à la sécurité des chrétiens. Enis et le commandant des troupes
l'assurèrent que les chrétiens ne couraient aucun danger et le
prièrent d'inviter les Arméniens à rouvrir leurs magasins. L'archi–
mandrite, trompé par leurs serments, se rendit au bazar et parvint
à dissuader un grand nombre de chrétiens, qui rouvrirent leurs
boutiques. Les massacres commencèrent une demi-heure après.
Plus de 20.000 Turcs et Kurdes de la ville et de la campagne
s'étaient réunis dans les quinze mosquées de notre ville et dans les
quartiers musulmans, sous prétexte de faire leurs dévotions de
vendredi. Un prédicateur fanatique, Abbas Khodja, prêche la
guerre sainte dans la mosquée d'Oulou Djami. I l termine par ces
mots: « Par ordre de notre Coran et par décret de notre Sultan,
chaque vrai musulman doit massacrer vingt-cinq giaours et s'em–
parer de leurs biens, de leurs femmes et de leurs enfants. Allons !
braves mahométans ! Victorieux
(
ghazi)
ou martyrs
(
chéhid),
vous serez reçus à bras ouverts au paradis de Mahomet. »
A ces mots, les musulmans fanatisés marchent sur le bazar, armés
de sabres, de poignards, de fusils et de haches et criant à tue-tête
la prière de Mahomet
(
Salavaté Mouhammed).
Ils sont suivis
par les musulmans des autres mosquées. Tous cherchent des giaours
pour les écraser.
Ces barbares immolèrent d'abord, sur le seuil d'Oulou Djami,
douze chrétiens et léchèrent sur leurs sabres le sang des victimes.
Ils traînèrent dans la cour de la mosquée les cadavres, qu'ils coif–
fèrent de turbans blancs. Ils massacrèrent ensuite des milliers de
chrétiens et pillèrent 2.000 boutiques.
Pour sauver les apparences, les autorités avaient envoyé en
patrouille, avant ces tueries, quelques escouades de 20-30 soldats.
Pourtant, Azamat Pacha,commandant delà gendarmerie, ne tarda
pas à jeter son masque. I l profita des boucheries pour piller le mar–
ché des orfèvres, où i lfitmain basse sur les perles, les ornements
d'or et les pierres précieuses appartenant aux Arméniens. I l visita
également les magasins des négociants arméniens et enleva sans
façon tout l'or et toutes les marchandises précieuses qu'il y trouva.
Vers le soir, on entendit la trompette. Les chrétiens crurent que
l'armée allait enfin intervenir pour mettre fin au carnage, et les
Fonds A.R.A.M