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d'esclaves de Perse et d'Arabie. Le colonel vit de ses propres
yeux une Arménienne précipiter ses deux filles, âgées de huit et de
dix ans, dans un puits, pour les soustraire à l'infamie. M. de
Vialar sauva l'une des deux, l'autre était déjà morte lorsqu'on-la
retira.
Un jeune Arménien, qui se rendait de Marasch à sa vigne pour
travailler, n'avait pas fait 300 pas au delà de la porte de la ville,
qu'il fut tué à coups de fusil puis mis en pièces à coups de hache et
de sabre.
D'autres fois, on bâtonnait les victimes jusqu'à la mort, on les
perçait avec des clous ou des fils de fer rougis au feu.
Partout les autorités turques montraient le plus mauvais vouloir,
et, lorsqu'on dénonçait ces abominations, prétendaient que c'étaient
les Arméniens qui avaient commencé. Depuis les valis jusqu'au
dernier bachibouzouk, i l y avait une entente complète, et partout
avait été donné l'ordre confidentiel de massacrer surtout les
hommes valides, afin d'arrêter toute résistance.
Tous ces détails se trouvent consignés dans le rapport de M. de
Vialar.
Le rapport évalue à plus de 100.000 le nombre des Arméniens
massacrés, à 80.000 environ celui des malheureux morts de
maladie, de misère et de faim.
Le prochain hiver enlèvera ce qui reste de ce malheureux peuple
dont l'épouvantable calvaire restera un stigmate éternel pour
l'Europe chrétienne.
Revue de l'Orient,
15
avril 1896.
Fonds A.R.A.M