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demande à son souverain l'autorisation de punir comme i l l'entend
les paisibles chrétiens qu'il qualifie d'insurgés. I l met tout en
oeuvre pour envenimer de plus en plus la haine et le fanatisme de
ses coreligionnaires. I l réussit à gagner à sa cause les chefs des
Yézides et des Kurdes, que l'appât du butin facilement attirait
en ces lieux.
Les massacres devaient avoir lieu le vendredi 1
ER
novembre. La
veille, jour de la lecture solennelle du bérat impérial, on s'est abs–
tenu de tirer au fort les salves d'usage en pareille circonstance;
précaution 'prise à dessein pour qu'il n'y eût pas de confusion sur
le véritable signal de l'attaque, laquelle ne devait avoir lieu que
le lendemain vers midi.
Les chrétiens ne se méprennent guère sur la portée des symp–
tômes sinistres qui s'accentuent de jour en jour. Des hordes
inconnues, portant d'étranges costumes, circulaient dans les rues
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de Diarbékir en lançant aux chrétiens épouvantés des menaces
infernales. Depuis quelque temps le trafic du marché ne consistait
plus qu'en achats d'armes, et malheur à un chrétien qui se serait
permis une semblable "acquisition, fût-ce en prévision du cas de
légitime défense! C'était un privilège exclusivement réservé aux
Turcs.
Terrifiés, les pauvres chrétiens ferment leurs boutiques et n'osent
plus sortir de chez eux; mais, sur les assurances et les exhortations
du chef religieux des grégoriens et du Consul de France, que le
vali, jurant sur son honneur de gouverneur général, avait lâche–
ment trompés, ils ont dû rouvrir leurs magasins pour n'être pas
accusés d'avoir provoqué les représailles des mahométans. Au jour
convenu, sur le signal ordinaire, consistant en la détonation simul–
tanée de plusieurs coups de fusils tirés des divers points de la ville,
les musulmans armés de différentes façons décrites précédemment
.
sortent en foule d'Oulou-Djami (Grande Mosquée), au cri de
L*illah-ill-Allah,
et, aidés des Kurdes et des Yézides, ils se ruent
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d'abord sur les marchés où ils égorgent sans pitié tous les négo–
ciants et boutiquiers chrétiens avec leurs commis. Vainement ceux-
ci essaient de prendre la fuite : le cas était prévu; les troupes
régulières, chargées de prêter main forte aux hordes sanguinaires,
Fonds A.R.A.M