Salvatore, franciscain assassiné le 18 novembre 1895 avec onze
autres chrétiens, par les musulmans, près de Marasch, dans
l'hospice même de Mudjuk-Déressi qu'il dirigeait.
Le colonel de Vialar était parti de Constantinople, accompagné
de plusieurs hauts fonctionnaires mis à sa disposition par le sultan,
pour « faciliter son enquête » , en réalité pour la surveiller,
l'entraver et la faire tourner, si possible, à la justification de cet
abominable meurtre.
Le vali d'Alep, soigneusement stylé, avait reçu l'ordre de faire
disparaître les traces du crime et d'empêcher surtout qu'on ne
retrouvât les restes du père Salvatore.
Après des recherches fort habilement dirigées, le colonel de
Vialar découvrit une petite fille arménienne dont l'oncle, qui
servait de guide au père Salvatore, avait été massacré avec lui.
Elle se rappelait que la tuerie avait eu lieu près de deux maisons
habitées par des Turcs, et dont elle désigna l'emplacement. Au
bout de quelques jours de fouilles, on découvrit dans un ravin les
restes des victimes qu'on avait incomplètement brûlées, des bras,
des doigts, des lambeaux de vêtements, des cordes comme celles
qui servent de ceintures aux religieux. Le tout fut mis dans une
caisse, scellé et envoyé à Constantinople.
Au cours de cette enquête, le colonel de Vialar constata d'autres
faits qui, comme i l le déclara lui-même aux délégués turcs, le
remplirent d'horreur pour le système de gouvernement suivi par
la Porte. I l réitéra ces déclarations aux correspondants du
New-
York-Herald
et du
Temps
dont les interviews, grâce à la
pres–
sion
exercée par l'ambassade turque, ne furent point reproduites
par leurs journaux.
Le colonel de Vialar avait pu constater, entre autres, que
presque chaque soldat turc possédait une jeune fille arménienne
qu'il s'était adjugée après avoir massacré sa famille. Des officiers
ont des harems entiers de filles arméniennes, qu'ils vendent au
premier venu un medjidié (5 f r . ) , les petites, une livre turque
(
environ 23 fr.), les nubiles.
Des centaines de femmes furent vendues aux marchaûds
Fonds A.R.A.M