serve dans une châsse d'ambre et d'argent. Ils ont déchiré et jeté
au puits les livres et manuscrits rares de la bibliothèque.
Le carnage continua le 3 novembre. Pendant ces trois journées,
des centaines de soldats faisaient tomber, du haut des minarets et
des forteresses, une grêle de balles sur les quartiers des chrétiens
afin de les empêcher de fuir par les toits. Mais les chrétiens aux
abois fuyaient avec leurs familles, en perçant les murs des maisons
voisines. Parmi ces fuyards, 2000 ont cherché refuge au consulat
de France et 3500 chez les missionnaires latins. Le nombre des
blessés et des dévalisés qui se sont réfugiés à 1 église arménienne
de S. Gyriaque s'élevait à 4000, sans compter 3000 qui ont cher–
ché refuge à l'église syrienne de la sainte Vierge.
Le consul de France déploya le drapeau tricolore et adressa
télégrammes sur télégrammes à l'ambassade de France à Constan-
tinople. Le vali reçut, le soir du troisième jour des massacres, un
télégramme du Sultan, lui ordonnant d'y mettre un terme. Le car–
nage cessa comme par un coup de baguette.
Bien des chrétiens qui ont survécu aux massacres ont été jetés
en prison et exposés à la torture. On trouve au nombre des ces
innocents M . le D
r
Bédros Tchouboukdjian, un savant distingué,
depuis dix-huit ans médecin de notre municipalité et qui, pendant
les épidémies, a héroïquement exposé sa vie pour sauver celle des
malades musulmans. On a emprisonné également le notable syrien
Hodja Youssouf, qui, retranché avec ses enfants dans sa maison-
forteresse, s'est servi de son fusil pour repousser les massacreurs
et a tué une trentaine de ces barbares; on l'a condamné à mort, et
i l sera dirigé sur Constantinople, chargé de chaînes. Les autres
prisonniers sont des habitants du quartier arménien de Sourp Sar–
kis, où les massacreurs ont été reçus à coups de fusil. Le crime de
tous ces chrétiens est donc d'avoir survécu aux tueries organisées
par le gouvernement de Hamid-le-Massacreur.
L'Arménie,
15
mars 1896.
Fonds A.R.A.M