avaient eu soin de barrer toutes les issues, et elles éventraient à
coups de baïonnettes les malheureux fugitifs qui se dirigeaient
vers elles dans l'espoir d'être protégés. Le pillage des boutiques
suivait de près le meurtre de leurs propriétaires et locataires.
Environ dix-huit cents magasins sont complètement saccagés dans
l'espace de quatre heures et réduits en cendres par les flammes de
pétrole.
Ces sauvages agresseurs se dirigent ensuite vers les maisons des
quartiers chrétiens. Ah ! s'ils s'y contentaient du pillage et de
l'incendie. Mais ces méfaits ne sont rien à côté des horreurs
et des turpitudes auxquelles ils se livrent dans ces demeures dont
les pieux habitants n'y respiraient depuis des siècles que la pure
atmosphère delà modestie chrétienne. Le courage me manque pour
tracer le révoltant tableau de ces abominations ! Les Turcs profitent
du désespoir de leurs malheureuses victimes pour les contraindre à
renier leur foi. La proposition est d'abord faite aux pères de famille ;
si celui-ci témoigne de la fermeté, ses enfants sont égorgés sous ses
yeux, sa femme et ses filles subissent d'autres outrages et si le
courageux chrétien persiste dans son héroïque résolution, i l est
immolé sur les cadavres encore tout chauds des siens ! Gomment
décrire les raffinements qu'invente la cruauté de ces fanatiques ! Je
n'en citerai qu'un eyemple entre mille : ces barbares déchiraient
avec des lames tranchantes les entrailles des femmes enceintes et
les foulaient aux pieds.
Ces horreurs durent jusqu'au soir du 3 novembre. Pendant tout
ce temps, les soldats, postés sur les remparts et sur des tours,
maintenaient sans interruption une fusillade nourrie et dirigée vers
les quartiers des chrétiens, dans le but de rendre impossible l'éva–
sion de ces derniers par les terrasses des maisons.
Quant au gouverneur général, installé confortablement sur un
point culminant, à proximité de l'hôtel municipal, i l contemplait
avec une satisfaction diabolique ces scènes horribles, en fumant
tranquillement. Sourd aux supplications des chefs religieux chré–
tiens qui imploraient à genoux sa clémence, i l n'ordonne la cessation
des massacres que le dimanche soir. L'ordre officiel est vite exécuté ;
et si la bagarre continue encore dans les rues, c'est entre Turcs
Fonds A.R.A.M