Tous ceux qui ont vécu en Orient connaissent le rôle que joue
la religion dans les destinées des nations de ces contrées.
Mgr Hassoun, désireux de conserver aux Arméniens l'appui de
la France, essaya de ramener à la confession catholique les Armé–
niens de Zeitoun et notamment leurs chefs ou princes. En effet,
ceux-ci, au nombre de six, se rendirent à Gonstantinople et em–
brassèrent publiquement lé catholicisme. Mgr Hassoun voulut
aussi convaincre le clergé arménien grégorien d'accepter l'union
avec l'Eglise de Rome et i l engagea même, à cet effet, des pourpar–
lers à Gonstantinople avec Mgr Nersès, le célèbre patriarche armé–
nien grégorien ; mais ses démarches devaient rester sans succès*
Le bas clergé grégorien objecta que, si la suprématie de Rome
était reconnue, la liturgie nationale serait un j our latinisée et
l'Arménien aurait ainsi perdu le seul caractère distinctif qui l'avait
fait vivre à travers les siècles, c'est-à-dire l'autonomie de son
Eglise et la langue de ses aïeux.
Néanmoins, 50.000 familles étaient prêtes à embrasser le catho -
licisme, lorsque éclatèrent à Gonstantinople les fameuses querelles
entre les Arméniens catholiques eux-mêmes, à la suite d'une ques–
tion de suprématie de rite imposé par la bulle
Reversurus,
et la
communauté se divisa en deux groupes, les hassounistes et les
anti-hassounistes.
La lutte dura plus de dix ans, et continua à ruiner cette petite
communauté, qui formait alors le noyau le plus éclairé, le plus ins–
t r u i t et le plus riche de la nation arménienne.
Les six chefs précédemment convertis, voyant que, malgré l ' i n –
tervention de la France, leur indépendance leur était enlevée par
la construction d'une citadelle à Hadjin, à quelques kilomètres de
Zeitoun, celle précisément dont i l est question actuellement, retour–
nèrent à leurs montagnes et revinrent à leur ancienne foi.
La question arménienne qui, à cette époque, avait été posée
devant l'Europe par la lettre de Mgr Hassoun à Napoléon I I I , se
termina dans des luttes et des dissensions intestines.
La guerre franco-allemande de 1870 survint; la France se désin–
téressa de l'Orient et la nation arménienne rentra dans le silence
et le travail.
Fonds A.R.A.M