture de celles qui étaient déjà
établies. Ces mesures contribuèrent à irriter les Arméniens et à
leur rendre la vie insupportable. Des associations se formèrent pour
réagir contre les prétentions desTurcs. Des comités furent constitués
à l'étranger pour aider le peuple à payer les maîtres d'école, et à
l'encourager dans la résistance. La tâche n'était pas facile, car
déjà les Turcs maltraitaient les familles dont les membres étaient
allés chercher au dehors la vie dans le travail.
Les persécutions recommencèrent et la question arménienne
allait naître de nouveau devant l'Europe, par suite de cette mau–
vaise administration du gouvernement turc.
Le traité de Berlin avait promis auxArméniens des réformes : ils
tournèrent leurs regards vers l'Europe. De 1885 à 1889, plusieurs
Fonds A.R.A.M